Trump veut mettre en place des droits de douane universels, c’est-à-dire sur tous les produits en provenance de tous les pays. Au mois de novembre 2024 (1), il affirmait vouloir augmenter de 10% la protection douanière sur tous les produits en provenance de tous les pays, de 25% pour le Mexique et le Canada, et de 60% sur les importations en provenance de la Chine, cela notamment pour « punir » la Chine et réindustrialiser le pays. Il a également menacé les pays des BRICS envisageant d’abandonner le dollar dans leurs transactions internationales de leur infliger un droit de douane de 100% (2), et le Mexique d’une taxe de 200% sur les voitures électriques produites par les entreprises chinoises au Mexique. Concernant la Chine, Trump semble avoir revu à la baisse ses projets de droits de douane, ayant depuis son investiture parlé plutôt de 10% de droits de douane, voire d’abandonner l’idée d’imposer des droits de douane à la Chine (3). L’inconstance de Trump et les réactions incertaines des autres pays rendent impossible de savoir précisément quels montants seront appliqués pour ces droits de douane. Il est néanmoins certain que Trump souhaite appliquer une politique économique plus « protectionniste ».
La tendance actuelle du capitalisme mondial est celle de la putréfaction de l’impérialisme-hégémonisme étasunien. Les États-Unis, voyant qu’ils se font de plus en plus concurrencer économiquement, voir dépasser dans certains domaines par la Chine, et que leur hégémonisme est de plus en plus remise en question par les puissances émergentes des BRICS et leurs alliés, sont prêts à tout pour maintenir leur hégémonie mondiale, quelles qu’en soient les conséquences pour l’ensemble de l’humanité.
Avec l’émergence des BRICS, la contestation de plus en plus répandue du dollar, et l’émergence de nouvelles coopérations économiques (par exemple les nouvelles routes de la soie) renforcées par la guerre en Ukraine et les politiques de sanctions économiques contre la Russie, nous assistons à la formation de deux camps opposés sur la scène internationale et à la rupture progressive du marché mondial unique et global avec la formation, elle aussi progressive, de deux marchés mondiaux parallèles et en concurrence. Conséquence de cela : les États-Unis voient leur marché se réduire à mesure que l’alliance des BRICS progresse. Et ce rétrécissement de son marché s’intensifie à mesure que l’impérialisme étasunien, tout comme celui des pays du bloc UE-OTAN inféodés aux États-Unis, perd du terrain sur les territoires d’Afrique, du Proche et Moyen Orient et d’Amérique latine, alors que les peuples de ces territoires tendent toujours plus à se tourner vers les BRICS, notamment vers la Russie et la Chine.
Le protectionnisme voulu par Trump est une réaction de « guerre économique » (en réalité bien plus qu’économique si nous prenons en compte l’ensemble de la politique extérieure des États-Unis) à ce contexte mondial, une volonté impérialiste d’augmenter sa mainmise économique sur le reste du monde et d’enrayer le développement économique des BRICS, plus particulièrement celui de la Chine considérée par les États-Unis depuis 2011 comme étant leur principal adversaire (4), cela dans la continuité des politiques de sanctions menées depuis 2022 contre la Russie.
D’une manière générale, il s’agit pour les États-Unis de réduire les importations étrangères tout en maximisant les exportations de marchandises vers les autres pays, c’est-à-dire de fermer le marché étasunien aux marchandises des pays capitalistes concurrents tout en profitant de la mainmise des EU sur les économies des autres pays pour élargir au maximum ses débouchés. Mais il s’agit aussi, en conjonction avec les menaces permanentes de sanctions adressées par les Etats-Unis à tout pays qui n’irait pas suffisamment dans le sens de leurs intérêts, y compris aux pays du bloc UE-OTAN (regardons par exemple ce qu’il s’est passé avec la guerre en Ukraine et le gazoduc Nord Stream 2 : les pays européens ont été contraints, contre leur propre intérêt, de se tourner vers les Etats-Unis pour s’alimenter en gaz dans le cadre des sanctions économiques contre la Russie sous prétexte d’invasion de l’Ukraine), d’une part d’isoler les BRICS du reste du monde, et d’autre part de contraindre les pays de l’axe UE-OTAN à commercer avec les EU même dans des conditions désavantageuses pour eux. Le but étant à la fois de vassaliser de plus en plus les pays de l’axe UE-OTAN et de couper les BRICS d’une partie de leur commerce extérieur afin de ralentir leur développement économique.
Mais en réalité, en voulant isoler les BRICS, les États-Unis ne feront que s’isoler eux-mêmes. D’une part, comme nous l’avons déjà vu avec la guerre en Ukraine (5), cela ne fera que renforcer la coopération entre les pays des BRICS (6), ainsi qu’entre les BRICS et leurs partenaires, notamment les pays africains qui se tournent de plus en plus vers eux (7). D’autre part, même les pays du bloc UE-OTAN, et notamment les pays de l’Union européenne, sont tentés, en réponse à l’agressivité économique étasunienne, de renforcer leurs relations avec la Chine (8). Bref, ces tentatives des États-Unis pour maintenir leur hégémonie auront en réalité pour effet probable de réduire leur sphère d’influence économique.
Mais outre cela, ces politiques protectionnistes voulues par Trump seront délétères à la fois pour l’ensemble de l’économie aussi bien étasunienne que mondiale et pour l’ensemble des travailleurs du monde, avec comme toujours en première ligne les jeunes travailleurs. Le CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) a fourni une étude examinant les conséquences économiques à prévoir de ces politiques protectionnistes en les comparant à un scénario de référence sans guerre commerciale (9). D’après le CEPII, ces politiques vont conduire à un ralentissement des échanges commerciaux internationaux avec les conséquences suivantes : diminution du PIB mondial de 0,5% par rapport au scénario de référence d’ici 2030, contraction du commerce mondial en volume de 3,3%, soit presque autant que la contraction du commerce mondial qui a eu lieu en 2020 suite à l’épidémie de Covid-19 (- 4,7%). Cela va également conduire à une chute très importante du commerce entre les États-Unis et la Chine, et entre les États-Unis et les pays membres de l’UE : les exportations de la Chine vers les États-Unis diminueront de 80,5 % ; celles des États-Unis vers la Chine de 58 % ; et les exportations entre la France et les États-Unis diminueront respectivement de 11,3 % et de 28 %. La Chine, quant à elle, augmentera ses exportations vers tous les autres pays, excepté les États-Unis : le PIB chinois va certes diminuer par rapport au scénario de référence (-1,3 %), mais les relations économiques de la Chine vont s’étendre tandis que les États-Unis vont s’isoler sur le territoire nord-américain. Les États-Unis eux-mêmes vont perdre 1,3 % de PIB par rapport au scénario de référence d’ici 2030, et les salaires étasuniens vont diminuer de 0,9 % pour les travailleurs non qualifiés et de 1,6 % pour les travailleurs qualifiés.
Nous voyons qu’économiquement les États-Unis ressortiront perdants de ces mesures de protectionnisme. Il est alors légitime de se poser la question suivante : pourquoi Trump veut-il mettre en place ces mesures ? Est-il à ce point incompétent en matière économique ? Bien que ce dernier point apparaisse tout à fait plausible, il faut toutefois ajouter que, par ces mesures, Trump prend acte du fait que la domination mondiale de l’économie étasunienne est terminée, que celle-ci ne tiendra pas face à la montée des BRICS, au premier rang desquelles se trouve la Chine, et que la seule solution restante réside dans la militarisation de l’économie en vue de la guerre impérialiste pour le repartage du monde. Ces politiques auront certes probablement pour effet un ralentissement de la production économique étasunienne globale et un isolement économique, mais elles auront aussi pour effet une augmentation de la production industrielle (+2.2%), et avec elle une croissance de l’industrie militaire. A quoi il faut ajouter l’augmentation du budget militaire qui ne cesse de croître depuis des années (10), les exigences étasuniennes sur l’augmentation du budget militaire des pays membres de l’OTAN (11), les menaces contre la Chine à propos de la question taïwanaise (12), le soutien militaire à Israël (13), le soutien militaire à l’Ukraine dont il est fort douteux qu’il vienne à cesser avec Trump ni même ne serait-ce qu’à diminuer substantiellement (14), ainsi que les velléités expansionnistes de Trump en direction du Canada, du canal du Panama et du Groenland (15). Nous comprenons que Trump prépare les Etats-Unis à la guerre, quitte à précipiter le monde dans une Troisième Guerre mondiale potentiellement exterminatrice.
En somme, ces politiques de protectionnisme économique s’inscrivent dans le cadre d’une économie de guerre, et sont nuisibles aussi bien pour la paix, pour l’économie mondiale comme pour l’économie des EU, et pour l’ensemble de tous les travailleurs du monde. Concernant les travailleurs, ces droits de douane universels et le ralentissement de l’économie qui s’ensuivra auront pour conséquences des licenciements, des baisses de salaires, des hausses des prix, une augmentation de la précarité, notamment pour les jeunes travailleurs. La politique douanière voulue par Trump est donc en elle-même une attaque contre les travailleurs du monde entier.
Mais ne concluons pas de tout cela qu’à l’inverse, les politiques plus « libre-échangistes » soient une solution. Les travailleurs des pays membres de l’Union européenne en savent quelque chose ! L’« économie de marché ouverte où la concurrence est libre » (traité de Maastricht) est synonyme de délocalisations, de désindustrialisation, de licenciements, de baisses des salaires, de dégradation des conditions de travail, de précarisation, de destructions des services publics. Le capitalisme, qu’il soit protectionniste ou non, porte en lui la misère et la guerre. Car peu importe la politique économique adoptée, le moteur du capitalisme est la recherche du maximum de profits, cela en exploitant toujours plus les travailleurs dont le travail est la seule et unique source des profits des capitalistes (16). Quelle que soit la politique économique adoptée, l’intérêt des capitalistes est de faire travailler les travailleurs le plus possible en les payant le moins possible. Le seul moyen pour les travailleurs de protéger leurs conditions de travail, leurs emplois et leurs salaires est d’imposer aux capitalistes un rapport de forces. Sans rapport de forces, les capitalistes sont libres d’imposer leurs propres conditions aux travailleurs. Libre-échange ou protectionnisme, l’enjeu pour les travailleurs est identique, la nécessité de lutter est la même.
Néanmoins, il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse qui consisterait, sous prétexte que le capitalisme est source de paupérisation des travailleurs, quelle que soit la politique économique adoptée, à être totalement indifférent à ce protectionnisme voulu par Trump et au fait que, dans le contexte à l’intérieur duquel il va être mis en place, en provoquant un ralentissement de l’activité économique, il renforcera pour les capitalistes la volonté de licencier, précariser, diminuer les salaires. Il ne s’agit pas de se bercer d’illusions en souhaitant un retour à des politiques économiques capitalistes plus libre-échangistes, mais d’avoir conscience du fait que, plus que jamais, les travailleurs vont devoir s’unir et lutter pour défendre leurs droits, leurs salaires et leurs emplois (17).
Une politique économique protectionniste progressiste peut être envisagée temporairement et dans des circonstances particulières, mais pas dans le cadre du capitalisme-impérialisme. Ce n’est que dans le cadre de la construction du socialisme qu’une politique économique protectionniste progressiste peut être envisagée, par exemple pour faire face aux attaques économiques des pays capitalistes. Car sous le capitalisme-impérialisme, le protectionnisme économique ne peut bénéficier, dans des circonstances données, qu’aux capitalistes. Seule une politique économique allant dans le sens de la construction du socialisme peut permettre d’améliorer le sort des travailleurs, de relancer la production nationale pour satisfaire les besoins de la population et de donner un avenir à la jeunesse.
Mais cela ne sera possible qu’à condition que les travailleurs se battent pour leurs droits et que les jeunes se battent pour leur avenir. Ils doivent cesser de subir l’arbitraire et l’instabilité du capitalisme-impérialisme porteur de crises économiques, sociales, écologiques, militaires. Car rappelons que ces politiques protectionnistes ne constituent qu’une tentative parmi bien d’autres de l’impérialisme étasunien pour faire face à la remise en question de son hégémonie. Il ne faut pas oublier que, derrière tout cela, il y a l’UE, l’euro, l’OTAN qui sont autant de moyens économiques, politiques et militaires qu’utilisent les États-Unis pour s’assurer la vassalisation des autres pays capitalistes, dont la France, et défendre coûte que coûte leur hégémonie. C’est pourquoi nous, jeunes travailleurs français, devons impérativement nous organiser et nous battre pour sortir de l’OTAN, de l’UE et de l’euro en vue de construire progressivement le socialisme et de sortir de ce capitalisme mortifère. Organiser la jeunesse dans cette perspective, c’est précisément la mission que s’est fixée la JRCF !
Défends ton avenir. Rejoins la JRCF !
(7) https://www.cetri.be/Les-BRICS-et-l-Afrique-Entretien
(8) https://www.chine-magazine.com/leurope-veut-tendre-la-main-a-la-chine/
(9) https://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2024/let450.pdf
(16) Les capitalistes eux-mêmes le savent très bien, quoiqu’en disent les économistes bourgeois de l’école dite « néoclassique ». Ainsi Geoffroy Roux de Bézieux, ex président du MEDEF, disait-il lors de son discours d’ouverture de l’Université d’été du MEDEF en 2021 : « la seule théorie économique que je connais est simple : la richesse d’un pays est directement proportionnelle à la quantité de travail de ce pays » (https://www.medef.com/uploads/media/default/0019/98/14061-13990-ref-2021-discours-de-geoffroy-roux-de-be-zieux.pdf).
(17) Comme l’invite d’ailleurs à le faire le Congrès du Travail du Canada, face aux 25% de hausse des tarifs douaniers que Trump veut mettre en place contre le Canada : https://congresdutravail.ca/declaration-de-bea-bruske-presidente-du-congres-du-travail-du-canada-sur-la-menace-tarifaire-de-trump/
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir