Affaire Chassard : qu’est-ce que la prévarication ?

Affaire Chassard : qu’est-ce que la prévarication ?

Contrairement à l’Espagne, la France n’a pas encore inscrit le délit de prévarication dans le Code pénal pour sanctionner le manquement de certain.es juges à leurs obligations professionnelles. Jocelyne Chassard nous explique d’où vient ce mot et quelles notions il recouvre. Ne manquez pas son direct ce soir à 20h. sur Canal JAC-K.

Prévarication vient du mot latin praevaricatio, formé du préfixe prae- et de l’adjectif varicus : qui écarte les jambes ; varicus vient lui-même de l’adjectif varus : qui a les jambes tournées en dedans, qui a des jambes torses, cagneuses. C’est pourquoi le verbe praevaricari signifie tout d’abord « marcher de travers, dévier, s’avancer en faisant des crochets ; et dans le domaine agricole il signifie « s’écarter de la ligne droite en labourant ».

Il pouvait aussi avoir un sens religieux : transgresser une loi divine, trahir des obligations religieuses. Et déjà à l’époque de Cicéron à Rome, prévariquer s’utilisait dans le domaine judiciaire pour des juges ou des avocats qui étaient de connivence avec l’accusation dans un procès.

En français, le mot prévarication existe depuis le XIIe siècle et le verbe prévariquer depuis le XVIe siècle : « Se rendre coupable de prévarication, être de connivence avec la partie adverse ; manquer à son devoir, trahir ses obligations, s’écarter de la justice ». Prévaricateur est à la fois un nom commun et un adjectif.

I. Quelles sont les 3 notions qu’il recouvre ?

Le premier sens en français n’est plus du tout en usage : c’est une transgression de la loi divine ou d’un devoir religieux ou le fait de désobéir à une obligation morale.

Le deuxième sens est une OMISSION : c’est le fait de NE PAS FAIRE quelque chose que l’on devrait faire lorsqu’on occupe une fonction publique : c’est un manquement grave aux devoirs d’une fonction, d’une charge publique ou d’un mandat par un fonctionnaire ou un agent public. Ce manquement à des devoirs envers la collectivité se caractérise par l’intentionnalité et la mauvaise foi : la prévarication n’est pas de l’incompétence. Dans le domaine de la justice, qu’elle soit civile, pénale ou administrative, il faut rappeler que les magistrat.es ont une lourde responsabilité car ils et elles rendent la justice « au nom du Peuple français. » Si des juges manquent à leur devoir en OMETTANT sciemment de faire ce qu’ils doivent faire pour rendre la justice, alors ils sont prévaricateurs.

Le troisième sens de prévarication est une ACTION DÉLICTUELLE, qui enfreint la loi. Elle implique une violation intentionnelle des leurs obligations par des fonctionnaires, des agents publics, des ministre, des magistrat.es, souvent en collusion avec une partie adverse. La prévarication englobe une gamme d’actes illégaux et de mauvaise gestion par des personnes en position d’autorité : l’abus d’une position officielle, le trafic d’influence, la malversation, le détournement de fonds publics, l’accaparement, la concussion et la corruption. Mais dans le code pénal français ce sont ces délits qui sont inscrits, pas la prévarication en elle-même : alors que le code pénal espagnol la prévoit explicitement en plusieurs articles.

La jurisprudence est l’ensemble des décisions rendues par des tribunaux au fil des siècles : ces décisions font évoluer le droit et peuvent devenir des obligations pour les juges qui leur succèdent. Dans la Collection de jurisprudence de Jean-Baptiste Denisart en 1768 : « Le prévaricateur est celui qui abuse de la confiance qu’on lui a donnée… La prévarication se dit plus particulièrement de l’abus commis dans une charge publique. Par exemple si un magistrat rapporteur omet sciemment de parler d’une pièce importante, c’est un prévaricateur. »

Et dans le Répertoire Universel et Raisonné de Jurisprudence de Merlin, édité par Philippe-Antoine Merlin à partir de 1784 : « On entend principalement par le mot « prévarication », l’infraction des officiers de justice à leurs devoirs… Les mains du juge doivent être pures comme ses intentions. »

II. Exemples de procès pour prévarication en France

Nicolas Fouquet était devenu dans la seconde moitié du XVIIe siècle le Surintendant ( = ministre) des finances du Roi de France : connu pour son goût des arts, des lettres et des fêtes somptueuses, il était jalousé par un autre ministre du jeune Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert. Celui-ci poussa Louis XIV à le faire arrêter en 1661 en l’accusant de « péculat », c’est-à-dire de malversation financière, de détournement de fonds et d’accaparement. Fouquet se défendit pendant 3 ans et fut condamné en 1664 au bannissement. Mais Louis XIV trouva que la sentence était trop douce et fit enfermer Fouquet jusqu’à sa mort dans la forteresse de Pignerol, près de Turin en Italie.

Maximilien Robespierre avait été surnommé « L’Incorruptible » pendant la Révolution française parce qu’il dénonçait systématiquement la prévarication. Voici ce qu’il déclarait à l’Assemblée constituante le 10 mai 1793 :

« Un peuple dont les mandataires ne doivent compte à personne de leur gestion n’a point de Constitution ; […] Dans tout État libre, les crimes publics des magistrats doivent être punis aussi sévèrement et aussi facilement que les crimes privés des citoyens. […] Il est naturel que le corps chargé de faire les lois surveille ceux qui sont commis pour les faire exécuter ; les membres de l’agence exécutive seront donc tenus de rendre compte de leur gestion au corps législatif. En cas de prévarication, il ne pourra pas les punir, parce qu’il ne faut pas lui laisser ce moyen de s’emparer de la puissance exécutive, mais il les accusera devant un tribunal populaire, dont l’unique fonction sera de connaître les prévarications des fonctionnaires publics. »

Jean-Baptiste-Marie Lacombe était un révolutionnaire patriote qui, en octobre 1793, devint président de la Commission militaire de Bordeaux. À cette période de guerre contre les monarchies étrangères et de révoltes contre-révolutionnaires, les représentants en mission installent dans certains départements des commissions militaires révolutionnaires : ce sont des tribunaux d’exception, distincts des tribunaux militaires et spécialisés dans le jugement des faits en rapport avec l’état de guerre et dans le châtiment des activités contre-révolutionnaires.

Mais le président Lacombe reçoit souvent de l’argent des accusés en échange de son indulgence : il est arrêté pour prévarication le 2 août 1794 et conduit devant le Comité de surveillance ; son procès a lieu le 14 août 1794. Lacombe reconnaît ses méfaits. Déclaré traître à la Patrie, ennemi du peuple, il est condamné à la peine de mort pour exaction, concussion, prévarication, corruption des mœurs et de l’esprit public : il est guillotiné le jour même.

Aujourd’hui, j’ai trouvé l’exemple d’un Léonard X… qui, en 1989, avait accusé de prévarication le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Marmande (Lot-et-Garonne). Malheureusement, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Agen a déclaré sa plainte irrecevable. Léonard X… a fait un pourvoi devant la Cour de cassation qui a également estimé que cette plainte pour prévarication ne correspondait pas à un texte précis (Cass., Ch. Crim, 3 octobre 1990, n°89-86086).

III. La prévarication dans le Code pénal espagnol.

Dans le Code pénal espagnol, la prévarication est un délit que commettent des magistrats ou des fonctionnaires publics en prenant une décision ou en rendant un jugement injustes en pleine connaissance de cause, et en sachant que ces actes actes vont porter préjudice à de tierces personnes qui ont a priori confiance dans l’administration ou le monde judiciaire.

La prévarication est distincte de la corruption (recevoir des faveurs, des cadeaux ou de l’argent en échange d’actes professionnels illicites) et de la malversation (détournement de fonds, accaparement financier).

Elle se commet dans deux domaines professionnels distincts : celui des autorités administratives et agents public (prevaricación administrativa = article 404 du code pénal) et celui des juges, procureur.es et avocat.es (prevaricación judicial = articles 446 à 449). La sanction est toujours la limitation ou privation de l’emploi, du mandat ou de la charge pendant une période temporaire ou à vie, et des peines de prison dans les cas les plus graves.

  • Prévarication judiciaire intentionnelle (article 446) : un.e juge ou magistrat.e rend une décision injuste en ayant conscience de l’injustice ; le préjudice subi du fait de la décision doit être direct.
  • La prévarication par imprudence (article 447) : rendre une décision ou un jugement injustes par imprudence grave ou ignorance inexcusable : il fait prouver plus fortement l’injustice manifeste de la décision ou du jugement.
  • La prévarication par refus de juger (article 448) : un.e juge se refuse à juger une affaire, soit en prenant prétexte de l’obscurité, de l’insuffisance ou du silence de la loi (comme dans l’article 4 du code civil français), soit sans alléguer aucune raison légale. C’est un cas de prévarication par omission.

Le refus de juger ou, ce qui revient au même, le refus d’exercer l’activité juridictionnelle conférée aux Juges et aux Magistrat.es dans leur domaine de compétence, […] peut se traduire par le refus infondé d’effectuer des actes qui s’imposent juridiquement : ne pas assumer sa compétence, ne pas prendre de mesures, ne pas rendre de jugement, etc. […] La volonté de ne pas exercer la fonction juridictionnelle doit être claire, elle doit être intentionnelle et dolosive sous peine d’être qualifiée de prévarication par imprudence.” (Décision du Tribunal suprême du 17 février 2015 (STS n° 62/2015).

  • Retard malveillant dans la procédure (article 449) : le ou la juge retarde la phase de jugement en poursuivant un objectif illégitime.
  • Prévarication de procureur.es ou avocat.es (article 467) : – avoir commis une imprudence grave ayant causé un préjudice à des justiciables ;

Le Tribunal suprême espagnol a déjà affirmé dans ses décisions que sanctionner la prévarication des juges et magistrat.es était nécessaire pour préserver la bonne Administration de la Justice et l’état de Droit d’un pays. Il s’agit de combattre l’arbitraire, la partialité et l’injustice dans les décisions administratives et judiciaires afin de conserver la confiances des citoyen.nes.

Celle ou celui qui prévarique manifeste du mépris pour “la primauté du Droit et par conséquent s’attaque à l’Etat de Droit, en affaiblissant la fonction judiciaire de juger par application stricte du Droit” (Décision STS n°2/1999).

“Dans un système démocratique tel celui réglé par la Constitution espagnole, le Pouvoir judiciaire est légitimé par l’application de la loi à laquelle il est soumis et non par l’imposition de ses propres prérogatives. […] Les dispositions légales du délit de prévarication en doivent pas s’entendre comme une attaque à l’indépendance des Juges mais comme une exigence démocratique qu’impose la nécessité de réprimer par la loi un comportement survenu dans l’exercice du pouvoir judiciaire lorsque, sous le prétexte d’appliquer la loi, ce comportement porte directement atteinte à l’Etat de Droit.” (Décision STS n°79/2012).

IV. Les 4 juges administratifs que j’accuse de prévarication.

Comme je le rappelle dans mes vidéos SDDJ (= STOP AU DÉNI DE JUSTICE) depuis juin 2023, la juridiction administrative a 3 missions essentielles :

  • obliger les administrations à respecter le Droit,
  • garantir et protéger les droits des fonctionnaires et des justiciables face aux administrations,
  • réparer les préjudices causés aux justiciables par des abus de pouvoir et fautes des administrations.

Dans les deux recours que j’ai déposés depuis le 11 octobre 2019 contre les deux révocations iniques qui m’ont été imposées le 5 août 2019 et le 13 septembre 2021, Olivier Nizet et Antoine Deschamps (tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, Marne), ainsi que Eric Meisse et Christophe Wurtz (cour administrative d’appel de Nancy, Meurthe-et-Moselle) ont délibérément manqué à leurs obligations professionnelles et déontologiques :

  • en refusant de vérifier la matérialité des faits exposés par le rectorat de l’académie de Reims et fermement niés par moi-même, comme en ont le devoir les juges administratifs depuis l’arrêt Camino du Conseil d’État le 14 janvier 2016 ;
  • en refusant de garantir mon droit d’accès aux documents administratifs détenus par le rectorat de Reims, alors que ce droit est légal depuis le 17 juillet 1978 et de nature constitutionnelle depuis le 3 avril 2020 ;
  • en refusant d’ordonner la communication de 5 documents directement relatifs à la procédure disciplinaire de 2019 dont je contestais la légalité ;
  • en refusant de prendre deux simples mesures d’instruction qui devaient me permettre de vérifier la véracité de mes allégations, comme en ont le devoir les juges administratifs depuis l’arrêt Couëspel du Mesnil du Conseil d’État le 1er mai 1936 ;
  • en refusant de vérifier mes allégations sérieuses sur une manipulation frauduleuse commise dans mon dossier administratif au printemps 2019, avant mon conseil de discipline du 21 mai 2019, malgré 4 éléments de preuve objectifs ;
  • en refusant de respecter mon droit à un délai raisonnable de jugement, comme en ont le devoir les juges administratifs depuis l’arrêt d’assemblée Magiera du Conseil d’État n°239575 du 28 juin 2002 ;
  • en refusant de juger au fond mon recours contre la 1ère révocation (Olivier Nizet en juillet 2021) ;
  • en refusant de juger au fond mon recours contre la 2ème révocation (Christophe Wurtz en décembre 2024).

Ces quatre individus on délibérément bafoué mes droits et ont méconnu le DEVOIR D’INSTRUCTION des juges administratifs. Leur partialité manifeste et persistante en faveur du rectorat de Reims les a transformés de facto en complices objectifs de l’entreprise délibérée de harcèlement professionnel organisée contre moi par des hiérarques du rectorat de Reims depuis le 1er juillet 2016.

Foi de Jocelyne Chassard, je serai la première citoyenne et justiciable à faire condamner pour Déni de justice et Prévarication ces quatre Dalton de la juridiction administrative, indignes de la mission qui leur a été confiée « au nom du peuple français » !!!

Jocelyne Chassard.

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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