<<<< Car Trump offre aux Israéliens la possibilité d’assouvir l’ambition qu’ils chérissent le plus : foin de Gaza, de territoire libanais au sud de la rivière Litani, de Mont Hermon ou de désert du Sinaï, qu’ils ont physiquement occupés plusieurs fois dans le passé, c’est la Cisjordanie, cette terre palestinienne où Israël voit partout le passé biblique, qu’il entend voir annexée, et le plus tôt possible. Et c’est en le lui promettant que Trump a fait plier Nétanyahou.
Mercredi 15 janvier 2025, les négociateurs israéliens et palestiniens sont parvenus à un accord de cessez-le-feu… temporaire. Le compromis, en attente d’approbation par le gouvernement israélien, serait agrémenté de « cadeaux » mirifiques octroyés par la future administration étasunienne à Israël. Champion de la diplomatie « non conventionnelle », le nouveau président Donald Trump s’entoure d’une équipe plus que jamais acquise aux vues de l’extrême droite israélienne. Et les Palestiniens, dans tout ça ? Quels Palestiniens ?
Dans les guerres qu’Israël mène autour de lui, en particulier à Gaza, aucun pronostic n’est fiable, tant les changements intervenus dans la région depuis le 7 Octobre, mais aussi la nature des dirigeants politiques qui entreront à la Maison-Blanche ce 20 janvier, rendent toute prévision aléatoire. Qui aurait cru qu’avant même son retour au pouvoir Donald Trump partagerait sur sa plateforme Truth Social, le 9 janvier, une vidéo où un économiste étasunien de renom, Jeffrey Sachs, présente Benyamin Netanyahou comme un va-t-en-guerre compulsif et « manipulateur », un « fils de pute » dont il doit absolument se méfier s’il veut protéger l’Amérique ? Le lendemain, le même Trump encensait publiquement le premier ministre israélien. Trois jours plus tard, le chiffon brûlait de nouveau entre les deux hommes, avant que Netanyahou ne cède aux exigences du Donald.
On sait depuis longtemps, et la guerre à Gaza l’a une fois de plus démontré, que la relation américano-israélienne est « spéciale ». Pourtant, la tension entre Netanyahou et Trump a été réelle récemment. La négociation sur une libération des otages israéliens accompagnée d’un retrait des forces israéliennes s’est apparemment faite sur une base que Netanyahou a systématiquement refusée depuis 14 mois. Son extrême droite le menace de quitter son gouvernement s’il plie aux exigences du Donald. Le gouvernement israélien a d’ailleurs décalé au vendredi 17 janvier la tenue d’une réunion pour ratifier l’accord de cessez-le-feu. Mais, visiblement, Trump souhaitait fermement la signature d’un accord entre Israël et le Hamas avant son entrée en fonction.
Netanyahou acceptera a priori, pour la première fois depuis novembre 2023, un accord de libération d’otages imposée de l’extérieur par les États-Unis. Or, avant l’affrontement entre lui et Trump, la classe politique israélienne et son complexe militaro-industriel avaient basculé dans une hubris de toute-puissance encore jamais atteinte dans leur pays. Israël procède par faits accomplis, en masquant souvent ses objectifs, mais aussi parfois en les révélant clairement. Ainsi en a-t-il été du « plan des généraux » pour le futur de Gaza, énoncé en octobre 2024, qui a progressé tambour battant jusqu’à ce jour, avec la destruction quasi totale dans le Nord de la bande de tout le bâti, l’expulsion forcée de plusieurs centaines de milliers de ses habitants et l’imposition d’une famine organisée, sans qu’on sache si ce génocide aura seulement servi à créer une vaste zone tampon militarisée, ou si, comme beaucoup l’exigent en Israël, de nouveaux colons viendront s’y installer.
Si le cessez-le-feu à Gaza est signé par Israël et le Hamas, cela signifierait-il que le premier se retire de la totalité du territoire de la bande ? C’est peu plausible. Rien n’est clair de ce que Netanyahou entend faire précisément une fois la guerre terminée. Le 11 décembre 2024, le European Council on Foreign Relations (Conseil européen pour les relations internationales) a publié la carte du projet israélien de division de la bande de Gaza en cinq parcelles hermétiquement séparées et contrôlées par son armée.
Qu’en restera-t-il une fois le cessez-le-feu acquis ? Et puisque l’accord de cessez-le-feu implique le retour des populations gazaouies dans le Nord de la bande, de quel espace Israël exigera-t-il de garder le contrôle ?
La joie et le marketing
On peut aisément comprendre les manifestations de joie des Palestiniens, après l’annonce de l’accord sur un cessez-le-feu, chantant « victoire » sur les décombres de Gaza après 468 jours d’effroyables massacres et destructions. On constate que, du côté israélien, les réactions des familles d’otages sont beaucoup plus retenues, tant elles ont appris à craindre les turpitudes du comportement de Netanyahou. Tant, aussi, les conditions de la mise en place de la libération des uns et des autres restent aléatoires : un processus lent et tortueux en trois phases doit se poursuivre, si aucun écueil n’intervient, sur près de trois mois a minima. La durée de la dernière phase, celle de l’échange des corps des Israéliens et des Palestiniens décédés entre les mains du camp adverse, n’est pas précisée, mais elle devrait être courte. Là encore, si tout se passe bien auparavant. Autre exemple : l’accord n’a pas réglé le nombre des personnes qui seraient libérées mutuellement lors de la phase 2.
Par ailleurs, les difficultés à son application restent multiples et tortueuses quant au rythme du retrait des forces israéliennes, à l’entrée dans Gaza de l’aide humanitaire, aux constructions d’urgence d’un premier habitat de fortune pour les Palestiniens. Une question se pose avec gravité : Israël laissera-t-il l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) revenir à Gaza ? C’est un enjeu de première importance, tant seul cet organe onusien dispose de la logistique en mesure de répondre au drame quotidien des Gazaouis. Mais l’accord semble ne pas évoquer ce point, alors qu’Israël a fait voter par son Parlement une loi interdisant toute activité sur le terrain aux représentants de l’agence onusienne. Enfin, l’entourage de Netanyahou, qui a dû accepter l’accord sous la pression, laisse filer une petite musique : l’accord n’ira pas au-delà de sa première phase, et la guerre reprendra.
Le principal, malheureusement, restera sans doute ailleurs. Alors que l’on s’interroge sur la mise en œuvre du cessez-le-feu, les à-côtés politiques de la « transaction » resteront en grande partie non explicites. Mais les premières informations qui ont commencé de filtrer sont extrêmement préoccupantes. Le 14 janvier, le quotidien israélien Yédioth Aharonot dévoilait que le marché conclu avec Netanyahou se résume en une idée clé : Israël devrait abandonner ses ambitions sur la bande de Gaza et recevrait en contrepartie un « sac de cadeaux » qu’il lui serait difficile de refuser.
En particulier :
➞ il aurait le droit de mettre fin au cessez-le-feu s’il le jugeait nécessaire ;
➞ il bénéficierait d’une approbation des EU pour lancer des constructions « extensives » en Cisjordanie ;
➞ la Maison Blanche pèserait de tout son poids pour annuler les sanctions prises auparavant par l’administration Biden contre certains colons ayant commis des actes criminels et, surtout, engagerait une bataille internationale contre les deux cours onusiennes ayant lancé des enquêtes ou des poursuites contre Israël ; en particulier Benyamin Netanyahou et son ex-ministre de la défense Yoav Gallant, contre lesquels la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Dans ces propositions, l’enjeu essentiel, c’est la Cisjordanie. Car Trump offre aux Israéliens la possibilité d’assouvir l’ambition qu’ils chérissent le plus : foin de Gaza, de territoire libanais au sud de la rivière Litani, de Mont Hermon ou de désert du Sinaï, qu’ils ont physiquement occupés plusieurs fois dans le passé, c’est la Cisjordanie, cette terre palestinienne où Israël voit partout le passé biblique, qu’il entend voir annexée, et le plus tôt possible. Et c’est en le lui promettant que Trump a fait plier Nétanyahou.
La grande peur des Palestiniens
Sur cette partie du territoire palestinien occupé, l’armée et les colons, main dans la main, poursuivent activement une répression mortifère. Ce 8 janvier, Haaretz publiait un éditorial intitulé « Israël veut réduire en ruines la Cisjordanie, comme à Gaza ». La veille, Betzalel Smotrich, ministre responsable de la gestion civile de la Cisjordanie et messianiste proclamé, avait exposé son désir de voir l’armée y lancer une opération massive destinée à « détruire les camps de réfugiés en Judée et Samarie, à Tulkarem, Jénine, Naplouse et partout où il y a une menace pour les habitants israéliens ». C’est-à-dire partout, notait le quotidien.
Les instituts de recherche palestiniens, à Jérusalem et Ramallah, prévoient déjà des scénarios incluant l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens en leur faisant traverser le Jourdain. (…) La délégitimation par Israël des organismes onusiens, l’UNRWA en particulier, aboutira à l’effondrement de l’enjeu des réfugiés, et la normalisation progressive entre Israël et d’autres pays arabes, comme l’Arabie saoudite, isolera complètement les Palestiniens.
Telle est la crainte la plus souvent exprimée du côté palestinien. Il faut la prendre au sérieux. La frange la plus radicale du sionisme messianique, avec un large soutien de l’opinion israélienne, appelle quotidiennement à la mise en œuvre en Cisjordanie d’une nouvelle Nakba. Le 3 janvier, huit parlementaires israéliens, représentant quatre partis de droite, Likoud inclus, appelaient le gouvernement à « détruire toutes les ressources de nourriture et d’énergie à Gaza »
À la première occasion jugée favorable, Israël pourrait s’y atteler. Le 7 janvier 2025, Betzalel Smotrich a déclaré après une attaque meurtrière de Palestiniens contre un autobus de colons : « En Cisjordanie, nous devons passer de la défense à l’attaque. » Il a expliqué avoir élaboré un « plan » qui ferait ressembler les villes palestiniennes « d’Al-Foundouk, Naplouse et Jénine à Jabalya » une ville totalement rasée au Nord de la bande de Gaza. Et voilà que Trump, tout à sa diplomatie « transactionnelle », offre aux Israéliens de faire comme bon leur semble en Cisjordanie. Qui dit mieux ?
Proches de la frange la plus raciste des politiques israéliens
Netanyahou avait bâti toute sa stratégie personnelle sur l’attente du retour de Trump au pouvoir. Voilà qu’au moins conjoncturellement, il est déstabilisé par le Donald. Trump n’en est qu’au tout début de son nouveau mandat. Peut-on déjà imaginer un revirement tel que l’administration des EU change radicalement d’attitude envers Israël, suscitant une crise beaucoup plus profonde ?
Quelqu’un comme Peter Beinart, le directeur de la revue Jewish Currents, critique radical de ce qu’est devenu l’État d’Israël et de sa politique, ne le croit pas. Fin novembre 2024, il répondait par avance à ceux qui pensent que Trump peut être l’homme des décisions surprenantes :
« Durant son second mandat comme lors du premier, Trump pourra critiquer Netanyahou, mais vu son ignorance, sa paresse et son incompétence, ses conseillers le manœuvreront [chaque fois] de nouveau pour s’assurer qu’Israël aura les coudées franches. »
De facto, on sait qu’à la fin de son premier mandat, Trump avait exprimé des griefs et eu des dissensions avec Netanyahou. Mais à chaque occasion, ce dernier avait obtenu ce qu’il cherchait, en s’appuyant sur le personnel dont Trump s’était entouré sur le Proche-Orient. Or, cette fois encore, parmi ceux engagés par la nouvelle administration, il n’en est aucun qui puisse laisser place à l’optimisme. L’administration Biden était constituée d’inconditionnels pro-israéliens absolus et d’autres inconditionnels juste modestement réticents. Tous pliaient sans faille devant les desiderata israéliens. Mais jamais une administration étasunienne n’a été à ce point formée de proches de la frange la plus raciste et coloniale du spectre politique israélien. Parmi ceux désignés pour gérer le dossier du Proche-Orient, le nombre d’évangéliques est en hausse importante. Par exemple, Mike Huckabee, le nouvel ambassadeur EU en Israël, qui devrait s’entendre à merveille avec son homologue israélien à Washington, Yehiel Leiter, un colon imbibé d’idéologie messianique nommé par Netanyahou.
La Cour des Miracles
Marco Rubio, secrétaire d’État. Sénateur de Floride, ce supporter inconditionnel d’Israël est un partisan de « la paix par la force ». Il a déclaré « légitime le droit d’Israël sur sa patrie historiqu » et comparé la guerre israélienne contre Gaza à la traque d’Adolf Hitler.
Pete Hegseth, secrétaire à la défense. Vétéran des guerres en Irak et en Afghanistan, puis présentateur phare de la chaine Fox News, il y a mené campagne pour dénoncer les « fausses informations » qui parlent de victimes palestiniennes à Gaza.
Michael Waltz, secrétaire à la sécurité nationale. Il a publiquement appelé Israël à « finir le boulot » à Gaza. En octobre 2024, il lui avait recommandé de frapper l’île de Kharg, nœud des exportations pétrolières de l’Iran.
Stephen Miller, chef de cabinet adjoint de Trump. Fanatique anti-immigrés. Il est proche de la Zionist Organization of America (ZOA), l’organisation sioniste étasunienne qui prône l’expulsion de tous les Palestiniens entre la mer et le Jourdain. En 2017, il avait rédigé le décret de Donald Trump qui suspendait l’entrée aux États-Unis des ressortissants de six pays musulmans.
Elise Stefanik, représentante aux Nations Unies. Elle a bâti sa carrière publique sur la défense absolue d’Israël. Elle a mené la campagne étatsunienne pour disqualifier le rôle de l’UNRWA, l’agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens.
Kristi Noem, secrétaire à la sécurité intérieure. Gouverneure du Dakota du Sud, elle a été au premier rang des promoteurs de la « nouvelle définition de l’antisémitisme », qui permet d’accuser quiconque critiquant Israël d’antisémitisme.
Mike Huckabee, ambassadeur en Israël. Cet ex-pasteur évangélique, devenu gouverneur de l’Arkansas, a plusieurs fois expliqué que « les Palestiniens n’existent pas » et que la Cisjordanie « c’est la Judée et la Samarie, une partie intégrante d’Israël ». Il a émis l’idée que l’Arabie saoudite et l’Égypte devraient offrir une partie de leurs vastes territoires vides pour l’établissement des Palestiniens.
Adam Boehler, envoyé pour les affaires d’otages. Ami personnel de Jared Kushner, le gendre de Donald Trump et maître d’œuvre des Accords d’Abraham.
Sebastien Gorka, conseiller adjoint du président. Grand admirateur d’Israël, il a été accusé à plusieurs reprises de liens avec l’extrême droite hongroise antisémite.
Steven Witkoff, envoyé spécial au Proche-Orient. Ce promoteur immobilier, grand donateur à la fois de Trump et de l’État israélien, est un partenaire de golf privilégié du nouveau président.
Morgan Ortagus, envoyée spéciale adjointe pour la paix au Proche-Orient. Inconditionnelle d’Israël, elle a grandi dans une famille évangélique avant de se convertir au judaïsme.
Les priorités américaines au Proche-Orient
Le retour au pouvoir de Donald Trump s’inscrit dans un contexte où jamais, depuis 1948, la cause des Palestiniens n’a semblé aussi désespérée.
Si le 7 octobre 2023, le Hamas a replacé la question palestinienne au cœur des enjeux proche-orientaux, Nétanyahou est parvenu à rebattre les cartes en Palestine comme dans la région de manière spectaculaire, en détruisant Gaza et en affaiblissant l’Iran et le Hezbollah – et conséquemment en favorisant, involontairement, la chute du régime de Bachar Al-Assad et la prise du pouvoir en Syrie d’un groupe issu d’une mouvance jihadiste, Hayat Tahrir Al-Cham.
Aux États-Unis, Mohammed Salih, chercheur au Foreign Policy Research Institute, estime que, contrairement aux penchants non-interventionnistes les plus ancrés de ses partisans isolationnistes, la nouvelle administration de Donald Trump devra, face à la concurrence croissante avec la Chine, « probablement renforcer ses alliances pour réaligner la région sur les priorités américaines »
Quelles seront ces « priorités » ? Si Trump, comme le croit Salih, entend parvenir rapidement à un accord avec l’Iran sur le nucléaire qu’il pourrait présenter comme « meilleur » que le fameux accord de 2015, auquel il avait retiré la signature étasunienne en 2019, il pourrait entrer dans un conflit difficile avec son principal allié, Israël. Il signale aussi que, parmi l’entourage de Trump, l’idée d’une attaque israélienne sur l’Iran ne manque pas de soutiens. « Netanyahou, écrit-il, pourrait se sentir encouragé à lancer une frappe globale contre l’Iran avant ou peu après le 20 janvier. »
Pour éviter cette perspective peu réjouissante, estime le chercheur, Trump devrait s’atteler à relancer les Accords d’Abraham signés par Israël avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc en 2020, et surtout le projet d’accord de défense tripartite entre les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, dont Nétanyahou avait annoncé, juste avant l’attaque du 7 octobre 2023, qu’il mettrait définitivement fin au problème palestinien
Malheureusement pour le premier ministre israélien, ce jour-là, le Hamas a replacé la Palestine au premier plan des enjeux internationaux. Désormais, écrit Salih, après la guerre à Gaza, un tel projet « se heurte à des obstacles considérables. (…) Si un accord israélo-saoudien s’avérait impossible à réaliser, principalement en raison de l’inflexibilité israélienne sur la question palestinienne, un accord de sécurité bilatéral saoudo-américain pourrait être l’alternative la plus fiable ». Sans avoir la dimension symbolique de celui auparavant rêvé par les EU.
D’autres « experts » étasuniens cherchent des voies plus ambitieuses pour Washington. Suzanne Maloney, spécialiste du Proche-Orient et directrice du programme de politique étrangère de l’Institut Brookings, estime que l’administration Trump « adoptera sans doute une approche permissive à l’égard des ambitions territoriales israéliennes ». Un pronostic peu audacieux. Elle ajoute dans Foreign Affairs, l’organe officieux du « Blob » – communauté informelle qui réunit les hauts rangs des départements d’État et de la défense, des think-tanks spécialisés et du « complexe militaro-industriel » – que « l’approche de Trump sera probablement très perturbatrice, d’autant que certains de ses objectifs sont incompatibles ». Mais, poursuit-elle, « c’est le moment idéal pour un chaos non conventionnel, imprévisible, qui semble à l’ordre du jour de la présidence Trump ». Un homme dont « les grandes ambitions et l’approche transactionnelle en politique étrangère sont étonnamment bien adaptées au Proche-Orient contemporain », juge-t-elle. Et d’ajouter : « C’est là que la volatilité et la cruauté du président pourraient s’avérer un atout inattendu », et enfin permettre « le deal du siècle », dont Trump a rêvé lors de sa première présidence. Certes, reconnait-elle, « il sera très difficile d’y parvenir », d’autant que « les perturbateurs ne manquent pas dans cette région explosive ». Mais si les étoiles s’alignent, veut-elle croire, tout sera possible.
Ces articles exposent une propension répétitive des élites du « Blob » à porter sur le Proche-Orient un regard qui élude la réalité politique, économique et sociale de l’« ailleurs », pour rechercher systématiquement le meilleur moyen d’imposer une pax americana. Et tant pis si elle passe par « la volatilité et la cruauté ». On sait que Donald Trump peut être « cruel » mais aussi très pragmatique. Il ne faut jamais l’oublier, nous disent les trumpologues. Peut-être… Mais dans les deux longs articles précités, par exemple, les termes « État palestinien » ne sont nulle part énoncés. Car il est un fait incontestable : pas un seul de ces experts ne mise sur l’établissement d’un État palestinien, ni même sur l’évacuation des Territoires palestiniens occupés et colonisés depuis plus de 57 ans par Israël. En d’autres termes, malgré « la vision non conventionnelle » du Donald, malgré ses « grandes ambitions » à un « moment idéal », l’idée d’une solution sinon complète du moins simplement assez digne pour ouvrir une voie réaliste mettant fin à la question palestinienne reste l’éléphant qui encombre tout l’espace mental de ces experts.
Ceux-ci continueront d’échafauder des sorties possibles de crise à l’« impasse israélo-palestinienne », alors qu’ils savent pertinemment que seule une pression américaine puissante, du type cessation drastique des fournitures massives gratuites d’armes à Israël, serait en mesure d’obtenir des résultats. Mais ils font semblant de regarder ailleurs. Tout comme ils savent, s’ils avaient tiré la leçon de ce qui a mené au 7 octobre 2023, que la question palestinienne restera une plaie purulente tant qu’on essayera de la « régler » par la seule imposition de la force. Au lieu de cela, ils préfèrent adopter la politique de l’autruche. En attendant, les choix de Trump pour composer ses équipes qui vont gérer la politique proche-orientale des États-Unis resteront déterminants. Et ces choix-là en disent beaucoup plus que les pronostics de tous les experts
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir