Je vous joins la déclaration que le ministère cubain des Relations extérieures vient d’émettre au sujet de la décision de Biden de radier Cuba de la liste des États commanditaires du terrorisme. Il en existe une deuxième (qu’on ne m’a pas demandé de traduire, mais que vous trouverez ci-dessous) concernant la libération de 553 prisonniers suite à des négociations avec le Vatican. L’article que j’ai lu cet après-midi dans le Monde (je ne me rappelle plus à partir de quelle agence de presse) mêle allègrement les deux questions, comme si la libération des prisonniers était le prix à payer pour la radiation de la liste. La Révolution cubaine, elle, sépare catégoriquement les deux questions. Nul ici n’est dupe, même sous des dehors diplomatiques : les raisons de Biden de radier Cuba six jours avant son départ de la Maison Blanche sont aussi peu plausibles et crédibles que celles de Trump pour l’y avoir inscrit trois jours avant la fin de son mandat. Tout cela n’a rien à voir avec Cuba, qui est juste un prétexte pour qu’un président démocrate et un président républicain se tirent dans les pattes au nom de leur parti. L’acceptation de ce prétendu « échange » : prisonniers « politiques »/radiation de la liste serait une honteuse et incroyable reddition de la part de Cuba, pour la bonne raison qu’il est à peu près sûr que le délinquant qui va s’installer dans le Bureau ovale le 20 janvier réinscrira Cuba le plus vite possible sur cette liste, d’autant que son futur secrétaire d’État est Marco Rubio, d’origine cubaine, dont le fonds de commerce a toujours été une haine viscérale de sa Révolution. S’il y avait échange, que devrait faire Cuba le jour où elle se retrouvera sur cette liste : réemprisonner les détenus qu’elle a relaxés ?
Jacques-François Bonaldi
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DANS L’ESPRIT DU JUBILÉ ORDINAIRE DE 2025, L’ÉTAT CUBAIN LIBÈRE DES DÉTENUS
Dans le cadre de ses relations étroites et fluides avec l’État du Vatican, le gouvernement cubain est resté en communication avec le pape François et avec ses représentants et, comme par le passé, a informé le Saint Père des démarches de révision et de libération de personnes privées de liberté, une pratique habituelle dans notre système de justice et caractéristique de la trajectoire humanitaire de la Révolution.
Cette pratique a permis, aux termes des dispositions de la législation nationale, de libérer entre 2023 et 2024 plus de 10 000 personnes condamnées à des privations de liberté, selon les différentes modalités de libération anticipée prévues dans la loi.
Le président Miguel Díaz-Canel s’est rendu en juin 2023 au Vatican où il a rencontré le Souverain Pontife, cette visite ayant été précédée en août 2022 par celle du ministre des Relations extérieures, Bruno Rodríguez Parrilla. Entre autres questions d’intérêt mutuel et de nature internationale, les interlocuteurs ont fourni des informations sur ce point et analysé plus à fond la nature injuste et l’effet nocif de la politique des Etats-Unis envers Cuba. Sa Sainteté a clairement montré sa sympathie et son affection envers le peuple cubain.
Dans les premiers jours de janvier 2025, le président Diaz-Canel a adressé une lettre au Souverain Pontife pour lui faire savoir que, dans l’esprit du Jubilée ordinaire de 2025 que celui-ci a décrété et qui vient de commencer, décision avait été prise d’octroyer la liberté à 553 personnes condamnées pour différents délits, à partir d’une analyse soigneuse et des différentes modalités que prévoit la loi, compte tenu de la nature juste et humanitaire des systèmes pénal et pénitentiaire de Cuba. Ces personnes bénéficieront de cette libération anticipée de manière graduelle.
Cuba maintient avec le Vatican et avec le Souverain Pontife des relations respectueuses, franches et constructives, ce qui facilite des décisions comme celle qui vient d’être adoptée, compte tenu des exigences qu’établit la loi en vigueur, du caractère humanitaire du système de justice cubain et des obligations qu’imposent le maintien de l’ordre intérieur et la sécurité des citoyens.
La Havane, le 14 janvier 2025
Les États-Unis adoptent des mesures qui vont dans la bonne direction, mais maintiennent intact leur blocus.
L’administration étasunienne a, le 14 janvier 2015, annoncé sa décision de : 1) radier Cuba de la liste que dresse le département d’État au sujet des États censément commanditaires du terrorisme ; 2) de recourir à la prérogative qui permet au président d’empêcher que des ressortissants étasuniens présentent des demandes judiciaires devant des cours de ce pays aux termes du Titre III de la Loi Helms-Burton, et 3) de supprimer la liste des entités juridiques cubaines classées comme « sujettes à restriction », ce qui interdit aux citoyens et aux institutions des Etats-Unis de faire des transactions financières avec elles et a des effets sur des pays tiers.
Bien qu’elle soit limitée, cette décision va dans la bonne direction et s’ajuste à la réclamation que le gouvernement et le peuple cubains ont présentée d’une manière soutenue et ferme et à l’appel dans ce sens, vaste, insistant et réitéré, de nombreux gouvernements, notamment latino-américains et caribéens, de Cubains vivant à l’étranger, d’organisations politiques, religieuses et sociales, et de nombreuses personnalités politiques des Etats-Unis et d’autres pays. Le gouvernement cubain leur sait gré de leur contribution et de leur sensibilité.
Cette décision met fin à des mesures de coercition spécifiques qui, de pair avec bien d’autres, causent de graves préjudices à l’économie cubaine et ont de sévères retombées sur la population, un point qui n’a cessé d’apparaître dans les échanges officiels entre Cuba et l’administration étasunienne.
N’empêche – et il est important de le signaler – que le blocus économique et une bonne partie des dizaines de mesures coercitives imposées depuis 2017 pour le renforcer se maintiennent tels quels, et que leur effet extraterritorial perdure en violation du droit international et des droits humains de tous les Cubains.
Nous n’en donnerons que quelques exemples. Les livraisons de carburant que Cuba a le droit absolument légitime d’importer continuent de faire l’objet d’une traque illégale et agressive. Les accords tout aussi légitimes de coopération médicale internationale entre Cuba et d’autres pays continuent de faire l’objet d’une persécution cruelle et absurde, menaçant de priver des millions de personnes de services de santé et limitant les potentialités du système de santé publique cubain. Les transactions financières internationales de Cuba et celles de n’importe quel ressortissant cubain ayant à voir avec Cuba continuent d’être interdites et font l’objet de représailles. Les armateurs de cargos accostant à Cuba continuent de faire l’objet de menaces.
Par ailleurs, aucun ressortissant étasunien, aucune entreprise ni aucune filiale d’une entreprise de ce pays n’a le droit de faire du commerce avec Cuba ou avec des entités juridiques cubaines, sauf exceptions très restreintes et réglementées. La politique officielle des Etats-Unis continue de se fonder sur le harcèlement, l’intimidation et les menaces contre tout ressortissant de n’importe quel pays qui se proposerait de faire du commerce avec Cuba ou d’investir dans notre pays. Cuba reste une destination interdite par le gouvernement des Etats-Unis à ses citoyens.
Les Etats-Unis poursuivent leur guerre économique contre Cuba, ce qui constitue l’obstacle fondamental au développement et au redressement de l’économie cubaine, le blocus faisant payer un coût humain élevé à notre population et constituant une incitation à l’émigration.
La décision que l’administration étasunienne vient d’annoncer corrige de façon très restreinte quelques points de sa politique cruelle et injuste. Une correction qu’elle prend quasiment en fin de mandat, alors que, si elle avait voulu agir correctement, elle aurait dû le faire voilà plusieurs années en tant qu’acte de justice élémentaire, sans rien réclamer en échange et sans fabriquer des prétextes pour justifier son inaction. Pour radier Cuba de sa liste arbitraire des États commanditaires du terrorisme, il lui eût suffi de s’en tenir à la stricte vérité, de reconnaître qu’il n’existe absolument aucune raison pour l’y inscrire et que notre pays a un comportement exemplaire dans la lutte contre le terrorisme, ce qu’ont même admis des agences gouvernementales des Etats-Unis.
Nous n’ignorons pas, par ailleurs, que la prochaine administration peut annuler les mesures adoptées aujourd’hui, comme cela est arrivé à d’autres occasions, dans le cadre d’une conduite contre Cuba absolument dépourvue de légitimité, d’éthique, de justification et de raison.
Pour ce faire, les politiciens étasuniens ne se soucient guère, d’ordinaire, d’aller chercher des justifications honnêtes, leur objectif restant celui que Lester Mallory, sous-secrétaire d’État adjoint, avait fixé en 1960 : faire plier les Cubains par l’encerclement économique, la misère, la faim et le désespoir. Le gouvernement étasunien ne s’embarrassera pas de justifications, tant qu’il restera incapable de reconnaître et d’accepter le droit de Cuba à l’autodétermination et tant qu’il sera disposé à payer le coût politique – l’isolement international – que lui vaut sa politique illégale et génocidaire d’asphyxie économique de Cuba.
Cuba continuera de faire face, tout en la dénonçant, à cette politique de guerre économique, aux programmes d’ingérence et aux opérations d’intoxication et de discrédit financés chaque année, à coups de dizaines de millions de dollars tirées du budget fédéral. De même, elle reste disposée, malgré les différences qui nous séparent. à nouer des relations de respect avec les Etats-Unis, à condition qu’elles soient fondées sur le dialogue et sur la non-ingérence dans les affaires intérieures de chacun.
La Havane, le 14 janvier 2025
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir