Pourquoi Churchill mena-t-il la Grande-Bretagne au combat après l’été 1940 ?

Pourquoi Churchill mena-t-il la Grande-Bretagne au combat après l’été 1940 ?

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Par Patrick Cleburne − Le 20 décembre 2024 − Source Unz Review

C’est magnifique, mais ce n’est pas la guerre.
Pierre Bosquet, général français, lors de l’observation de la charge de la brigade légère, durant la guerre de Crimée ; le 28 octobre 1854.

Winston Churchill et Neville Chamberlain

Au cœur de l’été 1940, les hommes politiques qui composaient le gouvernement britannique se trouvaient confrontés à un problème terrible et retentissant. Et à partir du 10 mai, c’était également le cas du nouveau premier ministre britannique, Winston Churchill. Nous allons y revenir plus bas.

On affirme souvent qu’à l’époque, l’Empire britannique régnait sur le quart des surfaces terrestres de la planète, et qu’il ne voyait jamais le soleil se coucher. Il disposait d’une flotte adaptée. Chacun s’attendait à voir les possessions blanches du Canada, d’Australie et d’Afrique du Sud suivre la voie tracée par la Grande-Bretagne, et c’est bien ce qui se produisit.

Il s’agissait d’une puissance mondiale.

À la stupéfaction générale, l’éclatement de la guerre contre l’Allemagne du mois de septembre 1939 n’avait pas débouché sur un blocage dans une guerre de tranchées similaire à celui du front Ouest de la première guerre mondiale (1914-1918).

Au lieu de cela, les Allemands avaient à partir du mois d’avril 1940 conquis la Norvège et le Danemark, et s’étaient ensuite employés à conquérir les Pays-Bas, la Belgique et la France. Le plus gros de l’armée britannique avait été évacué de France à Dunkerque, en laissant une grande partie de ses équipements lourds.

L’événement avait porté un coup émotionnel indicible aux élites britanniques, dont une partie conséquente (contrairement à leurs homologues étasuniens) avait combattu sur le front Ouest de la première guerre mondiale ou perdu des proches.

Au milieu du XXème siècle, la Grande-Bretagne avait accumulé une expérience colossale en matière de guerres, dans un nombre de pays stupéfiant (Wikipédia en dénombre 171). Une part non négligeable de ces guerres avait échoué, parfois de manière humiliante — dont la plus notable restait évidemment la guerre d’Indépendance des États-Unis.

Pour les Britanniques, la guerre constituait un marché. Il ne s’agissait pas de croisades. Parfois, on gagnait, parfois on perdait. Et on passait à autre chose.

En quoi 1940 fut-elle différente ?

L’opération Lion de Mer (un projet allemand d’invasion de l’Angleterre en traversant la Manche) était certes en préparation. Mais ce plan était une construction de papier. La littérature explicite clairement que la marine allemande — la Kriegsmarine — affirma constamment ne pas être en mesure de protéger des navires de transport des attaques dévastatrices que mènerait la Royal Navy, alors énorme. La Luftwaffe ne se montrait pas non plus optimiste.

Il est probable que l’armée britannique partageait ces évaluations (qui n’ont, pour autant que je sache, jamais été divulguées).

Paradoxalement, la Grande-Bretagne se trouvait sans doute en 1940 dans une position moins périlleuse que durant les plusieurs années durant lesquelles, au début du XIXème siècle, Napoléon avait contrôlé le Continent et menacé l’île d’une invasion.

Le moteur à combustion interne avait permis les raids aériens contre l’Angleterre, qui étaient douloureux — mais ne promettaient aucunement d’être décisifs. Mais il avait également éliminé la possibilité terrible que des vents défavorables pussent empêcher la Royal Navy d’attaquer les vaisseaux d’invasion vulnérables. Le vent avait constitué un élément de risque critique lors des crises précédentes. Les deux invasions réussies les plus conséquentes — celle de Guillaume le Conquérant, en 1066, puis celle de Guillaume III, en 1688 — avaient été en mesure d’éviter les navires de défense en raison du sens du vent.

La question qui se posait au gouvernement britannique en 1940 était : pourquoi se battre ?

La Grande-Bretagne s’était toujours opposée à une entité continentale trop puissante. Mais voici qu’une telle entité s’était levée.

Au cours des siècles récents, la Grande-Bretagne s’était également lourdement préoccupée de protéger ses possessions partout dans le monde — l’Empire britannique. C’est la France qui avait habituellement constitué une menace envers ces possessions — mais aussi l’Allemagne impériale, à partir du tournant du XXème siècle.

Mais l’Allemagne de Hitler ne constituait plus une menace. Les archives prouvent que Hitler était résolument opposé à la destruction de l’Empire britannique, qu’il considérait comme composante idéale d’un ordre mondial idéal. Au lieu de cela, il était totalement concentré sur la menace géopolitique posée par la Russie soviétique. Ce point était su de tous à l’époque.

La menace géopolitique posée par l’Union soviétique constituait — ou aurait dû constituer — également une forte préoccupation pour les Britanniques. Ils avaient pâti des tentatives de subversion soviétique dans leur Empire au cours des années de l’entre deux guerres. Le national-socialisme ne présentait guère d’attraits pour le peuple britannique, qui restait inconscient des menaces et des problèmes qui l’avaient engendré. Mais il en allait tout autrement du Communisme et du Socialisme. Des variétés de mouvements de cette veine avaient plongé des racines profondes dans la société britannique. Les révélations d’après guerre sur l’espionnage des « Cinq de Cambridge«  ne constituaient sans doute qu’une parcelle de la réalité.

Au mois d’août 1940, la Grande-Bretagne ne disposait d’aucune voie menant à une victoire militaire. Durant la 1ère guerre mondiale, l’espoir avait toujours existé que la prochaine offensive allait percer (ce qui finit bien par se produire à la fin 1918). La France ne s’était jamais laissée vaincre. Continuer le combat durant la 1ère guerre mondiale n’avait peut-être pas été très judicieux, mais cela n’avait pas relevé de l’irrationalité.

En 1940, ces espoirs s’étaient évanouis. L’idée que la Grande-Bretagne pût à elle seule soumettre l’Allemagne dans une guerre continentale était tout à fait ridicule.

Restait l’alternative de séduire d’autres pays pour les faire entrer en guerre, à l’instar des États-Unis en 1917.

L’expérience avait démontré qu’il s’agissait d’une option fort peu désirable. Les États-Unis avaient apporté dans la première guerre mondiale beaucoup de force, mais fort peu de sagesse, par leur insistance à imposer une réorganisation instable de la carte de l’Europe et la création de problèmes dangereux. Et ils s’étaient révélés constituer un créditeur impitoyable et irresponsable durant une grande partie des deux décennies qui avaient suivi le premier conflit mondial.

Il était établi que les élites étasuniennes étaient endémiquement anglophobes et anti-impérialistes. Elles étaient jalouses de l’Empire britannique. Ce point se trouvait quelque peu masqué par des relations interpersonnelles souvent très plaisantes. Et cela se produisait avant que fut exercée l’influence croissante des pénibles Irlandais et des Juifs russes fraîchement débarqués.

D’un autre côté, l’Union soviétique constituait un danger avéré et bien identifié. Outre sa promotion incessante de doctrines antinomiques et sanglantes entre les deux guerres, les Russes avaient, sous la direction très entreprenante de Staline, rendu la guerre certaine en 1939. En concluant le pacte Ribbentrop-Molotov du 23 août 1939, ils avaient libéré les mains de Hitler en Europe de l’Ouest. Ils avaient été jusqu’à renforcer l’Allemagne en lui livrant de grandes quantités de matières premières. Pire encore, l’annexion soviétique des États baltes, d’une grande tranche de la Pologne, d’une partie de la Roumanie, et d’un fragment (payé très cher) de la Finlande avait supprimé tout doute sur la nature de l’URSS : il s’agissait d’une puissance agressive et prédatrice à l’ancienne.

Mettre la Grande-Bretagne à la merci de ces parties dangereuses ne constituait pas une option nettement plus attractive que de parvenir à un accord avec l’Allemagne.

Cependant, lorsque Winston Churchill devint première ministre, le 10 mai 1940, il n’eut pas le temps de réfléchir à ce problème : il avait une crise plus pressante à gérer.

Il était au bord de la faillite personnelle, ce qui l’aurait contraint à présenter sa démission du Parlement.

Le retour aux affaires de Churchill, au mois de septembre 1939, avait déstabilisé ses finances, toujours précaires. Il ne pouvait plus espérer terminer les écrits diversement lucratifs sur lesquels il avait compté. L’impôt sur le revenu, les intérêts à verser sur les emprunts bancaires, et de nombreuses dettes personnelles l’attendaient à la fin du mois. Il ne disposait pas de liquidités suffisantes pour les honorer.

Comme le relate l’extraordinaire ouvrage paru en 2015 « La fin du Champagne : Churchill et son argent » [« No More Champagne: Churchill and His Money », NdT], écrit par David Lough, Churchill fut sauvé par un chèque de 5 000 livres sterling, signé par Sir Henry Strakosch, grâce aux bons offices du ‘protecteur’ de Churchill, Brendan Bracken. À l’époque, Bracken était copropriétaire du célèbre magazine « The Economist » avec Strakosch. (Selon les chiffres produits par Lough, cette somme serait aujourd’hui équivalente à 347 000 livres sterling, ou 410 000 $).

Lough commente sèchement :

La somme d’argent fut créditée sur le compte de Churchill le 21 juin. Ainsi fortifié, il paya diverses factures émises par des fournisseurs de chemises, réparateurs de montres et vendeurs de vin, avant de recentrer son attention sur la guerre. 1

Ce n’était pas la première fois, ni la crise la plus désespérée, qui vit Sir Henry Strakosch accourir au secours de Churchill. Au mois de mars 1938, un effondrement du marché boursier étasunien, sur lequel il spéculait souvent de manière agressive, avait provoqué des appels de marge que Churchill ne pouvait pas couvrir. Il faisait face à la banqueroute, qui l’aurait, comme nous l’avons noté précédemment, contraint à quitter le Parlement. Ses deux maisons, à Londres et dans le Kent, furent brièvement mises en vente sur le marché.

Mais Brendan Bracken approcha Sir Henry Strakosch, qui versa 18 000 livres sterling au courtier en bourse (environ 1,518 million de livres sterling contemporaines, ou 1,765 million de dollars). Strakosch et Churchill conclurent un accord curieux et apparemment oral, voyant Strakosch gérer le portefeuille de Churchill pour une durée d’au moins 3 ans, cependant que ce dernier lui verserait 800 livres sterling d’intérêts par an. Il semble qu’aucun accord explicite n’ait été conclu en vue d’un remboursement. 2

Ce sauvetage permit à Churchill de continuer de diriger la faction anti-allemande au Parlement et dans le pays.

Alors qui était ce Sir Henry Strakosch, dont la générosité aura fortement altéré la trajectoire de l’histoire britannique et mondiale ?

Henry Strakosch, selon Wikipédia (actuellement – 3 Janvier 2025), naquit le 9 mai 1871 à « Hohenau, en Autriche ». De fait, Hohenau se trouve en Allemagne. Ses parents étaient juifs, un fait que stipule parfois Wikipédia, mais pas au moment où j’écris ces lignes [C’est pourtant le cas dans la version anglaise : « Strakosch was born to an Austrian family with Jewish ancestry », NdSF]. (David Irving, qui semble être le premier historien à avoir compris l’importance de Strakosch, pensait qu’il était né en Moravie. 3 Il s’agit de nos jours de la région du Sud-Est de la République tchèque. Si cela est avéré, il naquit comme sujet de l’Empire austro-hongrois des Habsbourg).

Il est clair que Strakosch faisait partie de la communauté juive-allemande très sophistiquée, dont la manifestation étasunienne a été commémorée par Stephen Birmingham dans son ouvrage « Our Crowd« .

Il semble que la décision fut prise durant son jeune âge de déplacer Strakosch dans l’anglosphère. Wikipédia affirme qu’il a terminé ses études en Angleterre, pour travailler à partir de 1891, à l’âge de 20 ans, dans les quartiers de la finance. En 1895, il fut embauché par une entité dénommée Banque Anglo-Autrichienne d’Afrique du Sud [Anglo-Austrian Bank of South Africa].

Cela a impliqué Strakosch dans l’extraordinaire flambée des mines d’or d’Afrique du Sud, qui avait commencé une dizaine d’années plus tôt.

À un degré remarquable, cette phénoménale corne d’abondance fut facilitée par les activités sur les marchés boursiers. À un degré tout aussi remarquable, ces marchés boursiers se retrouvèrent rapidement dominés par des Juifs Allemands émigrés.

Les mines furent chacune incubées par des sociétés d’investissements, qui furent ensuite connues sous le nom de « Maisons de financement des mines ». Une fois opérationnelles, les mines étaient introduites sur le marché boursier avec pour mandat d’épuiser l’exploitation et de maximiser les dividendes. L’ensemble du processus, contrairement au phénomène similaire à d’autres égards de la Silicon Valley, était dirigé par les dividendes, souvent de proportions colossales.

Cela signifiait que les « Randlords » [jeu de mot sur le terme propriétaire et le nom de la monnaie sud-africaine, NdT] n’étaient pas riches que sur le papier. Ils commencèrent rapidement à nager dans les liquidités.

Strakosch s’impliqua dans la Maison de Financement des Mines A Goerz & Co, qui fut renommée en Union Corporation en 1891. Il en fut le Président de 1924 à son décès, en 1943. Il acquit la nationalité britannique en 1907 et fut anobli en 1921.

Durant l’entre deux guerres, période au cours de laquelle il vécut principalement à Londres, Strakosch fit montre d’un intérêt important pour les affaires publiques et l’influence politique. Il produisit des écrits sur le standard Or au début des années 1920, et s’impliqua fortement dans les affaires de l’Inde (à l’époque Joyau de la Couronne de l’Empire britannique) à partir du milieu des années 1920. Entre 1929 et 1949, il fut président du magazine The Economist, et, comme mentionné ci-avant, propriétaire de parts de ce magazine.

À un moment, au milieu des années 1930, Strakosch commença à fournir à Churchill des données exposant la portée du réarmement militaire allemand. On ne sait pas vraiment où Strakosch s’est fourni ces données. Comme nous l’avons indiqué, il n’avait pas mis le pied personnellement en Allemagne durant toute sa vie d’adulte. Lough suggère que les connaissances dont il disposait sur le commerce entre l’Afrique du Sud et l’Allemagne en matière de métaux stratégiques pourrait ne pas être étranger au sujet, mais les activités de l’Afrique du Sud dans ces domaines ne sont véritablement devenues substantielles qu’après la seconde guerre mondiale. 4

Le plus probable serait que Strakosch fût le conduit de renseignements collectés par des anti-nazis en Allemagne, très probablement des Juifs.

Que ces informations fussent exactes ou alarmistes constitue également une question ténébreuse. En 1934-1935, Churchill poussa des cris d’orfraie sur le taux de production d’aéronefs allemands pour lancer une panique semblable à celle que provoqua par la suite Kennedy sur le retard en matière d’armements. Cette action détruisit la carrière politique du ministre de l’Air, son cousin par alliance, 7ème marquis de Londonderry. Les services de renseignements britanniques maintenaient une confiance (probablement justifiée) dans leurs propres évaluations, plus basses, mais la capacité de Londonderry à faire usage de sources d’espionnage pour sa propre défense était évidemment limitée.

Voilà à quoi ressemblait le débat à la fin des années 1930. Lourdement armé d’informations en provenance de toute une gamme de sources, dont toutes n’étaient évidemment pas juives, Churchill s’est maintenu comme dirigeant incontesté de la sphère anti-allemande dans l’opinion publique britannique. Il a été aidé en cela par la ligne pacifiste irresponsable et conciliante de la Gauche modérée britannique, incarnée par le parti travailliste.

Dans l’ensemble, les biographes de Churchill ont traité cette situation de dépendance financière avec une grande circonspection et un manifeste manque d’intérêt.

Dans l’ouvrage Churchill: The End of Glory, John Charmley, le plus rude des biographes de Churchill sur le sujet de la pertinence de l’accord conclu avec Strakosch, fait montre de la plus haute pénétration :

Est-ce que Churchill aura été un « auxiliaire embauché » par un groupe de pressions juif qui, considérant les intérêts juifs comme supérieurs à ceux de l’Empire britannique, fut déterminé à engager cet Empire dans une guerre pour son compte ? 5

Refusant de répondre à cette question au motif que le sujet est trop dangereux, Charmley élude le sujet en affirmant qu’une position anti-allemande était cohérente avec la vision du monde entretenue par Churchill. Il se fit ainsi payer pour faire ce qu’il voulait faire.

Récemment, cette question concernant la dépendance financière de Churchill envers l’argent juif a été portée au centre de l’attention dans l’interview Tucker Carlson/Darryl Cooper, discutée ici dans The Free Press Versus Darryl Cooper for deviating from the WWII narrative par Horus, le 13 novembre 2024, et par Ron Unz avec plus de détails.

Cooper a repris l’affirmation de Charmley, selon laquelle l’hostilité manifestée par Churchill envers l’Allemagne était sincère, et ne constituait pas une simple décision mercenaire. Quoi qu’il en soit, la Police politique s’est offusquée, et Niall Ferguson, historien de cour a été délégué pour répondre.

La crise de colère pétulante de Fergusson, History and Anti-History (Worldwide Speakers Group, 5 septembre 2024) révèle un caractère très défaillant. Il se tourne lui-même en ridicule. Je pense qu’il est possible qu’il ait écrit en état d’ébriété. Mais l’essai indique un point très significatif sur la discussion Churchill/Strakosch.

Ferguson ricane à la lecture de Cooper.

David Irving, dont le reste de réputation d’historien a été détruite en 2000, après qu’il a été exposé comme réfutant l’Holocauste dans une affaire de diffamation qu’il a lui-même ouvert contre Deborah Lipstadt …

et

Et oui, bien sûr, Churchill, la marionnette des financiers. Mais pourquoi cela résonne-t-il familièrement ? Eh bien, parce qu’il s’agissait de l’un des leitmotivs de la propagande de Joseph Goebbels pendant la guerre.

Cela n’est évidemment pas un argument. Et après avoir vécu les années Biden, nous sommes désormais bien au fait de ce à quoi ressemble une guerre juridique politiquement motivée.

Sur le sujet du statut d’Historien de David Irving, je vous recommande de lire la disculpation produite par Ron Unz : L’attaque à la Pyrrhus contre David Irving.

Et les soupçons se font jour sur l’idée que Fergusson se doit d’utiliser les souillures pour sortir du sujet des finances de Churchill, faute de disposer d’une autre défense.

Il est certainement plus que possible que Fergusson n’ait jamais lu ni entendu parler de la discussion irréfutable produite par David Loach sur les finances de Churchill, No More Champagne. Après tout, Loach n’est pas universitaire ! Il a obtenu un diplôme d’histoire avec les honneurs à Oxford, mais s’est ensuite orienté vers les bassesses d’une carrière financière à la City de Londres.

Mais cela fait des décennies que sont connus les faits concernant la relation entre Churchill et Strakosch. Par exemple, l’ouvrage The Last Lion de William Manchester, qui expose clairement le sujet (mais sans analyse) a été publié en 1988.

Durant toute sa vie politique, Churchill semble s’être comporté comme un surfeur à la recherche de la Vague Parfaite. Il fut élu au Parlement en 1901 sous l’étiquette de Conservateur, durant une résurgence patriote, alors que la guerre des Boers (Afrique du Sud) de 1899-1902, qui l’avait porté au statut de célébrité, se terminait avec succès. En 1904, sentant une massive réforme socialisante, il changea de bord et rejoignit les Libéraux. Il semble s’être montré enthousiaste vis-à-vis de la guerre de 1914. Lorsque les Libéraux implosèrent, au sortir de la première guerre mondiale, il parvint à rallier les Conservateurs. Durant les années 1930, il s’essaya à résister à la décision prise par l’Establishment britannique de se retirer du gouvernement de l’Inde, puis à dissuader Édouard VIII d’abdiquer. En fin de compte, avec un opportunisme caractéristique, il s’accrocha à la direction du groupe de pression anti-allemand.

À mon avis, c’est le superbe ouvrage Churchill, Hitler et la Guerre Superflue, écrit par Patrick Buchanan, qui décrit le mieux le processus suivant lequel la Grande-Bretagne se retrouva dans la terrible crise de l’été 1940.

Tout ceci dépasse notre sujet. La question est : pourquoi Churchill poussa-t-il la Grande-Bretagne à se battre en 1940 ?

Les conséquences en furent absolument désastreuses. Les Étasuniens ont impitoyablement pillé l’Empire britannique. Lors de la conférence de Téhéran, en 1943, Roosevelt invita Staline en privé à s’emparer et à soviétiser l’Inde — avec l’aide des États-Unis ! 6 La Grande-Bretagne fut rapidement contrainte d’abandonner les projets qui visaient à faire de l’Empire britannique un bloc économique (la « Préférence Impériale »). Elle fut rapidement privée de ses énormes actifs financiers en outre-mer, dont de nombreux furent achetés à vil prix par des Étasuniens. Henry Morgenthau et Harry Dexter White (tous les deux Juifs, et le second étant également un atout soviétique) amenèrent également les Alliés à adopter le plan Morgenthau, qui proposait de désindustrialiser l’Allemagne et d’en refaire un pays agricole, en la rendant incapable de nourrir sa population. (Churchill, à son crédit, a réfléchi à ce plan et l’a dénoncé comme « non naturel, non chrétien et non nécessaire » — mais il fut rapidement contraint à s’y soumettre). 7 Cela renforça la résistance allemande à l’Ouest, chose qui rendit service à Staline, mais en tous cas, le projet aurait constitué une catastrophe pour l’économie européenne.

Chose pire, l’Union soviétique fut en mesure de tyranniser l’Europe de l’Est durant un demi-siècle, provoquant d’énormes souffrances et infligeant beaucoup d’anxiété et d’énormes dépenses en Occident.

Il serait trop facile d’oublier que sans les armes nucléaires, on dispose de toutes les raisons de penser que l’URSS aurait à un moment ou à un autre déclenché une autre guerre terrestre conventionnelle. Avec ses armées considérables, elle aurait probablement conquis le reste du continent. Les dirigeants de la Grande-Bretagne de 1940 ne pouvaient pas disposer du moindre indice que cet ange gardien existerait à l’avenir.

Autre conséquence très prévisible, les tensions sociales et les ressentiments dû à la guerres précipitèrent l’élection du gouvernement travailliste socialiste en 1945. Le prix fixé par le parti travailliste à sa participation dans le gouvernement de coalition durant la guerre avait déjà été l’imposition de ses principes politiques dans les affaires intérieures. Lorsque le gouvernement travailliste de 1945-1951 quitta ses fonctions, la Grande-Bretagne était étroitement étreinte dans un corset socialiste qui perturba son économie jusqu’à l’administration de Mme Thatcher dans les années 1980.

Le parti travailliste ne fut bien entendu que trop heureux de lancer l’effondrement de l’Empire britannique avec le sabordage sanglant de l’Inde en 1947.

Tous ces événements déplorables découlèrent de la décision, prise au mois d’août 1940, et maintenue par la suite, de ne pas conclure d’arrangement avec Hitler.

C’est un fait avéré que Sir Henry Strakosch tenait financièrement Churchill directement à la gorge. Une simple volonté de sa part aurait sans doute suffi à assurer la ruine financière de Churchill et de provoquer l’effondrement de sa réputation auprès du public. Il ne s’agissait pas uniquement de le contrôler en le payant : Churchill n’aurait pas facilement pu démissionner.

Deux événements révélèrent que Churchill n’était pas à l’aise avec cette relation.

Alors qu’il était notoire qu’il ne remboursait pas ses dettes rapidement, il a remboursé l’emprunt de 5 000 livres sterling consenti en juin 1940 par Strakosch dès le premier semestre 1941, après que l’enthousiasme en plein essor pour ses propriétés littéraires améliora ses liquidités. 8 Et ce en dépit du fait que cet emprunt ne semblait pas exiger de date de remboursement particulières. Il est probable qu’il considérait que cet emprunt avait une trop mauvaise apparence.

Chose plus spectaculaire encore, la situation révélée par la seule référence qui est faite à Strakosch dans l’ouvrage biographique sur Churchill paru en 2018 sous la plume d’Andrew Robert, Walking with Destiny.

Le 30 octobre 1943, Churchill bénéficia d’un legs de 20 000 livres sterling … après le décès de son ami Sir Henry Strakosch, son ami mineur d’Afrique du Sud et financier. Le lendemain, le journal personnel de Marion Holmes indique que Churchill se trouvait, cela se comprend, sur un nuage. Il commença, mais ne finit pas, la rengaine « There was a young lady of Crewe. » 9 10

En outre, Strakosch effaçait le montant de 18 000 livres sterling sur l’emprunt consenti en 1938.

Strakosch était mort le même jour, si bien qu’il est probable que Churchill connaissait par avance les clauses du testament.

En premier examen, le traitement réalisé par Robert sur la relation entre Strakosch et Churchill (sans apporter de contexte) apparaît comme professionnellement négligent. Et on peut tout à fait le considérer comme timoré. Mais aux yeux de qui savent, Robert a dégoupillé et lancé une grenade.

Car le lecteur est invité à examiner le fait que le dirigeant de l’Empire britannique, en arrivant quasiment aux deux tiers de la durée de la seconde guerre mondiale, était tellement pétri d’anxiété au sujet de ce que son créditeur pourrait faire qu’il a connu des émotions éclatantes lorsque l’épée de Damoclès lui a été retirée.

(La somme de 20 000 livres sterling représente aujourd’hui 1,143 million de livres sterling, ou 1,486 million de dollars. Le total des cadeaux consentis par Strakosch s’élevait donc à environ 2.8 million de dollars contemporains. C’est faiblard relativement aux standards posés, par exemple, par la famille Biden, mais les actifs financiers venaient de traverser une période de déflation de 14 ans, pas une inflation de 40 ans.)

David Irving, dans son second ouvrage magistral sur Le triomphe dans l’adversité de Churchill, divulgue le fait que deux autres ministres du cabinet (qu’il ne nomme pas) avaient reçu des emprunts consentis par Strakosch. Il a découvert ce point en lisant le testament de Strakosch, qui effaçait ces emprunts. 11

Le fait déprimant au sujet de cette sombre histoire est que Churchill, entre tous, disposait des connaissances, de l’érudition et de la vision qui lui auraient permis d’endosser ce que l’on pourrait désigner comme un vrai rôle de chef d’État. Retomber dans la guerre émotionnelle et l’hystérie relevait du rôle de personnalités de second ordre.

Ce point éclate en fort contraste par rapport à sa biographie magistrale et colossale de son grand ancêtre John Churchill, premier Duc de Marlborough: Marlborough: His Life and Times.

(à mon avis, ce livre constitue l’objet le plus précieux de son héritage à ce pays.)

Dans cette étude, Churchill analyse avec finesse les motivations mouvantes des nombreux participants de la guerre de succession espagnole (1701-1713) qui constitua dans les faits une guerre mondiale de l’Occident. Il s’agit d’un triomphe de perspicacité et de jugement.

Son traitement de la fin de cette même guerre est encore plus pertinent. En 1710, les dirigeants du parti conservateur britannique, qui avaient obtenu l’oreille de la Reine Anne, évincèrent les alliés politiques de Marlborough à Londres, et exploitèrent les lassitudes envers la guerre et la jalousie de Marlborough pour contraindre à la conclusion d’une paix avec la France.

Ce processus provoqua l’abandon de la perspective scintillante qui était jusqu’alors visible en 1710 lorsque, en grande partie grâce au génie militaire et politique de Marlborough, il apparaissait comme probable que la guerre allait déboucher sur une victoire éclatante de la Grande-Bretagne et de ses alliés. Il se présentait une chance réelle que la position dominante de la France en Europe pourrait se trouver sapée durablement. Au lieu de cela, la Grande-Bretagne passa les 150 années suivantes à lutter pour contrer les ambitions françaises.

On aurait pu s’attendre à ce que Churchill ralliât les nombreux historiens qui suivirent pour dénoncer la sottise et la turpitude de cette action, et ce d’autant plus qu’elle fut préjudiciable à son cher ancêtre.

Au lieu de cela, il note avec justesse que le parti de la guerre en Grande-Bretagne avait succombé à l’enlisement. Le décès soudain et inattendu de l’Empereur d’Autriche, au mois d’avril 1711, impliquait que son frère et héritier, candidat des Alliés au trône d’Espagne, allait régner, s’il parvenait à ses fins, sur un Colosse européen guerre préférable à la combinaison possible de la France et de l’Espagne qui avait provoqué le déclenchement du conflit. Il soupèse également avec justesse la lassitude envers la guerre ressentie en Grande-Bretagne, qui avait largement financé le conflit.

Au cours de sa propre carrière, Churchill aura à plusieurs reprises fait montre d’une remarquable profondeur de vue. En 1919, il a vraiment essayé de persuader le Cabinet d’intervenir efficacement dans la Révolution russe aux côté des Russes blancs. Les collègues membres de sa coalition, menés par Lloyd George, le premier ministre, ne prenaient pas assez au sérieux la menace communiste. Sans doute un romantisme anti-tsariste et gauchisant était-il à l’œuvre, ainsi que la lassitude vis-à-vis de la guerre, l’ignorance et la timidité.

De toute évidence, si les Russes blancs avaient pu être maintenus au pouvoir, les soixante-dix années qui suivirent auraient été nettement plus agréables. Chose ironique, Lloyd George est tombé en 1922 en raison de son positionnement agressif contre la Turquie et en défense de la Grèce, au cours de l’affaire de Tchanak. Risquer une entrée en guerre pour des morceaux de la frontière entre la Turquie et la Grèce, tout en rejetant la possibilité de bloquer le communisme en Russie, est une chose curieuse.

Churchill montra une vision semblable sur le sujet de l’Inde. Durant les années 1930, l’establishment politique britannique avait tacitement décidé de céder l’Inde aux forces nationalistes locales. La relation entre l’Empire britannique et l’Inde était très subtile et complexe, et Churchill, qui y avait vécu durant des années, le savait fort bien. Et l’Inde en soi était également subtile et complexe. Il n’est pas de mise ici de discuter si une gestion avisée des diverses forces en jeu aurait pu maintenir l’influence britannique en Inde, comme cela s’était produit au cours des siècles précédents. Mais Churchill avait indéniablement raison lorsqu’il comprit que la fin rapide de l’administration britannique allait porter un coup fatal à l’Empire britannique, aussi bien sur le plan matériel que moralement. C’est pour cette raison que le gouvernement travailliste d’après guerre fut si heureux de faire advenir cette fin.

On trouve un autre exemple dans le célèbre article de Churchill Sionisme contre Bolchevisme. Une lutte pour l’âme du peuple juif. Chose étrange, la première publication de cet article parut dans l’Illustrated Sunday Herald de Londres le 8 février 1920.

Dans cet article, Churchill s’est rendu célèbre en faisant mention d’un fait qu’il est devenu de plus en plus difficile d’évoquer au cours des décennies qui suivirent :

Il n’est pas besoin d’exagérer, dans la création du Bolchevisme et dans l’advenue de la Révolution russe, par… les Juifs. Ce rôle est sans aucun doute très important ; il dépasse sans doute tous les autres. À l’exception notable de Lénine, la majorité des personnalités de premier plan sont des Juifs. … Au sein des institutions soviétiques, la prédominance des Juifs est encore plus stupéfiante. Et le rôle de premier plan, pour ne pas dire le rôle principal, dans le système de terrorisme appliqué par les Commissions Extraordinaires visant à Combattre la Contre-Révolution, a été endossé par des Juifs, et dans certains cas notables par des Juives.

La plupart des aficionados de Churchill passent rapidement sur ce texte un regard vitreux, en serrant les lèvres. Ce qui les amène à laisser échapper la prescience stupéfiante dont il fit preuve.

Dans ce même article, Churchill suggère que le Sionisme pourrait se transformer en antidote au Communisme dans la communauté juive, au grand bénéfice de tout un chacun.

Le Sionisme s’est déjà transformé… en puissante influence antagoniste dans les cercles bolcheviques au sein du système communiste international. Rien ne pourrait être plus significatif que la furie avec laquelle Trotski s’en est pris aux Sionistes. … La pénétration cruelle de son esprit ne lui laisse aucun doute sur le fait que ses desseins … sont directement entravés et gênés par ce nouvel idéal, qui oriente les énergies et les espoirs des Juifs de tous les pays vers un objectif plus simple, plus vrai, et nettement plus atteignable.

… consistant à établir avec la rapidité la plus réalisable un centre national juif en Palestine … une tâche se présente, qui reçoit de nombreuses bénédictions.

La jeune génération connaît et méprise les néo-conservateurs comme responsables de la doctrine injuste « Envahir le Monde, Inviter le Monde », qui a amené par la séduction les États-Unis à entrer dans des guerres douteuses et qui a gêné un retour en arrière vis-à-vis de l’Immigration Act de 1965, qui a détruit la nation.

Cependant, nous distinguons particulièrement bien aujourd’hui la difficulté qu’il y a à arrêter ces erreurs. Il faut que chacun comprenne que l’énergique anti-communisme adopté par les Conservateurs au cours des années 1970 et 1980 était crucial. Sans leur force, il se peut que l’administration Reagan fût incapable de surpasser la fixation sur la détente établie par l’establishment républicain et de renverser le pro-communisme de la gauche du Parti démocrate qui avait produit le désastre du Vietnam.

Bien entendu, les néo-conservateurs ont agi ainsi pour Israël. Mais Churchill avait raison de voir qu’en certaines circonstances, le Sionisme pouvait produit un bénéfice général.

Il est apparu plus récemment que la vision de Churchill, si elle avait été suivie d’actions, aurait sauvé non seulement l’Empire britannique, mais la Grande-Bretagne elle-même.

L’immigration colorée en Grande-Bretagne a commencé au goutte-à-goutte à partir de la fin des années 1940. En 1954, selon Andrew Roberts, les non-Blancs ne représentaient que 0,16 % de la population d’Angleterre. Mais Churchill était alarmé.

Roberts indique :

‘Des problèmes vont surgir si de nombreuses personnes de couleur s’installent ici’ affirma Churchill au Cabinet le 3 février 1954. ‘Allons-nous nous infliger des problèmes de couleur au Royaume-Uni ? Ces personnes sont attirées par l’État providence. L’opinion publique du Royaume-Uni ne va pas tolérer que ces niveaux d’immigrations dépassent certaines limites’

Sur le sujet de l’immigration en provenance d’Inde occidentale, il affirma au Cabinet qu’un bon slogan serait ‘gardons l’Angleterre blanche’. 12

Sans surprise, comme le parti conservateur britannique était fermement sous le contrôle, à l’époque comme aujourd’hui, des socio-libéraux, Churchill n’obtint aucun soutien. Ses collègues se trouvaient sans aucun doute déjà sous l’influence de « la revanche de Hitler«  et ne refusèrent d’envisager les affaires politique sous une perspective raciale. Et sans aucun doute, ils furent complaisants à l’idée que toutes difficultés fussent endurées par les classes les moins aisées, et pas par leurs propres familles.

Mais bien entendu, Churchill avait raison. La Grande-Bretagne s’est retrouvée confrontée à des coûts énormes suite à une immigration colorée excessive, financièrement et en termes de criminalité.

Et, chose, plus horrifiante encore, l’élite politique britannique a agi pour réprimer la réponse de la nation, prédite par Churchill, en abrogeant l’ancien droit à la liberté d’expression qui caractérisait cette nation. La punition actuelle édictée par le gouvernement travailliste actuel pour les manifestations qui ont suivi les meurtres de Southport a montré qu’une machinerie d’État policier a été établie dans le silence, aussi lourde que celle de l’Allemagne nazie ou de l’URSS, même si elle n’est pas (encore) aussi sanglante. Cette punition limite fortement toute discussion publique sur le sujet de l’immigration.

Il s’agit presque exactement de l’inverse de l’objectif pour lequel les Britanniques pensaient lutter durant la seconde guerre mondiale.

Alors comment est-il possible que cet analyste sophistiqué des affaires mondiales, qui, pour le meilleur ou pour le pire, avait lutté toute sa carrière pour l’avantage non seulement de la Grande-Bretagne, mais de l’Empire britannique, perdît subitement sa volonté et acceptât d’aiguiller le pays dans un désastre bouleversant ?

Se pourrait-il qu’arrivant sur la fin de sa carrière, l’acteur désormais âgé mît de côté ses préoccupations pour sa nation et pour ses compatriotes, pour s’emparer de ce grand rôle ? En faisant fi des réserves qu’il devait ressentir quant au style de la production et de la personnalité de ses soutiens ?

C’est ce que pensait sa victime, Lord Londonderry. En 1947, il a écrit :

Nous n’aurions jamais dû avoir cette guerre, avec ses résultats épouvantables, pour prix de la survenue de Winston à un nom historique éternel comme chef de guerre. 13

Plus on se documente sur les actions des dirigeants, notablement en temps de guerre, plus on distingue que l’égo quant au rôle qu’ils endossent occupe une place terrifiante.

Et tristement, je pense que cette interprétation est encore trop charitable dans le cas de Churchill. À l’été 1940, il n’avait que 65 ans. Il continua de faire montre d’une acuité mentale et d’une énergie puissantes durant plus de 10 années après cela, faisant fonctionner et insufflant de l’énergie à la machine de guerre britannique avec une grande compétence, et voyageant nettement plus pour y parvenir que ses homologues Roosevelt et Staline. (Il s’impliqua également dans un combat régulier contre ses ennemis sur le terrain de la Chambre des Communes, une épreuve difficile qui est épargnée aux dirigeants étasuniens. La position d’un président Biden, ou Wilson, dissimulant leur décrépitude, ne pourrait pas exister dans le système parlementaire britannique.)

Après qu’il apparut nettement à la fin 1940 que l’Allemagne n’allait pas tenter d’envahir l’Angleterre, des possibilités intéressantes se présentèrent à la Grande-Bretagne. Un règlement avec l’Allemagne aurait pu signifier que la menace italienne en Afrique du Nord disparaîtrait avant d’avoir véritablement existé. Cela n’aurait certainement pas empêché l’attaque de Hitler contre la Russie qui, pour répéter la phrase de Churchill citée ci-avant, aurait constitué « … une tâche … qui reçoit de nombreuses bénédictions. »

Si une guerre germano-soviétique aurait malgré tout, comme on peut le penser, continué d’amener des éléments douteux vivant aux États-Unis à provoquer une guerre contre le Japon pour venir en aide à l’URSS, la Grande-Bretagne se serait trouvée en bien meilleure position pour défendre ses intérêts. Et laisser la Grande-Bretagne en tant que puissance non-belligérante aurait pu empêcher Hitler de réaliser sa gaffe suprême, qui constitua à déclarer gratuitement la guerre contre les États-Unis après Pearl Harbor.

De fait, si la faction favorable à la guerre aux États-Unis avait réussi à faire de la guerre contre l’Allemagne une possibilité, la Grande-Bretagne aurait même pu vivre l’expérience plaisante de devenir fournisseur des États-Unis !

Le concept selon lequel Churchill, en 1940 ou durant les années qui suivirent, ne fut guère qu’un acteur talentueux mais fatigué, faisant sien avec gratitude un rôle glorieux, quoique sous une production rebutante, est détruit par l’examen des circonstances de son grand discours du Rideau de Fer, prononcé à Fulton, dans le Missouri, le 5 mars 1946 :

De Stettin, dans la Baltique, à Trieste, en Adriatique, un rideau de fer est descendu sur le Continent. Derrière cette ligne, on trouve toutes les capitales des anciens États d’Europe Centrale et Orientale. Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia, toutes ces villes célèbres et les populations qui les entourent gisent dans ce qu’il convient d’appeler la sphère soviétique, et toutes sont sujettes, sous une forme ou une autre, non seulement à l’influence soviétique, mais à de nombreux égards, parfois, à des mesures de contrôle depuis Moscou …

Je ne crois pas que la Russie soviétique désire la guerre. Ce qu’elle désire, ce sont les fruits de la guerre, et l’expansion sans limite de son pouvoir et de ses doctrines.

Pour ce que j’ai vu de nos amis et Alliés russes durant la guerre, je suis convaincu qu’ils n’admirent rien tant que la force, et qu’ils méprisent au plus haut point la faiblesse, surtout la faiblesse militaire.

Ce discours n’a été prononcé que 10 mois après la reddition de l’Allemagne. La brutalité et le caractère sinistre de la tyrannie soviétique sur l’Europe de l’Est n’étaient encore ni totalement connus, ni pleinement mis en œuvre. La Tchécoslovaquie ne fut prise qu’au mois de février 1948, et comme le documente Anne Applebaum dans Iron Curtain: The Crushing of Eastern Europe, l’imposition du totalitarisme entier prit des années. Le très détaillé « Long Telegram«  de George Kennan (8000 mots), crédité pour avoir alerté l’Establishment de politique étrangère étasunienne sur le sujet de l’expansionnisme soviétique, n’avait été envoyé que 13 jours plus tôt, le 22 février 1946, et il n’est donc pas possible qu’il fût à ce moment totalement digéré. Une version publique n’en fut publiée dans le magazine Foreign Affairs que dans l’édition du mois de juillet 1947.

La légende de la Guerre Froide stipule que le discours de Fulton agit comme catalyseur sur l’opinion étasunienne, pour accepter sur-le-champ la responsabilité de mener l’Occident face aux ambitions soviétiques durant les 45 années qui suivirent. Dans les faits, ce discours fut très controversé, et l’administration Truman, qui semble avoir encouragé Churchill, prit promptement ses distances.

Une part considérable de l’élite étasunienne était de fait activement pro-communiste. Il a fallu que l’on finisse de déchiffrer le projet Venona — suspendu — pour comprendre complètement la portée de cette réalité. Mais l’influence continue de cette faction, même sous Truman, fut démontrée par l’abandon rapide des Nationalistes chinois aux Communistes chinois après la seconde guerre mondiale. 14 15

Au delà de ce fait, de vastes pans d’Étasuniens restèrent sous l’influence de la couverture médiatique pro-soviétique malhonnête remontant aux années de guerre — et un plus grand nombre encore se fatigua de la guerre. Ils n’avaient pas encore compris que, contrairement aux pays que les Alliés avaient libérés à l’Ouest, les nations d’Europe de l’Est n’allaient pas avoir le droit de revendiquer leur indépendance et de se gouverner par elles-mêmes. Et ils furent trop nombreux à accorder une foi enfantine au pouvoir des nouvelles Nations Unies.

Churchill accepta volontairement le prix de la stimulation d’une anglophobie, et les accusations d’avoir fomenté la guerre. La furie de ses opposants est documentée dans The Iron Curtain: Churchill, America, and the Origins of the Cold War, écrit par Fraser J. Harbutt, au chapitre 7.

Mais il n’avait pas besoin d’agir ainsi. Il avait lui aussi bénéficié des faveurs des médias étasuniens, et il aurait pu se prélasser sans fin dans l’adulation.

Au lieu de cela, une opinion ferme l’amena à se plonger dans le maelström de la controverse pour atteindre un objectif national central : rallier les États-Unis à protéger l’Occident des Soviétiques. Ce ne fut pas l’action menée par un homme politique épuisé et égoïste.

Churchill, comme on l’a noté ci-avant, était très érudit sur l’histoire de la diplomatie européenne des XVIIème et XVIIIème siècles, truffée de trahisons et de stupéfiants revers d’alliances. Et il avait le tempérament propre à encaisser ce processus demandant du sang froid. Sean McMeekin révèle que juste après le jour de la victoire en Europe (le 8 mai 1945), il ordonna à son directeur de cabinet de préparer une attaque contre l’Union soviétique pour améliorer le traitement accordé à la Pologne. Ses généraux consternés dénommèrent ce projet « Opération Impensable » (la liberté d’expression existait encore au Royaume-Uni à l’époque). Quels que fussent les mérites de cette idée, elle démontre que Churchill présentait encore les émotions reptiliennes d’un véritable homme d’État. 16

Alors, que s’est-il produit au cœur de l’été 1940 ? (Le comportement de Churchill dans la course jusqu’à la guerre, en 1939, est un sujet différent : il partageait sans doute l’opinion répandue selon laquelle la guerre pourrait se bloquer comme en 1914 et ne pas s’avérer existentielle).

Pourquoi Churchill refusa-t-il de se confronter aux faits, et d’orienter la trajectoire de son pays à l’abri de ces dangers ? Certainement, avec son charisme et peut-être à l’issue d’une période convenable pour que l’évacuation de Dunkerque et la bataille d’Angleterre fussent formulées en lénifiantes légendes nationales, qu’il aurait pu faire quelque chose ?

On n’a aucune preuve qu’il ait même essayé — on constate plutôt le contraire.

D’évidence, le comportement de Churchill en 1940-1941 fut de bois, et irrégulier. Une force inhabituelle, puissante et extérieure semble l’avoir poussé à agir comme il l’a fait.

Et tel fut le cas. Et bien entendu, l’étranglement financier et donc politique auquel était parvenu Sir Henry Strakosch en constitua la seule démonstration visible.

Inverser la politique de britannique aurait provoqué une furie mortelle de la part de la Gauche et de la communauté juive. Le ballon d’essai cité ci-avant par John Charmley mérite d’être répété :

Est-ce que Churchill aura été un « auxiliaire embauché » par un groupe de pressions juif qui, considérant les intérêts juifs comme supérieurs à ceux de l’Empire britannique, fut déterminé à engager cet Empire dans une guerre pour son compte ?

Il s’agissait d’un facteur dont Churchill, comme le démontre son article de 1920, était très conscient.

À mon avis, l’hostilité de longue date de Churchill envers l’Allemagne, très normale pour sa génération (il naquit en 1874), qui crut avec les alarmes du réveil industriel de l’Allemagne et les théâtralités de l’Empereur Guillaume, peuvent en partie disculper ses actions jusqu’en 1939.

Mais pas après les événements du début de l’été 1940, qui créèrent une situation profondément différente.

Au matin du 25 mai 1940, le commandant de la force britannique expéditionnaire en France, le vicomte Gort, s’éveilla et inversa brutalement les ordres qu’il avait formulés la nuit précédente. Au lieu de prendre la direction du Sud avec l’armée française, les Britanniques devaient s’orienter au Nord, vers Dunkerque, et essayer d’évacuer. Cela les préserva de la capture lorsque les Français rendirent les armes.

Abandonner ses alliés français sur le champ de bataille constitua sans doute une expérience émotionnellement et moralement dévastatrice pour Gort, un homme droit qui avait servi aux côtés des Français sur le front Ouest durant toute la première guerre mondiale (au cours de laquelle il se vit décerner la Victoria Cross).

En revenant sur cette action après la guerre, le Feld-Maréchal et vicomte Montgomery, qui entretenait une faible opinion professionnelle sur Gort, et qui se montrait en général peu charitable, a écrit :

Sur ce sujet, je lui décerne toutes mes félicitations, et j’espère que l’histoire en fera autant. Il a sauvé les hommes de la BEF… alors que tout compte fait, il ne faut jamais oublier qu’au cours de la crise suprême de sa vie militaire, au mois de mai 1940, il agit avec courage et décision — et agit de la bonne manière pour la Grande-Bretagne.
S’il avait échoué à ce moment, c’est un désastre qui aurait pu s’abattre sur l’armée britannique.

Il n’a pas échoué à sa tâche. 17

Malheureusement pour la Grande-Bretagne, Winston Churchill a échoué à la sienne.

On ne peut que recommander sur ce même sujet le pénétrant ouvrage écrit en 1953 par l’excellent capitaine Russell Grenfell, Haine Inconditionnelle, NdT.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

Notes

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Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone

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