Trump et son Groenland-bouffe

Trump et son Groenland-bouffe

Trump et son Groenland-bouffe

• … Du moins croyait-on qu’avec Trump, ce serait une sorte de Hitler-bouffe : les Woke et leurs amis-neocons nous en avaient tant parlé. • D’une façon un peu, beaucoup, très-différente, il s’avère que Trump nous réserve quelques surprises intéressantes, neuf jours avant d’être vraiment le président. • Même les Russes ont entendu ce nouveau POTUS reconnaître qu’il comprenait que l’extension de l’OTAN ait poussé, sinon obligé la Russie à sa politique ukrainienne et à la guerre. • Quant au reste, Groenland compris, les choses vont devenir intéressantes.

_________________________

Il est vrai qu’il a fallu quelques jours, certainement plus d’une semaine, et après qu’il ait répété ses exigences qui vont du Canal de Panama au Groenland à plusieurs reprises, pour que l’on finisse par prendre Donald Trump, – président-élu, reconnu mais non encore assermenté, – au sérieux. Pour notre cas, avec une extrême prudence toujours nécessaire pour ce qui concerne concerne les déclarations de Trump par rapport à ses intentions, nous restions indécis et incertain par simple politique de la mesure dans ce monde et cette époque qui ne songent qu’à nous la faire perdre de toutes les façons. Dans ce cas-là, il est bon d’attendre les commentaires des uns et des autres, plus proches du “théâtre des opérations” et des milieux politiques qui gravitent autour de Trump, que l’on connaît pour les avoir suivis et vérifié l’excellence de leur travail.

Ce qui a emporté notre conviction qu’il y avait autre chose que le ‘trolling’ où Trump est passé maître, est une intervention du prudentissime et toujours bien-informé Alexandre Mercouris, à l’impeccable logique d’analyse. On cite ici un extrait de son intervention du 8 janvier 2025.

« … Je pensais à l’origine qu'il s'agissait mais il a fait de plus amples commentaires sur le Groenland. Il est fascinant de constater que son fils va visiter le Groenland, mais alors il semblait il ne semble pas que ce ne soit pas possible. Il a persisté dans ses commentaires et a continué à les faire et a donné beaucoup plus de détails à ce sujet dans une longue interview qu'il a donnée hier. Il a publié une carte qui montre le Canada comme faisant partie des Etats-Unis, il a fait d'autres commentaires sur le Groenland…  Il semble que désormais, il ne soit plus possible de parler de cela comme d'une partie du Groenland trolling…

» Si au moins une partie de cela est intentionnelle d'une certaine manière sérieusement et curieusement, cela ne provoque pas aux Etats-Unis la forte réaction à à laquelle on aurait pu s'attendre. Aujourd'hui par exemple, la une du New York Times mentionne à peine ces derniers commentaires de Trump. Dans le Washington Post sur la première page il y a un article d'opinion qui critique ces commentaires et dit que ce que fait Donald Trump est de menacer d'utiliser la force armée contre un allié de l'OTAN, dans ce cas vraisemblablement le Danemark et il y a une part de vérité là-dedans.

» Moi-même, je ne pense pas que nous en soyons là… Disons simplement qu’il l’a dit, c’est un fait… Il a eu l'occasion d'exclure l'usage de la force en ce qui concerne ces diverses revendications territoriales qu'il semble maintenant faire au nom des États-Unis et il a refusé de le faire. »

Équivalence Groenland-Ukraine

A partir de cette appréciation des déclarations de Trump, largement expliquées lors de sa conférence de presse de mercredi (« La première vraie conférence de presse d’un président américain depuis plus de trente ans », a noté Mercouris selon le contenu et la clarté des réponses), notre analyste en tire une vaste description de la vision générale de Trump et les plans qui vont avec. Il estime que Trump , acceptant l’évolution des forces en présence, propose un retour aux “zones d’influence” des diverses puissances qui s’affirment désormais, – une sorte de retour à une situation politique du XIXème siècle. Ainsi, pour lui, ses projets pour le Canal de Panama, le Canada, le Groenland (éventuellement le Mexique), tracent un arc de force opérationnel marquant cette “zone d’influence”, où l’on peut retrouver aussi bien les conceptions  de la “doctrine Monroe” que celles de l’isolationnisme.

Avant d’aller plus loin, – mais on y viendra plus en détails, – il est évident que cette conception  aussi bien que l’affaire du Groenland constituent pour la Russie un argument d’un poids considérable pour sa politique vis-à-vis de l’Ukraine. On retrouve, acceptée et actée, la remarque que font souvent les Russes : “Que croiriez-vous que feraient les USA si quelqu’un venait installer des fusées au Mexique ?”. Lorsque Trump dit, lors de sa conférence de presse, qu’il comprend que «  la Russie a des raisons de craindre la présence de l’OTAN sur ses frontières », d’une part il justifie ses ambitions concernant le Groenland, d’autre part il laisse entendre que la Russie était tout à fait justifiée de lancer son “Opération Militaire Spéciale”. Les Russes ne manqueront pas de noter cette “équivalence” Groenland-Ukraine.

En fait, et c’est ainsi que Mercouris résume son propos lorsqu’il s’agit de l’Ukraine dans la perspective d’un nouvel arrangement stratégique mondial, Trump se présenterait devant Poutine en disant, et l’on cite presque comme si cela avait été dit :

« Moi, je m’en lave les mains. Cette guerre n’est pas ma guerre, je m’y suis toujours opposé. C’est Biden qui l’a lancé du côté des USA, et je ne suis pas comptable des catastrophes provoquées par l’administration qui m’a précédé. C’est sur un tel pied qu’il faut commencer à parler. »

Et les “alliés” européens, effarés, statufiés, trop écrasés pour réagir avec vigueur, voient s’amorcer le pire du pire. “Abandonnés” par les Américains, confis dans leur haine des Russes, objets eux-mêmes de divers mépris et sarcasmes, que peuvent-ils faire ? Sans doute indisposée par sa sévère bronchite, von de Leyen ne se fait plus entendre. Le leitmotiv du discours de Macron à ses “diplomates”, il y a trois jours, était :

« Voilà le monde dans lequel nous vivons, qui aurait cru cela il y a dix ans ? »

Qui, en effet, aurait cru qu’il y aurait des gens sérieux pour penser que les USA jugeraient de leur avantage de contribuer à l’éclatement de l’UE, pour ajouter à la solitude indescriptible dans laquelle les plongent les déclarations de Trump ? Par exemple, exemple de ces “gens sérieux”, Vladimir Vasiliev, chercheur en chef à l'Institut des États-Unis et du Canada de Moscou, dans l’émission “L’Essentiel” de la chaîne ‘Tsargrad’, le 9 janvier :

« Dans le contexte de la recherche d'une solution à la crise ukrainienne, la Russie et les États-Unis pourraient se rapprocher après l'investiture du président élu des États-Unis, Donald Trump, et commencer à reconstruire leurs relations sur cette base. Et c'est ce dont “les Européens ont très peur”, a souligné Vladimir Vasiliev.

» Vasilieve a révélé le projet secret de Trump. Il a rappelé que le républicain avait autrefois accueilli chaleureusement le Brexit, car la désintégration de l'unité de l'UE jouait en leur faveur :

» C'est ainsi que tout a commencé. Et de toute façon, la tâche économique des Américains a toujours été, dans l'ensemble, de démanteler l'Union européenne. Elle est maintenant un peu passée au second plan. Mais en fait, il existe toujours un tel objectif, cette idée est visible. Trump n'a pas besoin de l'UE en tant qu'entité économique.

» L'expert estime que la scission de l'UE permettra à Washington de s'emparer plus rapidement du marché européen du pétrole et du gaz. Surtout maintenant que Bruxelles a personnellement rejeté une partie importante des approvisionnements énergétiques à bas prix en provenance de Russie. »

La Russie compte les points

Bien, on imagine bien que les Russes n’ont aucune confiance dans les USA et leurs dirigeants. Mais certains commencent à se dire : “Après tout, c’étaient surtout Biden et les démocrates, – et les Européens, cocus professionnels, rien de nouveau… Mais Trump ?”. L’impression que l’on a est, même dissimulée et laissée en arrière, la même depuis des années ; – celle que, dans ses emportements, ses fureurs simulés et ses gauloiseries américanisées, Trump s’est toujours secrètement dit qu’avec un personnage comme Poutine il y a toujours moyen de s’entendre. Il y a une certaine admiration de Trump pour Poutine, voire pour les Russes dont il a récemment loué les prouesses au combat en Ukraine.

Il semblerait bien que cette impression est partagée par un certain nombre de personnages dans les milieux du pouvoir, dans le genre effectivement du “D’accord, il n’y a rien attendre des Américains et de Trump, – mais Trump, pourquoi pas ?” Ainsi, derrière un silence officiel dont on commence à deviner les arrière-pensées, certains experts et spécialistes comment à faire leur compte.

Ainsi monsieur Gevorg Mirzayan, professeur associé à l'Université financière, VZGLYAD, expose-t-il les divers arcanes des projets un peu fous d’annexion de Trump, pour en retenir l’esprit dans tous les cas, et pour terminer son analyse par tout ce qu’il y voit d’avantageux pour la Russie :

« Premièrement, Trump divise l’Occident. Qui aurait pu imaginer il y a quelques années que les États-Unis menaceraient d’envahir un pays de l’OTAN ? Et que diront sérieusement les Européens de leur volonté de se battre avec les États-Unis ? Et maintenant, ils en parlent – le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrault a prévenu que l’Union européenne ne tolérerait aucune attaque contre des territoires situés à l’intérieur de ses frontières. Et plus les Européens penseront à protéger leur souveraineté, moins ils s’intéresseront aux affaires ukrainiennes.

» Deuxièmement, Trump soulève la question de la révision des frontières, dans laquelle Moscou a presque commis un crime en 2014 en se saisissant de la Crimée, selon l’Occident. Comme l’a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz, les frontières “ne peuvent pas être modifiées par la force”.

» Lorsqu’on a fait remarquer à l’Occident qu’il avait ouvert la boîte de Pandore territoriale en Yougoslavie, on a répondu à la Russie qu’il n’était pas question d’annexion d’une partie d’un État à un autre. Aujourd’hui, Trump exige ouvertement une telle adhésion. Tout simplement parce qu’il comprend ainsi les intérêts nationaux de son pays.

» Troisièmement, Trump propose de résoudre le problème par référendum – et là aussi, Moscou a des remarques de la série “Eh bien, allez-y !”. Après tout, les référendums organisés dans les anciens territoires ukrainiens en 2014 et 2022 n’ont été reconnus par personne en Occident, ni leurs résultats, ni le droit même de les organiser.

» “S’il y a des affirmations sur la nécessité de prendre en compte l’opinion des gens (au Groenland), alors, probablement, nous devons encore nous souvenir de l’opinion des gens des quatre nouvelles régions de la Fédération de Russie. Et nous devons faire preuve du même respect pour l’opinion de ces gens”, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Pechkov.

» En conséquence, les actions de Trump éliminent l’un des principaux arguments diplomatiques de l’Occident contre les actions de la Russie en Ukraine – selon lesquels Moscou créerait des précédents qui saperaient l’ensemble de l’ordre mondial existant. Il s'avère que la nouvelle administration américaine non seulement fait la même chose, mais reconnaît également de facto la justesse des actions de la Russie en 2014 et 2022. De plus, elle est prête à aller beaucoup plus loin, en prenant des territoires par la force sans aucun référendum. Comme l'a noté Jean-Noël Barraud, “nous sommes entrés dans une ère où le principe de la survie du plus fort revien”.

» Bon vent, comme l’on dit. »

Bon vent, effectivement…

Voilà donc où l’on s’en trouve aujourd’hui, où un président-élu qui prendra le pouvoir dans neuf jours peut affirmer qu’après tout, il est compréhensible et justifié que les Russes aient réagi somme ils l’ont fait devant l’évolution otanienne de l’Ukraine. Et personne ne s’exclame vraiment, on tente de mettre les poussières sous le tapis en se répétant qu’on a mal entendu.

Qui sait ce qu’il va advenir d’une telle présidence qui explose déjà avant d’avoir commencé, alors que Trump et Obama  échangent des blagues aimables, assis l’un à côté de l’autre pour la cérémonie d’adieu au président Carter, mort cette semaine à 103 ans ? Personne, certes. Aux propos enjoués et somme toute presqu’optimistes qui ont précédé, on peut opposer cet extrait d’un article du réseau russe ‘Tsargrad’, – ert conclure qu’aucune conclusion n’est possible sinon le constat confirmé de se trouver dans un temps et une époque à nuls autres pareils. :

« Le chaos est partout

» Quelle est l'image du monde d'aujourd'hui ? La déstabilisation est partout : militaire, financière, économique et sociale. Il y a eu une pandémie et de nouvelles maladies attendent. L'état de la société est extrêmement alarmant dans tous les pays sans exception.

» Quand je parle à mes amis et connaissances en Europe et en Amérique latine, j'entends la même chose : les gens n'attendent rien de bon dans un avenir proche, quelles que soient leurs opinions religieuses et politiques, leur statut social et financier. Quelle situation étrange quand tout le monde parle de guerre, comme si elle pouvait survenir en dehors de la volonté d'une personne et sans sa participation, comme une météorite qui tombe ! Tout le monde a peur des futures pandémies, de la dépréciation de la monnaie et de la famine probable qui pourrait résulter de ces mêmes guerres et pandémies, etc. »

 

Mis en ligne le 11 janvier 2025 à 19H10

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You