Trump négociera-t-il le “4ème tournant” ?

Trump négociera-t-il le “4ème tournant” ?

Trump négociera-t-il le “4ème tournant” ?

7 janvier 2025 (18H45) – Ceux qui sont des habitués de Douguine, comme nous sommes, ne manqueront pas de de distinguer dans son dernier texte (pour nous, chronologiquement) sur la théorie du « Quatrième tournant » (« Fourth Turning ») une absence marquée de toute référence à la Russie. Pour un traditionnaliste-nationaliste hyper-russophile comme Douguine, c’est remarquable.

Cela l’est d’autant plus que ce texte, s’il a comme principal sujet une théorie, observe une théorie complètement de notre temps, en train de se faire selon lui (Douguine), et donc complètement d’actualité, – au reste, Trump est cité. D’habitude les textes d’actualité de Douguine sont des textes de métaphysique géopolitique, des textes “de combat”, qui prennent en compte d’une manière centrale la référence de la Russie et de l’eurasisme. Ce n’est pas le cas ici, c’est donc une occasion peu courante chez cet auteur.

Ici, Douguine nous parle du livre de William Strauss et de Nell Howe sur le « Quatrième tournant » (« Fourth Turning »), qui développe une théorie cyclique de l’histoire, de type générationnel, avec quatre étapes. On note aussitôt la correspondance avec d’autres théories cyclique et avec René Guénon bien sûr, avec ce partage en quatre périodes de l’affirmation triomphante, de l’exercice de cette affirmation avec l’usure qui apparaît, du déclin et de la chute. Bien entendu, la constance de ce découpage, qui vient de la nuit des temps, reproduit parfaitement le cycle des quatre saisons, également avec la similitudes symbolique des caractères de ces quatre saisons.

On comprend par ailleurs que la citation initiale de Trump, si elle implique qu’il s’agit d’un document d’actualité (de “simple” politique), concerne un personnage qui est bien plus qu’un personnage de “simple” actualité politique selon Douguine (« Trump est bien plus qu'un simple Trump, c'est un signe. »). Cela signifie clairement que Douguine établit une correspondance évidente, une fusion dirait-on, entre les événements “courants” et la métaphysique politique, ou la métahistoire ; cela rejoint d’ailleurs le constat que nous faisons et répétons régulièrement sur la dimension directement métaphysique des événements, comme le remarquait Finkielkraut :

« Nous ne disposons plus aujourd’hui d’une philosophie de l’histoire pour accueilli les événements, les ranger et les ordonner. Le temps de l’hégéliano-marxisme est derrière nous. Il est donc nécessaire, inévitable de mettre la pensée à l’épreuve de l’événement et la tâche que je m’assigne, ce n’est plus la grande tâche métaphysique de répondre à la question “Qu’est-ce que ?” mais de répondre à la question “Qu’est-ce qu’il se passe ?”… »

La question, pour Douguine, est donc : “Qu’est-ce qu’il se passe ?”, et sa réponse est bien que nous sommes au terme du « Quatrième tournant »… Auparavant, il nous fait un rapide compte-rendu de ce que Strauss-Howe entendent décrire :

« La théorie générationnelle de Strauss-Howe, ou théorie du “quatrième tournant”, postule que l'histoire suit des schémas cycliques en passant par quatre tournants, chacun durant environ 20 à 25 ans :

» 1) Haute période (premier tournant) – C'est une ère d'institutions fortes et de conformisme. La confiance collective est élevée et l'individualisme est faible.

» 2) Période d'Éveil (deuxième tournant) – Un bouleversement culturel au cours duquel la jeune génération se rebelle contre les normes établies, ce qui conduit à un renouveau spirituel et culturel.

» 3) La période d'Effritement (troisième tournant) – Les institutions s'affaiblissent, l'individualisme s'accroît et la confiance du public dans les institutions diminue. La société se fragmente.

» 4) La période de Crise (quatrième tournant) – Période de bouleversements majeurs où une action collective est nécessaire pour résoudre des problèmes cruciaux, impliquant souvent une guerre, un effondrement économique ou un changement social majeur. Cela conduit à un nouvel apogée, qui redémarre le cycle.

» Ces cycles sont façonnés par la psychologie collective des différentes générations (Prophète, Nomade, Héros et Artiste), chacune ayant des traits distincts influencés par l'époque dans laquelle elle est née. La théorie suggère que la compréhension de ces cycles peut aider à prédire les changements sociétaux à venir et à s'y préparer.

La théorie générationnelle de Strauss-Howe marque la transition d'un cycle historique à un autre, un passage symbolisé aujourd'hui par Donald Trump. Le néoconservatisme et le sionisme chrétien sont considérés comme des parties intégrantes de la phase de crise, ce qui représente un défi important. »

Ensuite, Douguine précise son propos sur la signification qu’il donne à ce quatrième tournant qui est proposé par Strauss-Howe pour l’ajuster aux événements en cours. Il note que la phase générationnelle (20-25 ans) correspond à une grande phase historique (la Modernité), pour annoncer la fin de cette dernière, – la fin de la Modernité, parfaitement adéquate à la fin du quatrième tournant. Il devient alors irrésistible de faire De Trump le moyen d’accomplir cet événement, la dynamique momentanée qui le déclenche.

Les questions qu’il (Douguine) pose à propos de Trump (« est-il conscient de sa mission ? Peut-il initier un nouveau départ ? ») sont à la fois sans réponse et, selon nous et moi, sans réelle utilité. Ce n’est pas Trump qui est le deus ex machina dans cette affaire ; s’il y tient un rôle important, ce ne peut tout de même être que celui d’outil, de moyen… On ne demande pas à un outil, à un moyen, de penser à ce qu’il actionne, à ce qu’il met en branle.

« La théorie de Strauss-Howe est particulièrement pertinente lorsqu'elle aborde la dynamique entre la socialité (holisme) et l'individualisme. Cela s'apparente au célèbre dilemme de Louis Dumont, où la socialité représente l'apogée, le début et le printemps, tandis que l'individualisme signifie la crise, la fin et l'hiver, l'individu étant dépeint comme Krampus.

» La modernité occidentale, dans ce contexte, est la crise, le déclin (Untergang). Le nominalisme et l'individualisme occidentaux sont emblématiques de l'hiver de l'histoire, marquant la transition de la culture à la civilisation (selon Spengler) et l'oubli de l'être (Heidegger). La théorie générationnelle peut être étendue à des cycles historiques plus larges.

» En juxtaposant des cycles relativement courts comme le saeculum et les Turnings aux vastes saisons de l'histoire (comme la Tradition, la Modernité, la Postmodernité), nous concluons que Trump signifie la fin d'une époque majeure, – la fin du monde moderne.

» Cela marque également la fin de la modernité occidentale. Le postmodernisme sert de fondement philosophique à la culture woke et au mondialisme libéral, révélant le nihilisme inhérent à la modernité occidentale. C'est le point culminant des fins, la fin de l'histoire occidentale.

» Trump finalise cette fin, symbolisant la fin de la fin. Cependant, la question demeure: est-il conscient de sa mission ? Peut-il initier un nouveau départ ? Le prochain sommet (haute période, hauts temps) ne peut être quelque chose de relatif, de limité ou de local. Le prochain tournant doit être une révolution conservatrice globale à l'échelle mondiale. »

Douguine termine tutta forza et altissimo en découvrant sur quoi, selon, lui, débouche ce quatrième tournant lorsqu’il arrive à son terme. Le chrétien-Douguine retrouve des accents connus avec l’apparition du Christ et la réduction de l’Antechrist et de Satan. Mais même dans cette logique très-chrétienne, Douguine trouve des accents connus notamment chez Guénon autant que dans d’autres religions également sollicités par Guénon, – lorsqu’il dit du Christ qu’il est « le roi du monde » et lorsqu’il fait l’inévitable référence, pour ce quatrième tournant, au Kali-Yuga des Hindous.

On peut dire alors que Douguine, laissant de côté (sans les abandonner, bien entendu) ses thèses sur l’eurasisme, retrouve la convergence de tous les courants de la Tradition, au-delà des religions ou plutôt commune à toutes les religions. Il contribue surtout à donner à notre époque une dimension dont nous ressentons chaque jour le poids et la puissance, une dimension qui marque l’immense catastrophe qu’est la Modernité. Et lui, le Slave, le Russe, le furieux adversaire de l’Occident encalminée dans sa haine antirusse en vient à espérer le Réveil suprême : « L’Occident doit se transcender ».

« Le prochain sommet (hauts temps, haute période) doit signifier le dépassement de la modernité, c'est-à-dire de l'individualisme occidental, de l'atomisme, du libéralisme et du capitalisme. L'Occident doit se transcender. C'est pourquoi les œuvres de Weaver et le platonisme politique sont si importants. Le prochain Grand Réveil devrait être un Grand Réveil, mais pas au sens de Strauss-Howe.

» La modernité occidentale était fondamentalement défectueuse, conduisant à une dégénérescence totale et à un désastre, culminant avec le règne de l'Antéchrist. La culture woke est la culture de l'Antéchrist.

» Le prochain sommet (hauts temps) ne peut être que le grand retour au Christ. Le Christ est le roi du monde. Son autorité a été temporairement usurpée par le prince de ce monde, mais le règne de Satan prend fin. Les libéraux sont considérés comme possédés par Satan et la modernité elle-même est satanique. En termes hindous, ce cycle est connu sous le nom de Kali-Yuga, l'âge des ténèbres.

» Trump est bien plus qu'un simple Trump, c'est un signe. »

On ne parle plus ni d’Ukraine, ni de Russie, ni d’Occident-collectif tenue en laisse par l’OTAN. On parle du Grand Tout au rythme de sa GrandeCrise.

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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