Pourquoi le Russe nous “fait horreur”

Pourquoi le Russe nous “fait horreur”

Pourquoi le Russe nous “fait horreur”

4 janvier 2025 (10H10) – Contrairement à ce que les choses pourraient faire croire à certains, et à moi-même dans les moments d’ivresse, ma véritable culture au sens académique et intellectuel du concept est extrêmement réduite. Je suis tout entier fait d’intuition et n’emploie la raison et la logique, sur un fond d’une expérience désormais très ancienne et donc foisonnante, que pour organiser les suggestions de l’intuition avec comme tâche principale d’écarter les fausses intuitions, – celles qu’on se fait à soi-même pour son propre plaisir, – ou pour son “ego”, comme on dit en “an-globalisé” (*).

Ainsi me sont parvenus aux oreilles les noms et quelques très rares citations de Plotin et de Pseudo-Denys l’Aéropagite, qui sont aussitôt devenus des références ultimes, et des citations constantes dans ce site, pour rendre compte de mes choix les plus profonds. Grâce à un texte très récent de Douguine, – autre préférence intuitive de mon chef, – j’ai pu rassembler mes deux lascars dans un cadre générale que l’on nomme “théologie apocritique” (en opposition à la “théologie cataphatique”), qui traverse toutes les grandes religions comme une fondamentalité métaphysique bien au-delà de nos choix et de nos penchants , et bien entendu de nos religions… Dans ce cas, assez rare, l’accès à Wikipédia est prompt et intéressant :

« La théologie apophatique (du substantif grec ἀπόφασις, apophasis, issu du verbe  ἀπόφημι – apophēmi, « nier ») est une approche fondée sur la négation. En dérive la théologie négative, approche qui insiste plus sur ce que Dieu n'est pas que sur ce que Dieu est. Elle se situe à l'opposé de la théologie cataphatique, ou positive. »

Douguine écrit donc à propos d’un aspect d’une “philosophie de l’horreur”, et ici pour expliciter toutes ces références que j’ai déversées devant vous et notamment cette fameuse “théologie apophatique“, – et parce qu’il s’agit bien d’“horreur” :

« La pensée de Plotin et de Denys l'Aréopagite sur le pré-être qu'est l'Un, sur la théologie apophatique, a préparé le terrain pour un autre type d'horreur – transformatrice, élévatrice, déifiante. »

Le texte de Douguine est intitulé « Vers une théorie générale de l’horreur » et aborde ce problème justement, commençant par différencier l’horreur de la peur et par distribuer vices et vertus des comportements selon ces deux sentiments…

« Peu à peu, les travaux avancent dans une nouvelle direction : une théorie générale de l'horreur. Heidegger oppose l'horreur (‘Angst’, angoisse) à la peur (‘Furcht’, crainte). La peur nous fait fuir, alors que l'horreur nous fige sur place. En psychiatrie, la distinction entre le trouble anxieux et la peur est quelque peu différente mais complète le dualisme de Heidegger. L'horreur naît de l'intérieur, face à quelque chose d'indéfini et d'inexprimable. La peur vient toujours de l'extérieur et a, – même si ce n'est qu'un phantasme, – une cause, une forme et une explication.

[…] Une horreur intérieure intense rend une personne intrépide. »

Douguine développe son analyse qui, je le reconnais, n’est pas nécessairement très simple à suivre pour mon compte, selon ce que je vous confiais plus haut concernant ma culture académique avec toutes ses branches techniques et sa dialectique imlpérative. Gardons pourtant une idée générale qui m’a attachée comme une intuition sans que le texte y invite explicitement, qui est que l’“horreur”, qui est chose intérieure à soi, peut recéler plus de richesses dissimulées que la peur qui vous emprisonne à quelque chose d’extérieur, réel ou fantasmé peu importe. C’est bien pour cette raison, évidemment qu’il est question d’une “philosophie de l’horreur” ; on imaginerait, dans tous les cas c’est mon sentiment, comme une démarche bien pauvrette et conformiste, une “philosophie de la peur”…

Douguine ne peut évidemment développer cette idée sans songer aux Russes et à la Russie. Il nous explique donc ce qu’est l’horreur pour les Russes et précise bien entendu qu’il s’agit d’un type d’“horreur” produisant des choses de grande vertu. Elle est justement accordée à cette théologie apophatique, – une horreur « transformatrice, élévatrice, déifiante »

Voici le passage, qui fait la fin de son texte, où il apprécie la plaxce du Russe dans “la philosophie de l’horreur”.

« Bien sûr, une théorie générale de l'horreur devrait commencer par la nature du sacré et la peur de Dieu (ici, clairement, nous parlons d'horreur, d'’Angst’ – Dieu n'effraie pas, il horrifie). Ensuite, explorer Boehme, Pascal, Hegel, Kierkegaard. Et seulement ensuite, Heidegger et la pensée post-heideggérienne – de Sartre et Camus à Deleuze et OOO [*].

» D'ailleurs, pour Pascal et Kierkegaard, l'horreur est évoquée par l'Univers très autonome ouvert par la physique des temps modernes – froide et infinie. C'est peut-être ce qui explique les descriptions grotesques de la nature sombre de Dieu dans la théosophie de Boehme.

» La pensée de Plotin et de Denys l'Aréopagite sur le pré-être qu'est l'Un, sur la théologie apophatique, a préparé le terrain pour un autre type d'horreur – transformatrice, élévatrice, déifiante.

» La crainte du Seigneur est l'axe vertical de l'être.

» Quel pourrait être le phénomène ou le concept russe le plus proche de l'horreur? Comment les Russes vivent-ils et interprètent-ils l'horreur?

» À première vue, un Russe ne connaît pas l'horreur avant le monde parce que, pour nous, le monde est une continuation organique de soi-même – les racines des mots « мир » (monde) et « милый » (cher) ne font qu'un, selon Kolesov. Le cher n'inspire pas l'horreur. Pas plus que le monde en tant que communauté.

» Ainsi, les Russes ne connaissent pas la nature en tant que telle (en soi, en tant qu'objet). Les Russes ont tendance à l'animer et à la spiritualiser (d'où le techno-animisme d'Andrei Platonov, son bolchevisme magique). Et bien sûr, Fedorov, pour qui la matière est la danse des particules des cendres de nos pères. Les atomes de Tsiolkovski, qui ont goûté à la douceur de vivre.

» Notre science n'est pas matérialiste mais panthéiste.

» Ce qui horrifie un Russe, ce n'est pas tant l'absence et l'aliénation de la vie que ses excès et ses aberrations. D'où le thème essentiellement slave du vampire. Le vampire est un excès de vie. Il devrait être mort, mais d'une manière ou d'une autre, il ne l'est pas.

» Il semble que l'amour obstiné de la vie chez un Russe déplace l'horreur trop profondément à l'intérieur – si profondément que nous ne le remarquons pas nous-mêmes. Mais les autres la remarquent.

L'horreur est ce que nous inspirons. »

Si l »on veut faiure vite, dira-t-on que le Russe nous inspire l’horreur à cause de son « l'amour obstiné de la vie », nous qui cherchons toutes les façons possibles de déconstructurer et de détruire la vie ? Nous trouvons-nous ici devant l’explication fondamentale de l’intense russophobie qui parcourt nos régions civilisés ? Douguine a-t-il voulu, avec ses élucubrations sur la “philosophie de l’horreur”, lancer son propre ‘Orechnik’ vers les Occidentaux-collectifs qui dirigent ces mêmes régions : pas de cancer nucléaire mais une horreur quasiment cancéreuse…

Cela conduit à m’interroger : la philosophie est-elle en train de devenir une sorte de simulacre employés par ces Russes terrorisants pour remporter au niveau de l’information cette guerre qu’ils sont en train de perdre complètement sur le terrain boueux de l’Ukraine en accumulant des victoires complètement invraisemblables à notre simulacre impératif à mesure qu’ils se rapprochent du Dniepr et envisagent de prendre Kharkov ou Odessa, voire Kiev si l’on y tient – sans parvenir à se décider ni à reconnaître loyalement que finalement notre simulacre a la victoire bien en main au bout de sa défaite ?

Je me rappelle que quelqu’un, je ne sais plus qui, observait que les Français dissimulaient leur propre horreur existentielle derrière l’ironie : « L'horreur est ce que nous inspirons », disaient-ils avec un jeu de mot et un clin d’œil moqueur qui envoûtait avec horreur les autres par son sens du tragique trafiqué en tragédie-bouffe. Aujourd’hui, nous, Français, devenus tristes avortons, nous avons l’horreur médiocre et bourgeoise « par quoi Macron parvient à faire dérision chez les autres. »

 

Notes

(*) Néologisme fabriqué sur le champ et rassemblant “anglais” et “globalisé” pour définir l’affreux sabir bien loin de Shakespeare qui sert de baragouinage de passe à la population du monde.

(**) Douguine explique ce qu’est ce “OOO” :

« Eugene Thacker dans “Horror of Philosophy” explique l'horreur par trois types de “monde” dans l'esprit du réalisme critique (OOO – Object-Oriented Ontology) »

Je m’en tiendrais là, pour mon compte.

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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