L’Europe est un jardin. La majeure partie du reste du monde est une jungle et la jungle pourrait envahir le jardin ». Octobre 2022, Josep Borrell (chef du Service Européen pour l’Action Extérieure – le service diplomatique de l’UE)
En décrivant l’Europe comme un jardin et le reste du monde comme une jungle envahissante, Josep Borrell, haut diplomate européen, a exprimé avec une clarté inhabituelle les fondements racistes de la politique étrangère de l’UE, une politique mise en œuvre non seulement dans la diplomatie de haut niveau et les déclarations officielles, mais aussi de manière plus directe et létale aux frontières extérieures de l’UE par Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération transfrontalière.
Frontex a vu le jour sous un nom plus lourd en 2004 en tant que petite organisation comptant quelques centaines d’agents. Ses pouvoirs et sa taille ont augmenté de manière exponentielle au cours des cinq dernières années et il est prévu de les étendre encore davantage.
Se situant de manière ambiguë – et ambitieuse – entre une armée, une agence de renseignement et une force de police, Frontex est la seule agence de l’UE à porter un uniforme. Son budget annuel est passé de 6 millions d’euros en 2005 à 922 millions d’euros en 2024, la majeure partie de cette croissance ayant eu lieu au cours des trois dernières années.
Son siège se trouve à Varsovie, où ses directeurs supervisent une organisation comptant environ 8 000 agents, tous potentiellement armés, dont le nombre passera à 10 000 d’ici à 2027. Frontex dispose de ses propres avions, bateaux et véhicules, qui alimentent et utilisent son système de surveillance des frontières EUROSUR. À partir de la mi-2025, Frontex introduira également le nouveau Système Européen d’Information et d’Autorisation de Voyage (ETIAS), conçu pour renforcer davantage la sécurité intérieure de l’Europe avec un contrôle préalable au voyage pour tous les voyageurs non ressortissants de l’UE. Frontex a également le pouvoir d’agir de manière indépendante, sans le consentement des États membres, dans des circonstances exceptionnelles non définies (règlement de l’UE 2019/1896).
Les opérations de Frontex ne se limitent pas aux pays de l’UE dotés de frontières extérieures ; leur portée ne cesse de croître. En octobre 2023, elle comptait près de 600 personnes déployées dans le cadre de dix opérations conjointes dans huit pays non membres de l’UE, dont la Moldavie, l’Albanie, le Monténégro et la Serbie. Dans le cadre des plans de l’UE visant à externaliser ses frontières, Frontex tente de mettre en place une opération similaire en Tunisie.
Responsabilité
Frontex est une agence opaque. Elle est officiellement responsable devant le Parlement européen, mais les députés européens ont constaté qu’il était pratiquement impossible de lui demander des comptes, et les équipes juridiques des organisations qui font campagne pour les droits des migrants ont beaucoup de mal à obtenir les documents de Frontex qui devraient être du domaine public, comme le stipulent les règlements de l’UE : « L’Agence … rend publiques les informations pertinentes, y compris … des informations complètes sur les opérations conjointes passées et en cours … » (Règlement UE 2019/1896) Il s’agit notamment d’informations sur toutes les interventions, les opérations de retour ou de « refoulement » et les accords de rapatriement conclus avec des pays tiers.
En avril 2022, Sea-Watch, l’organisation de recherche et de sauvetage en mer, a intenté une action en justice pour obtenir la publication d’informations prouvant l’implication de Frontex dans des violations des droits de l’homme : « Depuis deux décennies, l’UE investit des milliards dans une organisation (Frontex) qui fonctionne en toute impunité et sans transparence, comme un service secret, et qui se distingue particulièrement par ses violations des droits de l’homme. » (Béatrice Gaudin, Sea-Watch)
Frontex avait précédemment refusé toutes les demandes au titre du règlement de l’UE sur la liberté d’information. Malgré ce refus flagrant de coopérer, la Cour générale de l’Union européenne à Luxembourg, dans un arrêt du 24 avril de cette année, n’a pas réussi, comme on pouvait s’y attendre, à imposer la transparence et l’obligation de rendre des comptes à Frontex.
Les enquêtes menées ces dernières années par des journalistes déterminés sur les activités de Frontex ont quand même permis de mettre au jour des documents et des dossiers jusque-là cachés et suite à ces enquêtes et d’une attention publique défavorable, Frontex a été accusée d’agir en dehors de ses attributions et de ne pas respecter la législation européenne en matière de droits de l’homme. Elle a ensuite été soumise à un examen plus approfondi par la Commission européenne elle-même, et depuis lors, ses documents publics ont pris soin de souligner ses préoccupations en matière de droits de l’homme.
Protéger l’espace Schengen : la forteresse Europe
La mission principale de Frontex est d’assurer le bon fonctionnement de l’espace Schengen en Europe – l’espace régi par le traité de Schengen de 1985 à l’intérieur duquel la circulation entre les pays s’effectue sans contrôle aux frontières, ce qui facilite la libre circulation des travailleurs et des marchandises au sein de l’UE.
Assumant les responsabilités nationales des États concernés lorsque cela s’avère nécessaire, et jusqu’à présent par accord, Frontex contrôle ces frontières extérieures en mettant particulièrement l’accent sur les principales « voies d’accès » à l’espace Schengen via la Méditerranée. Ces voies d’accès à l’UE sont définies par Frontex comme suit : la route orientale via les Balkans et la Méditerranée orientale ; la Méditerranée centrale ; et la Méditerranée occidentale. À elles trois, elles représentent la plupart des entrées « illégales » dans l’UE.
Depuis 1993, parallèlement aux patrouilles aériennes et maritimes de Frontex, 40 000 personnes se sont noyées en tentant la traversée depuis la côte nord-africaine à bord d’embarcations peu sûres et surchargées. Les appels SOS restent sans réponse et les missions de recherche et de sauvetage menées par Sea-Watch et d’autres organisations sont entravées. C’est la route des migrants la plus meurtrière au monde : « Au lieu d’offrir à ceux qui cherchent une protection des itinéraires légaux et sûrs, les frontières sont transformées en un espace sans droits de l’homme et la Méditerranée en un charnier » (Bérénice Gaudin, Sea-Watch Advocacy).
D’autres organisations qui surveillent la politique migratoire de l’UE sont du même avis. Dans un article publié en avril 2023, l’Institut Européen des Relations Internationales – un centre de recherche en droit international – attribue l’agression de Frontex en Méditerranée au fait que l’UE considère la migration comme un problème de sécurité. Se référant à l’Organisation Internationale pour les Migrations (une ONG des Nations Unies), l’article dit ceci : « L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), depuis le début de l’année 2021 jusqu’à aujourd’hui, a clairement indiqué que la politique migratoire utilisée par l’UE est un échec total : trop de décès sont enregistrés et trop de personnes sont portées disparues. L’UE a concentré ses fonds pour faire de Frontex un géant des frontières, visant uniquement à blinder la « forteresse » européenne et ses frontières, plutôt qu’à sauver des vies. »
Dans son rapport 2024 « Crimes de l’Agence Européenne de Garde-côtes Frontex », Sea-Watch se concentre sur l’activité en Méditerranée centrale où les bateaux en provenance de Libye et de Tunisie sont suivis par les avions et les drones de Frontex. Les informations qu’ils recueillent ne sont pas transmises aux navires de recherche et de sauvetage présents dans la région, mais aux milices qui dirigent les « gardes-côtes libyens », qui les utilisent pour intercepter les bateaux et renvoyer les personnes en Libye où elles sont confrontées à la violence, à la torture et au travail forcé, selon l’ONU, Human Rights Watch et d’autres ONG. En d’autres termes, Frontex utilise sa capacité de surveillance non pas pour soutenir les sauvetages, mais plutôt pour faciliter les interceptions et les « retraits » de personnes en détresse par des milices violentes qui profitent de leur exploitation. Ce faisant, elle viole à la fois [le droit maritime et les droits de l’homme.
https://sea-watch.org/wp-content/uploads/2024/05/Frontex-Factsheet-2nd-Report.pdf
Souhaitant s’éloigner des refoulements trop visibles où Frontex est l’acteur principal et qui nuisent à la réputation de l’UE, le travail de l’agence en Tunisie indique la façon dont les choses ont évolué, c’est- à-dire vers l’externalisation des frontières de l’UE. En juin 2023, la Commission européenne a signé un accord sur le « contrôle des migrations » avec le gouvernement tunisien, aux termes duquel l’UE paie la Tunisie pour qu’elle endigue le flux de personnes qui prennent la mer et expulse celles qu’elle arrête en mer. Cela implique, entre autres mesures, le financement de 6 navires de garde-côtes. En octobre 2023, Statewatch, une organisation qui surveille les activités de l’Etat qui menacent les droits de l’homme et les libertés civiles, a rapporté ce qui suit : « …en Tunisie, les garde-côtes ont procédé à des refoulements de personnes qui ont ensuite été jetées dans des régions éloignées près de la frontière tuniso-algérienne. Selon un témoignage fourni à Human Rights Watch, un groupe de personnes interceptées en mer et ramenées sur le rivage ont ensuite été détenues par la Garde nationale, qui.. : ‘…ont fait monter le groupe dans des bus et l’ont conduit pendant 6 heures jusqu’aux environs de la ville du Kef, à environ 40 kilomètres de la frontière algérienne. Là, les officiers les ont divisés en groupes d’environ 10 personnes, les ont fait monter dans des camionnettes et se sont dirigés vers une zone montagneuse. Les quatre personnes interrogées, qui se trouvaient dans le même camion, ont déclaré qu’un autre camion transportant des agents armés escortait le leur. Les agents ont déposé leur groupe dans les montagnes près de la frontière entre la Tunisie et l’Algérie. Le garçon guinéen [interrogé par HRW] a déclaré qu’un agent l’avait menacé : ‘Si vous revenez encore [en Tunisie], nous vous tuerons’ ».
Selon un article paru dans la publication allemande Migazin en novembre 2023, les passages en provenance de Tunisie ont chuté de manière spectaculaire dans les mois qui ont suivi la signature de l’accord entre le pays et Frontex. Cette baisse est due non seulement à l’activité accrue des garde-côtes, mais aussi à d’autres facteurs connexes, comme l’expulsion de milliers d’Africains subsahariens de la ville portuaire de Sfax vers les frontières libyenne et algérienne. L’UE fait également pression sur le gouvernement tunisien pour qu’il introduise des exigences en matière de visa pour les états voisins d’Afrique de l’Ouest.
La liberté de circulation dans l’espace Schengen serait ainsi protégée au détriment direct de la liberté de circulation entre les états africains.
Défendre les valeurs européennes communes : gérer les contradictions
En résumé, la mission de Frontex est avant tout de veiller à ce que l’immigration de main-d’œuvre bon marché dans l’UE n’ait lieu qu’officiellement, par exemple dans le cadre de l’élargissement, comme lorsque la Bulgarie et la Roumanie ont été admises à l’adhésion en 2007. Sa deuxième mission consiste à réduire au minimum les demandes d’asile. Mais elle doit jouer son rôle sous couvert de protection des « valeurs européennes » de liberté et de démocratie. Grâce à la persévérance de certains journalistes d’investigation et d’organisations de surveillance, cet exercice d’équilibre est devenu de plus en plus précaire.
La réponse de Frontex peut être vue en partie dans le langage de son Rapport Stratégique d’Analyse des Risques 2024 où, dans ce qui est une tentative claire de se distancer de la déportation de personnes désespérées, il élargit son rôle pour inclure la lutte contre les « menaces émergentes » – tout en « défendant les valeurs européennes partagées » en développant « un cadre proactif basé sur le renseignement ».
L’une des menaces qu’elle a récemment identifiées est la « géopolitique hostile », un terme qu’elle utilise pour désigner l’utilisation des migrants comme armes politiques. Par exemple, lors de la crise des réfugiés à la frontière entre la Pologne et le Belarus en novembre 2021, le Belarus a été accusé, par le secrétaire général de l’OTAN Stoltenberg entre autres, d’instrumentaliser la migration en invitant les réfugiés dans le pays afin de les pousser à franchir la frontière polonaise, une accusation catégoriquement rejetée par le Belarus. La Pologne a rejeté les 3 à 4 000 migrants qui tentaient de franchir la frontière, conformément aux obligations du traité de l’UE d’accepter les demandeurs d’asile. En revanche, en l’espace d’un an, elle a accepté 3 millions de réfugiés en provenance d’Ukraine sans poser de questions.
L’UE accueille de temps à autre un grand nombre de réfugiés, lorsque cela convient aux objectifs de ses capitalistes. Ces dernières années, l’Allemagne a accueilli à deux reprises un grand nombre de réfugiés pour renforcer sa main-d’œuvre. Mais en 2015, lorsqu’elle a accueilli un million de réfugiés fuyant la guerre déclenchée en Syrie par les États-Unis, des centaines de milliers d’autres Syriens ont été contraints de trouver des itinéraires illégaux, et cet afflux a provoqué une accélération rapide de la révision en cours de la politique d’immigration de l’UE et du rôle de Frontex dans le maintien de l’ordre aux frontières.
Cela a conduit à l’adoption, en juin 2024, du Pacte sur les Migrations et l’Asile. Les dispositions du pacte comprennent l’accélération du traitement aux frontières et une plus grande importance accordée à l’expulsion et aux accords avec les pays non membres de l’UE – une fois de plus, l’externalisation. Le Pacte est également conçu pour régler les différends entre les pays de l’UE touchés différemment par l’immigration, en remplaçant les mécanismes antérieurs, comme l’exigence de « retour dans le pays d’entrée », par ce que l’on espère être une répartition plus équitable des responsabilités et des obligations. Les inégalités – par exemple entre l’Italie et les pays plus septentrionaux – ont mis l’accord de Schengen lui-même sous une énorme pression.
Au début de l’année, un directeur associé du centre de recherche Migration Policy Institute en Europe a suggéré, dans une évaluation inhabituellement franche des contradictions de la politique migratoire de l’UE, que le nouveau Pacte est à la fois essentiel pour contenir la montée des partis d’extrême droite dans l’UE et un danger pour les droits des migrants et des demandeurs d’asile.
Une autre contradiction découle du projet d’extension des capacités technologiques de Frontex. L’agence admet que le renforcement de la surveillance des frontières entraînera une augmentation correspondante des franchissements illégaux des frontières, car davantage de personnes tenteront de contourner les nouveaux contrôles, ce qui entraînera notamment une augmentation de la fraude documentaire et de la fraude à l’identité.
Mais les contradictions sont bien plus profondes.
Quel espace Schengen ?
L’avenir plein de ‘scénarios inquiétants’, de ‘menaces hybrides’ conduisant à la ‘déstabilisation des États Membres’ que Frontex évoque dans ses documents publics a une autre dimension qu’il ne mentionne pas. En tant que gardienne de l’espace Schengen, Frontex voit son propre avenir remis en question par les suspensions de plus en plus fréquentes du traité de Schengen. Des suspensions temporaires dans certaines circonstances sont prévues, mais la France a mis en place certaines restrictions depuis 2015 après la forte augmentation du nombre de réfugiés en provenance de Syrie et n’a pas supprimé les restrictions supplémentaires qu’elle a imposées pendant les Jeux Olympiques. Des contrôles aux frontières sont en place depuis 2023 entre la Slovaquie et la Hongrie, la République Tchèque et la Suisse, entre autres.
La suspension du traité au début du mois de septembre 2024 par la coalition Scholz affaiblie en Allemagne est beaucoup plus grave en termes d’implications. La liberté de circulation vers l’Allemagne est désormais interrompue avec les neuf pays situés à ses frontières, dans une tentative de consolider le soutien des électeurs attirés par les solutions ouvertement racistes proposées par l’AfD, parti d’extrême droite, pour résoudre les problèmes économiques de l’Allemagne. Comme le rapporte le Financial Times : « La ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, a déclaré que cette mesure – une extension des contrôles existants aux frontières avec quatre pays – était destinée à ‘restreindre davantage l’immigration irrégulière et à nous protéger des dangers aigus posés par la terreur islamiste et la grande criminalité… Nous ferons tout pour mieux protéger les gens dans ce pays’ ».
Dans un article publié dans El Pais le 16 septembreth 2024, Gloria Rodriguez-Pina suggère que cette décision aura un impact non seulement sur les neuf pays partageant une frontière avec l’Allemagne, mais aussi sur l’ensemble de l’UE et sur l’avenir de l’accord de Schengen dans son intégralité. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a abondé dans ce sens, estimant qu’il s’agissait d’une suspension de facto de l’ensemble du traité.
https://english.elpais.com/international/2024-09-16/map-how-germanys-border-closures-jeopardize- the-schengen-area.html
Comme si cela ne suffisait pas, à la mi-novembre, le gouvernement de coalition d’extrême droite de Wilders aux Pays-Bas a également annoncé qu’il suspendrait le traité à partir du 9 décembre, profitant des violences créées par des supporters de football israéliens à Amsterdam pour fermer ses frontières. Lors des récentes discussions de coalition, le PVV – le parti de Wilders – n’a pas été en mesure de persuader ses partenaires de déclarer une crise de l’asile et s’est donc vu refuser la possibilité d’imposer les restrictions complètes en matière d’immigration et d’asile qu’il souhaitait. Blâmant la communauté marocaine d’Amsterdam pour ce qu’il a appellé les « pogroms » contre les Juifs israéliens en visite, Wilders a soudain pu poursuivre son programme raciste – il a non seulement fait adopter la suspension de l’accord de Schengen, mais a également menacé d’expulser immédiatement tout citoyen possédant la double nationalité qui aurait été impliqué dans les violences.
Le paradis démantelé
L’accord de Schengen est l’un des principaux piliers de l’architecture de l’UE. S’il ne peut pas être consolidé, c’est tout le projet qui vacille. Les dirigeants n’ont pas tardé à reconnaître l’imminence du problème et à comprendre la nécessité de renforcer le rôle de Frontex dans la sécurisation des frontières extérieures de l’Union. Si les pays dont les gouvernements de centre-droit sont sous pression, ainsi que les gouvernements d’extrême-droite qui poursuivent ouvertement des objectifs racistes, ne prennent pas les choses en main, la Commission doit agir en répondant à l’appel de Frontex en faveur de l’élaboration d’une « grande politique de migration ».
Dans un discours prononcé à la Sorbonne à Paris le 25 avril cette année, face à la contestation politique de la droite et de la gauche et deux semaines seulement avant de déclencher les élections anticipées, Macron a jugé opportun de souligner l’importance du nouveau Pacte sur les migrations : « La souveraineté ne peut exister sans frontière…. …cet accord nous permet d’améliorer le contrôle de nos frontières en établissant des procédures d’enregistrement et de contrôle obligatoires à nos frontières extérieures, afin d’identifier les personnes éligibles à la protection internationale et celles qui devront retourner dans leur pays d’origine, tout en renforçant la coopération au sein de notre Europe. »
Dans le cadre de sa campagne de réélection à la tête de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen a également souligné l’importance des frontières collectives et de l’action collective contre l’immigration instrumentalisée dans son discours devant le Parlement européen le 19 juillet 2024 et a déclaré qu’elle augmenterait le nombre d’agents Frontex pour le porter à 30 000 : « Nous devons également faire davantage pour sécuriser nos frontières extérieures. Notre frontière orientale, en particulier, est devenue la cible d’attaques et de provocations hybrides. La Russie attire les migrants du Yémen vers le nord et les pousse délibérément contre la frontière finlandaise. Nous devons toujours garder à l’esprit que la frontière d’un État membre est une frontière européenne. Et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les renforcer. C’est en partie pour cette raison que nous devons renforcer Frontex. Pour la rendre plus efficace, tout en respectant pleinement les droits fondamentaux, je proposerai de tripler le nombre de garde-frontières et de garde-côtes européens pour le porter à 30 000 ».
Elle a ensuite fait l’éloge du nouveau pacte et a ajouté un post-scriptum rapide nous rappeler que les migrants sont des êtres humains : « Le pacte sur les migrations et l’asile est un grand pas en avant. Nous plaçons la solidarité au cœur de notre réponse commune. Les défis migratoires nécessitent une réponse européenne avec une approche juste et ferme basée sur nos valeurs. N’oublions jamais que les migrants sont des êtres humains comme vous et moi. Et nous sommes tous protégés par les droits de l’homme. De nombreux pessimistes pensaient que la question des migrations était trop clivante pour faire l’objet d’un accord. Mais nous avons prouvé qu’ils avaient tort. Ensemble, nous avons réussi. »
Les contradictions de l’Union deviennent non seulement visibles mais aussi incontournables. Si l’accord de Schengen se désagrège à mesure que les exigences économiques nationales prennent le pas sur la zone de libre-échange et de libre circulation qui les a créées, ce n’est pas seulement le rôle de Frontex qui sera remis en question. Sans Schengen, c’est l’identité même de l’UE qui pose problème. Sur quoi la Commission présiderait-elle alors exactement ? Il est intéressant de noter qu’à ce stade critique, la Commission a à sa disposition, si ce n’est l’armée européenne dont on parle depuis longtemps, une force armée importante et en expansion qui présente certaines des caractéristiques d’une armée permanente.
Il s’avère que le paradis est en train d’être démantelé de l’intérieur.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir