Comment Israël a tué des centaines de ses propres citoyens le 7 octobre

Comment Israël a tué des centaines de ses propres citoyens le 7 octobre

Par Asa Winstanley

Asa Winstanley est journaliste d’investigation et rédacteur en chef adjoint de The Electronic Intifada. Il est l’auteur du livre L’antisémitisme comme arme : Comment le lobby pro-Israël a fait tomber Jeremy Corbyn (OR Books, 2023).

Recherches complémentaires effectuées par Maureen Murphy et traduction de l’hébreu par Dena Shunra.

Source : The Electronic Intifada, 7 octobre 2024

Traduction : lecridespeuples.substack.com

Israeli soldiers view stacks of burnt cars in Netivot

Une femme prend un selfie au « cimetière de voitures » de Tekuma. Israël affirme que plus de 1 000 véhicules ont été détruits — souvent avec des captifs israéliens à l’intérieur — le 7 octobre 2023 et peu après. Mais les preuves montrent que beaucoup de ces bombardements ont été effectués par Israël lui-même, dans le cadre de sa « directive Hannibal ». (Photo : Jim Hollander / UPI)

Il y a un an aujourd’hui, des combattants palestiniens menés par le Hamas ont lancé une offensive militaire sans précédent hors de la bande de Gaza.

L’objectif immédiat était d’infliger un coup dévastateur aux bases militaires israéliennes et aux colonies militarisées qui assiègent les habitants de Gaza depuis des décennies — toutes construites sur des terres dont les familles palestiniennes ont été expulsées en 1948.

L’objectif principal était de briser un statu quo dans lequel Israël, les États-Unis et leurs complices estimaient avoir mis la cause palestinienne sur la touche, et de ramener cette lutte pour la libération au premier plan de l’attention mondiale.

L’opération « Déluge d’Al-Aqsa », comme l’a appelée le Hamas, a été, selon toute mesure militaire objective, un succès éclatant.

Ce jour-là, il a été dit au quartier général militaire d’Israël que « la division de Gaza a été vaincue », a rappelé plus tard une source de haut niveau présente à des journalistes israéliens. « Ces mots me font encore froid dans le dos. »

Couverts depuis les airs par des drones armés et un barrage de roquettes — qui ont ouvert l’offensive à 6h26 précises —, les combattants palestiniens ont lancé un raid éclair sur la ligne de démarcation de Gaza.

Les bases de l’armée ont été conquises pendant des heures. Certaines colonies avaient encore une présence palestinienne armée deux jours plus tard.

L’infrastructure de communication militaire a été instantanément détruite. Des attaques simultanées ont eu lieu sur terre, dans les airs et en mer.

Des drones palestiniens ont neutralisé des chars, des postes de garde et des tours de guet.

Pris complètement au dépourvu, la plupart des soldats qui occupaient les bases ont été tués ou capturés et ramenés à Gaza comme prisonniers de guerre.

Selon les informations disponibles, 255 Israéliens ont été capturés, parmi lesquels des soldats et des civils. Depuis, 154 d’entre eux ont été libérés, principalement par le Hamas lors de l’échange de prisonniers de novembre 2023.

Toutefois, le nombre de prisonniers libérés comprend également les corps de captifs décédés, pour la plupart lors de frappes israéliennes sur la bande de Gaza. Sur les 101 prisonniers restants, 35 ont été officiellement déclarés morts par Israël. Le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé.

De nombreux prisonniers ont été tués par les bombardements israéliens, et trois prisonniers évadés ont été abattus par les troupes israéliennes au sol dans la ville de Gaza en décembre 2023.

Le Déluge d’Al-Aqsa a été la première fois dans l’histoire que des groupes armés palestiniens ont pu reprendre des territoires palestiniens perdus depuis 1948, si brève qu’ait pu être cette « libération ».

La réponse d’Israël a également été sans précédent, si ce n’est par sa nature, mais sans aucun doute par son ampleur — un génocide revendiqué contre la population de Gaza.

Selon une estimation « prudente » publiée en juillet par la revue médicale britannique The Lancet, jusqu’à 186 000 Palestiniens auraient été tués par Israël jusqu’à présent, soit près de 10 % de la population de Gaza [Lire Compter les morts à Gaza : une tâche difficile mais essentielle (The Lancet)].

Les Nations unies affirment que 90 % des habitants de Gaza ont été chassés de chez eux par Israël et qu’environ un quart de toutes les structures de la bande ont été détruites.

La presse occidentale a suivi les orientations de la désinformation officielle israélienne. Elle a rapidement été inondée de propagande d’atrocités sensationnaliste.

Ces mensonges sur les viols  [Lire Norman Finkelstein : les accusations de crimes sexuels contre le Hamas sont infondées] et les bébés décapités ont été rapidement démentis par The Electronic Intifada et un petit groupe d’autres médias indépendants — souvent au prix d’être salis par les médias grand public et interdits ou censurés par les géants des médias sociaux tels que YouTube [Le Cri des Peuples a pour sa part été bloqué par le Ministère de l’Intérieur].

En essayant de masquer les failles de sa défaite militaire et de ses services de renseignement, Israël a également tenté désespérément d’étouffer un autre scandale majeur.

A savoir qu’Israël a tué des centaines de ses propres citoyens entre le 7 et le 9 octobre 2023.

Le régime a justifié idéologiquement cette action au sein de la société israélienne en utilisant un pacte national de meurtre-suicide bien établi, connu en Israël sous le nom de « directive Hannibal ».

Electronic Intifada présente aujourd’hui un aperçu complet de la manière dont Israël a tué un si grand nombre de ses propres citoyens au cours de l’offensive palestinienne.

Cet article s’appuie sur un an d’enquêtes menées par The Electronic Intifada, sur une surveillance et une traduction approfondies des médias israéliens en hébreu, sur un examen indépendant de centaines de vidéos, sur un film pro-israélien diffusé récemment par la BBC et Paramount+ sur la rave Supernova, sur les chiffres officiels israéliens des morts et sur un rapport peu lu du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Nous pouvons conclure que pendant l’offensive du Déluge d’Al-Aqsa :

  • Israël a étendu l’utilisation de sa « directive Hannibal » meurtrière — conçue pour empêcher les soldats d’être capturés vivants comme prisonniers de guerre — en tuant un grand nombre de ses propres civils.
  • L’utilisation de ces frappes « Hannibal » est confirmée dans un rapport de l’ONU publié en juin.
  • Des tirs d’hélicoptères, de drones, de chars et même de troupes au sol israéliens ont été délibérément entrepris afin d’empêcher les combattants palestiniens de capturer vivants des Israéliens qui pourraient être échangés contre des prisonniers palestiniens.
  • À l’initiative de la division locale de Gaza, la « directive Hannibal » a été mise en œuvre immédiatement, moins d’une heure après le début de l’offensive palestinienne.
  • « Pas un seul véhicule ne peut retourner à Gaza », ordonne-t-on à la division à 11h22.
  • À la mi-journée, le haut commandement de l’armée israélienne (le quartier général dit de la « Fosse », situé sous l’immeuble israélien Hakirya, dans le centre de Tel-Aviv) a donné l’ordre sans ambiguïté d’appliquer la directive Hannibal dans toute la région, « même si cela doit mettre en danger ou porter atteinte à la vie de civils dans la région, y compris les captifs eux-mêmes ».
  • Ce bombardement de captifs israéliens par Israël se poursuit encore aujourd’hui à Gaza.
  • Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a admis, lors d’une réunion en décembre avec des captifs libérés et des familles de captifs, qu’ils avaient été « sous nos bombardements » à Gaza.
  • Des centaines d’Israéliens ont probablement été tués par Israël lui-même dans des incidents de ciblage « Hannibal » ainsi que dans des tirs croisés non intentionnels.
  • Israël s’est engagé dans une dissimulation agressive des crimes qu’il a commis contre son propre peuple.

Tuer son propre peuple

Si le Hamas a fait une erreur de calcul dans la planification de l’opération Déluge d’Al-Aqsa, c’est peut-être en surestimant la valeur que les planificateurs israéliens accordent à la vie de leur propre peuple.

En 2006, le Hamas a réussi à capturer le soldat d’occupation israélien Gilad Shalit, qu’il a échangé contre 1 024 prisonniers palestiniens en 2011, dont l’actuel chef du Hamas Yahya Sinwar. Un échange similaire a eu lieu avec la résistance libanaise en 2008.

Bien que l’échange de prisonniers soit un élément commun des conflits, les dirigeants israéliens se sont sentis affaiblis et embarrassés par ce qu’ils considéraient comme des compromis. Ils ont donc secrètement modifié leur politique, se préparant à frapper leur propre peuple avec une force meurtrière en cas de nouvelles captures.

Au cœur de ces plans se trouvait la directive Hannibal, établie en secret par des généraux israéliens en 1986, et nommée d’après un ancien général carthaginois qui s’est suicidé plutôt que d’être capturé vivant par l’Empire romain.

Au départ, la doctrine visait les soldats.

En 2014, Hadar Goldin, soldat israélien capturé, a été tué lors d’une frappe d’artillerie délibérée pendant l’invasion israélienne de la bande de Gaza au mois d’août. Jusqu’à 200 civils palestiniens ont été tués lors du bombardement de Rafah, dont 75 enfants.

En conséquence, la doctrine militaire secrète a dû être révélée au grand jour. Bien qu’elle ait continué à se voiler la face, l’armée israélienne a admis que la directive existait et qu’elle avait pu être utilisée sur un soldat israélien.

Deux ans plus tard, l’armée israélienne a pris ses distances avec la directive, affirmant que « l’ordre tel qu’il est compris aujourd’hui » serait annulé. « Il ne s’agit pas nécessairement d’un changement complet de politique, mais d’une clarification », a rapporté le Times of Israel en 2016.

Pourtant, de nombreux articles de la presse israélienne confirment aujourd’hui qu’Hannibal n’a pas seulement été réactivé le 7 octobre — si tant est qu’il ait vraiment disparu — mais qu’il a été étendu aux civils israéliens capturés qui étaient emmenés à Gaza.

Bombarder les Israéliens en route vers Gaza

Surestimant l’humanité d’Israël, le Hamas a peut-être ignoré cette possibilité lors de ses deux années de préparation et d’entraînement à l’offensive. Au cours de l’année écoulée, le groupe a accepté à plusieurs reprises d’échanger des prisonniers israéliens contre des prisonniers palestiniens.

Mais à part les captifs israéliens libérés pendant la pause de quatre jours en novembre 2023 (y compris les enfants et les détenus non combattants), le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a catégoriquement refusé de conclure un accord.

Au lieu de cela, Israël a systématiquement bombardé toutes les parties de la bande de Gaza, y compris les zones où sont détenus les prisonniers israéliens.

Des Israéliens libérés dans le cadre de l’échange de prisonniers de novembre ont déclaré aux médias que la principale menace pesant sur leur vie pendant qu’ils étaient détenus à Gaza n’était pas le Hamas, mais les attaques israéliennes.

Chen Almog-Goldstein et trois de ses enfants ont été détenus à un moment donné dans un supermarché de Gaza qui a été bombardé par Israël.

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Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a admis en décembre, lors d’une réunion avec les parents des prisonniers israéliens détenus à Gaza, qu’ils avaient été « sous nos bombardements ». (Ynet)

« C’était atroce », a-t-elle déclaré au Guardian. « C’est la première fois que nous avons vraiment senti que nos vies étaient en danger.

Les bombardements « se rapprochaient de nous au point que les gardes du Hamas ont mis des matelas sur nous au sol pour nous couvrir, puis ils nous ont recouverts de leur corps pour nous protéger des tirs de nos propres forces ».

Lors d’une réunion avec les proches des captifs, Benjamin Netanyahu a admis que les captifs avaient été « soumis à nos bombardements et à notre activité [militaire] là-bas », a rapporté le site d’information hébreu Ynet en décembre.

« Chaque jour de captivité était très dur », a déclaré un ancien détenu lors de cette réunion très tendue. « J’étais dans une maison alors qu’il y avait des bombardements tout autour. Nous étions assis dans des tunnels et nous avions très peur que, non pas que le Hamas, mais qu’Israël nous tue, et qu’ils disent ensuite : ‘Le Hamas vous a tués’ ».

Un autre détenu libéré a déclaré « Le fait est que j’étais dans une cachette qui a été bombardée. Nous avons dû être évacués clandestinement, et nous avons été blessés. Sans parler du fait qu’un hélicoptère nous a tiré dessus alors que nous étions en route pour Gaza… Vous bombardez les itinéraires des tunnels exactement dans la zone où ils [les autres captifs] se trouvent ».

Comme le prouve le témoignage du deuxième détenu libéré sur le fait qu’un hélicoptère lui a tiré dessus alors qu’il se rendait à Gaza, les captifs ont également été tués et attaqués par Israël alors que l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » était toujours en cours.

Dès la première heure de l’offensive, les forces israéliennes ont commencé à tirer sur les captifs israéliens en route pour Gaza et à les bombarder.

« Hannibal à Erez »

Une enquête menée par le journal israélien Haaretz sur la base de documents et de témoignages de soldats a permis de prouver que ces attaques d’Hannibal ont eu lieu dès 7h18, soit 52 minutes seulement après le début de l’offensive.

L’article de Haaretz a été publié en anglais en juillet [Lire La vérité sur le 7 octobre : Tsahal a déclenché la directive Hannibal (Haaretz)].

Mais le journal avait six mois de retard sur son concurrent, Yedioth Ahronoth. En janvier, le supplément du week-end de Yedioth, 7 Jours, a publié un article d’investigation qui a fait date, établissant une chronologie de l’offensive du Déluge d’Al-Aqsa du point de vue de l’armée israélienne.

Le journal n’a jamais publié de traduction officielle en anglais de l’article. The Electronic Intifada reste la seule publication au monde à publier une traduction professionnelle complète, que vous pouvez lire ici.

L’enquête de 7 Jours a révélé que « le 7 octobre à midi, l’armée israélienne a donné l’ordre à toutes ses unités de combat de mettre en pratique la directive Hannibal, bien qu’elle l’ait fait sans l’indiquer explicitement ».

Ronen Bergman et Yoav Zitun, journalistes israéliens spécialisés dans l’armée et le renseignement, expliquent dans ce long article que « l’instruction était de mettre fin “à tout prix” à toute tentative des terroristes du Hamas de retourner à Gaza, en utilisant un langage très similaire à celui de la directive Hannibal originale ».

Contrairement à l’enquête de 7 Jours, l’article plus récent de Haaretz a révélé que le nom de la doctrine a été explicitement invoqué, et ce très tôt : l’une de ces décisions a été prise à 7h18… « Hannibal à Erez ».

Erez est le point de contrôle militaire israélien massif et la base qui emprisonne les Palestiniens dans le nord de la bande de Gaza. Il a été totalement envahi par les combattants palestiniens et les troupes israéliennes assiégées semblent avoir demandé une attaque aérienne sur leur propre position.

Le fait que l’enquête de 7 Jours soit parvenue à la conclusion qu’Hannibal avait été invoqué par le sommet de la hiérarchie militaire israélienne est crucial.

Cela montre que la réactivation et l’extension de la directive Hannibal ce jour-là n’étaient pas le fait de troupes individuelles agissant de leur propre chef ou d’un simple chaos et d’une confusion.

Il s’agissait d’une politique officielle.

Ordres et chaos

Hannibal a été ordonné d’en haut après que les généraux de l’immeuble Hakirya à Tel-Aviv ont réalisé que des soldats et des colons israéliens étaient capturés en masse dans toute la région frontalière de Gaza.

Ils voulaient que les captifs soient tués le plus rapidement possible.

Les troupes israéliennes sur le terrain avaient été formées à cette procédure pendant des années et ont immédiatement compris ce qu’elles devaient faire.

Un rapport d’une commission de l’ONU cite un commandant de char qui a ouvert le feu sur des captifs israéliens venant de la colonie de Nir Oz.

« Quelque chose dans mes tripes m’a fait penser qu’ils [ses soldats] pouvaient être à bord [des véhicules se dirigeant vers Gaza] », a-t-il déclaré. « Oui, j’aurais pu les tuer, mais j’ai décidé que c’était la bonne décision. Je préfère arrêter l’enlèvement pour qu’ils ne soient pas enlevés ».

Mettre fin à la captivité des Israéliens en les tuant, c’est la doctrine Hannibal en quelques mots.

En novembre dernier, Nof Erez, colonel de l’armée de l’air israélienne, a admis dans un podcast en hébreu que la réponse à l’opération Déluge d’Al-Aqsa « était un Hannibal de masse ».

La situation était également incroyablement chaotique ce jour-là. Dans un autre article de Yoav Zitun, l’armée israélienne a admis l’existence d’une « quantité immense et complexe » de ce qu’elle a appelé des incidents de « tirs amis ».

Prises totalement au dépourvu pendant un week-end de fête juive, les forces israéliennes se sont retrouvées dans l’incapacité de communiquer entre elles après que les Palestiniens ont détruit l’infrastructure de communication.

L’enquête de 7 Jours a révélé que « 40 % des sites de communication, tels que les tours équipées d’antennes-relais… près de la bande de Gaza… ont été détruits par le Hamas » ce matin-là.

Même la résistance palestinienne a été prise au dépourvu par l’ampleur de son propre succès. Et, dans une certaine mesure, l’assaut des combattants palestiniens s’est déroulé dans un certain chaos.

Des dommages collatéraux ?

Peu après que la première vague de commandos d’avant-garde du Hamas (connus sous le nom de force Nukhba, qui signifie « élite » en arabe) a franchi la clôture en près de 50 endroits, des groupes armés moins importants — dont le Jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine — l’ont rejointe.

Environ une heure après le début de l’offensive, une vague de civils palestiniens a commencé à s’engouffrer dans les brèches de la clôture et a réussi à pénétrer dans leur patrie ancestrale. Certains d’entre eux semblent avoir attaqué ou capturé des non-combattants israéliens dans les colonies militarisées qui entourent Gaza.

La situation chaotique, combinée à l’utilisation par Israël de ses propres civils comme boucliers humains pour assiéger et occuper Gaza, signifie également que toutes les victimes israéliennes de la résistance palestinienne ce jour-là n’étaient pas des combattants.

Malgré les efforts déployés par les médias et les politiciens occidentaux pour brosser le tableau de « terroristes » palestiniens maléfiques et tueurs de bébés qui se déchaînaient dans le sud d’Israël en massacrant autant de civils que possible, il est clair que les non-combattants israéliens ont souvent été pris entre les feux croisés des forces armées israéliennes et des combattants palestiniens.

Des batailles rangées ont éclaté dans toute la région. On estime que de 1 000 à 3 000 combattants palestiniens y ont participé.

Malgré l’idée reçue selon laquelle l’armée israélienne n’était nulle part ce jour-là, le rapport de l’ONU et l’enquête de 7 Jours ont conclu que des combattants israéliens étaient présents dans toute la région, et ce dès le début.

Dans les 24 premières minutes de l’assaut, l’armée israélienne a fait décoller au moins six avions armés : deux bombardiers F-16, deux bombardiers F-35 et deux drones mortels Hermes 450 fabriqués par Elbit Systems.

Deux autres appareils — des hélicoptères d’attaque Apache — sont également arrivés dans la colonie de Be’eri dans l’heure qui a suivi.

Le rapport de l’ONU indique qu’il « confirme qu’au moins huit hélicoptères Apache ont été envoyés dans la zone autour de la frontière de Gaza le 7 octobre » et que « quelque 23 chars étaient stationnés dans toute la zone frontalière avec Gaza » (Note de l’éditeur : en fait, Israël n’a pas de frontières déclarées).

Boucliers humains

Mais il ne fait aucun doute non plus que les Israéliens ont été débordés, brièvement dépassés et souvent surpassés par l’audace et l’ingéniosité des combattants palestiniens. La bataille du kibboutz Be’eri, par exemple, s’est poursuivie pendant trois jours.

Néanmoins, la présence de combattants israéliens armés au sein de la population civile — utilisant souvent cette dernière comme bouclier humain — témoigne des difficultés opérationnelles rencontrées par le Hamas sur le terrain ce jour-là.

Le rapport de l’ONU fait même état de cas où des « civils » israéliens ont pris des armes pour s’engager dans des affrontements avec les combattants palestiniens.

Khalil al-Hayya, chef politique adjoint du Hamas, a déclaré dans une interview accordée à la BBC la semaine dernière que les combattants avaient reçu l’ordre de ne pas viser les civils pendant l’assaut, mais qu’il y avait eu des défaillances individuelles dans le respect de ce plan [Lire Saleh al-Arouri : le 7 octobre, le Hamas n’a ciblé ou capturé aucun civil israélien].

Il a également fait allusion aux difficultés militaires rencontrées par les Palestiniens qui tentaient de distinguer qui était qui : « Les combattants ont pu se sentir en danger. »

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Dans une vidéo publiée par la branche armée du Hamas le 10 octobre 2023, les Brigades Al Qassam montrent comment elles se sont rapidement emparées de la base militaire de Nahal Oz trois jours plus tôt, soutenues depuis les airs par une technologie de drone sophistiquée mais peu coûteuse. La base se trouve à cheval sur la ligne de démarcation avec Gaza.

Dans « Notre récit », un document publié par le Hamas en janvier, le groupe admet que « des erreurs ont peut-être été commises lors de la mise en œuvre de l’opération “Déluge d’Al-Aqsa” en raison de l’effondrement rapide du système sécuritaire et militaire israélien et du chaos causé le long des zones frontalières avec Gaza ».

L’une de ces « erreurs » est le fait que les services de renseignement du Hamas n’ont apparemment pas anticipé la présence de la rave « Supernova », qui a duré toute la nuit et s’est déroulée dans des champs en plein air, à moins d’une heure de route de la frontière.

Cet événement s’est déroulé dans des champs à moins de cinq kilomètres de la base militaire de Re’im.

Re’im était le quartier général de la division Gaza de l’armée israélienne, la cible numéro un de l’offensive Déluge d’Al-Aqsa.

Mais la séparation entre les « civils » des colons israéliens et les combattants israéliens n’est pas toujours nette.

Implantées autour de la région de Gaza principalement après l’expulsion forcée des Palestiniens par les milices sionistes et la nouvelle armée israélienne entre 1947 et 1949, les colonies qui assiègent Gaza ont été conçues par la doctrine militaire israélienne comme une ceinture de boucliers humains destinée à protéger l’occupation israélienne et à réprimer la population de Gaza, bien plus nombreuse.

La population de la bande de Gaza est composée de plus de 80 % de réfugiés, c’est-à-dire de personnes qui ont été expulsées de leur foyer pour faire place au nouvel État d’Israël en 1948 et après, ainsi que de leurs descendants.

L’une de ces colonies dites « de l’enveloppe de Gaza », fondée en 1951, s’appelle même « Magen » — littéralement le mot hébreu pour « bouclier ». Une autre, Nahal Oz, a été créée en tant que colonie explicitement militaire.

Selon le Fonds national juif, bras colonial de l’État israélien, Nahal Oz était destiné à « fournir des soldats à Tsahal ». Elle devait également « devenir un centre civil et servir de première ligne de défense contre les futures invasions arabes potentielles tout en fournissant une base d’opérations et des ressources aux forces militaires opérant dans les régions périphériques ».

Blanchiment de la propagande israélienne par l’ONU

En juin de cette année, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a publié un rapport : « Conclusions détaillées sur les attaques menées le 7 octobre 2023 et après cette date en Israël ».

Le peu d’attention que les médias lui ont accordé a eu tendance à se concentrer sur la façon dont le rapport (ainsi qu’un document d’accompagnement axé sur Gaza) avait conclu qu’« Israël et le Hamas ont tous deux commis des crimes de guerre », comme l’a indiqué The Guardian.

Les auteurs du rapport se sont décrits comme une « commission d’enquête internationale indépendante » sur l’offensive.

Pour l’essentiel, le rapport ne divulgue pas ses sources. Les auteurs expliquent que cela est dû à des « préoccupations de protection » non spécifiées.

Néanmoins, il ressort clairement des cas où le rapport divulgue ses sources qu’elles s’appuient presque entièrement sur des affirmations israéliennes. Lorsqu’il cite des sources palestiniennes, il s’agit pour la plupart de vidéos de combattants tués ou capturés. Ces vidéos ont été diffusées par les autorités d’occupation israéliennes et il est fort probable qu’elles aient fait l’objet d’un montage sélectif.

Il n’est donc pas surprenant de constater que le document finit, pour l’essentiel, par se ranger du côté de la version israélienne des atrocités palestiniennes, qui a été démentie. Cela va parfois jusqu’à l’absurde.

Dans un cas, la commission d’enquête inverse la chronologie des événements pour donner l’impression qu’un combattant palestinien a délibérément exécuté un bébé israélien au kibboutz Be’eri, après s’être introduit dans une pièce.

Or, selon la presse, la mort est en fait le résultat tragique d’une balle perdue. Milla Cohen, un bébé de 10 mois, est morte lorsqu’un combattant palestinien a tiré à travers une porte avant de s’introduire dans une pièce d’une colonie pour y faire des prisonniers.

Pire encore, le rapport de l’ONU semble s’appuyer largement sur le groupe extrémiste juif discrédité ZAKA comme source, le citant une fois explicitement et fréquemment de manière indirecte en tant que « premiers intervenants » anonymes.

Ces « premiers intervenants » racontent ensuite des histoires sensationalistes sur les supposés « crimes de guerre » palestiniens.

Et pourtant, même le rapport admet que ZAKA « n’est pas formé ou équipé pour gérer des scènes de crime vastes et complexes et peut également avoir altéré, ou même trafiqué, des preuves » (c’est nous qui soulignons).

« Un secouriste travaillant pour ZAKA » — que le rapport ne nomme pas — « a fourni des comptes-rendus inexacts et exagérés de ses découvertes lors d’interviews avec les médias ».

Il s’agit peut-être d’une référence à Yossi Landau, haut responsable de ZAKA.

Ce dernier a été contraint par les journalistes d’Al Jazeera d’admettre devant la caméra — pour un documentaire diffusé en mars — que son récit initial selon lequel des combattants palestiniens auraient exécuté 10 enfants israéliens en les brûlant vifs n’était qu’une fiction.

Confronté à son propre manque de preuves, Landau a admis : « Lorsque vous les regardez et qu’ils sont brûlés, vous ne connaissez pas exactement leur âge. On parle alors de 18 ans, de 20 ans… on ne regarde pas sur place… pour voir l’âge ou quelque chose comme ça ».

Plus tard, Landau a été contraint de quitter son poste au sein du groupe à la suite de conflits internes liés à l’argent et au pouvoir.

Les frappes « Hannibal » confirmées par l’ONU

Bien que les auteurs du rapport fassent apparemment de leur mieux pour blanchir la propagande israélienne sur les atrocités dans le système de l’ONU, le document contient néanmoins une étonnante collection de preuves confirmant les rapports de The Electronic Intifada de l’année dernière selon lesquels Israël a lui-même tué de nombreux Israéliens, sinon la plupart d’entre eux, ce jour-là.

Certaines des preuves contenues dans le rapport de l’ONU ne sont qu’indirectes et doivent être recoupées avec les rapports des médias hébraïques sur la directive Hannibal et la manière sans précédent dont elle a été utilisée le 7 octobre 2023.

Mais certains éléments sont explicites.

Sur trois pages, le rapport détaille une partie de ce que l’on sait sur « l’application de la “directive Hannibal” » ce jour-là.

La commission écrit qu’elle « a recueilli de fortes indications selon lesquelles la “directive Hannibal” a été utilisée à plusieurs reprises le 7 octobre, blessant des Israéliens en même temps qu’elle frappait des militants palestiniens ».

Dans sa section sur la directive Hannibal, le rapport de l’ONU indique même que « des hélicoptères israéliens étaient présents sur le site de Nova et ont pu tirer sur des cibles au sol, y compris des véhicules civils ». Il précise qu’« un ou deux hélicoptères » étaient « présents au-dessus du site du festival Nova en milieu de matinée ».

C’est ce que The Electronic Intifada a rapporté pour la première fois en novembre.

Le rapport de l’ONU cite à l’appui de cette affirmation le témoignage de deux témoins anonymes, dont un « général de brigade de réserve de l’armée israélienne, qui s’est battu contre des militants près d’un char stationné à proximité du site de Nova » et qui a expliqué qu’« il a appelé le bataillon de Gaza pour demander un hélicoptère d’attaque ».

La présence d’hélicoptères d’attaque — et d’au moins un char — dans la bataille pour le site de la rave Supernova pourrait également expliquer en partie le nombre élevé de victimes non combattantes parmi les participants à la rave qui s’enfuyaient ce matin-là.

La rave Supernova

Organisée à moins de cinq kilomètres de l’immense camp de prisonniers à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza, la Supernova a été mise sur pied par une société de gestion d’événements se faisant appeler « Tribu de Nova ».

Ses défenseurs ont condamné les combattants palestiniens pour avoir attaqué un « festival de la paix », tandis que les détracteurs de l’événement l’ont décrié comme s’apparentant à des civils allemands dansant devant les portes d’Auschwitz pendant l’Holocauste nazi.

Souvent qualifié de « festival de musique Nova » par les médias occidentaux, l’événement se nomme en fait, sur sa page web officielle, « rassemblement Supernova Sukkot ». Un film récent sur l’événement a montré qu’il s’apparentait davantage aux raves illégales souvent organisées dans des lieux secrets dans de nombreux pays occidentaux.

Supernova n’était pas illégal et était coordonné avec les forces de police israéliennes locales (qui étaient armées et présentes à l’avance pour surveiller l’événement). Mais pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, le lieu de la rave n’a été annoncé que le 6 octobre.

Les participants au film israélien très médiatisé We Will Dance Again ont confirmé que le lieu de Supernova avait été tenu secret pour les détenteurs de billets jusqu’à la dernière minute.

Cela explique pourquoi le Hamas n’avait aucune idée de la présence de la rave dans les champs situés entre Gaza et la plus grande base militaire de la région — le quartier général régional de Re’im — plutôt qu’une confusion sur les jours de l’événement ou une prolongation de l’horaire, comme cela est parfois affirmé à tort en ligne.

Les morts de Supernova

La rave est souvent considérée comme le plus grand lieu de décès du 7 octobre. Le rapport de l’ONU indique que 364 des 3 000 raveurs ont été « tués soit sur le site, soit près du kibboutz Re’im, soit dans des lieux adjacents ».

Mais une analyse détaillée des décès, récemment publiée par le Times of Israel (sur la base d’une enquête menée par une chaîne de télévision israélienne), montre que plus de 60 % de ces personnes sont en fait décédées en dehors du site de la rave.

Ce point est important pour deux raisons.

Premièrement, bien que le film « We Will Dance Again » tente de brosser le tableau de méchants terroristes palestiniens attaquant délibérément des civils, il ressort clairement de toutes les preuves disponibles que la rave n’était pas une cible prévue de l’offensive du Hamas ce jour-là.

En effet, l’emplacement secret de l’événement signifiait que quelques combattants palestiniens — peut-être certains membres de factions armées et probablement quelques civils armés — sont tombés sur l’événement au cours de leur assaut sur les bases militaires.

Des affrontements armés avec les forces israéliennes — y compris la police, les soldats et au moins un char, ainsi que les « civils » israéliens armés présents — ont rapidement suivi.

Les services de renseignement israéliens ont conclu que les Palestiniens n’avaient pas connaissance de la rave.

Deuxièmement, le décompte publié par le Times of Israel situe les décès de raveurs en dehors de l’enceinte de la rave aussi loin que Sderot (18 kilomètres au nord du site de Supernova) et la base militaire de Re’im (seulement 4 kilomètres au sud)

La localisation de ces lieux de décès sur Google Earth et leur recoupement avec les sites des embuscades tendues par les commandos d’élite du Hamas — comme l’a montré l’enquête de 7 Jours — montrent que les deux coïncident souvent.

Il est donc probable que la mort de certains de ces ravisseurs en fuite soit la conséquence involontaire d’embuscades palestiniennes tendues pour intercepter les renforts de l’armée israélienne qui se dirigeaient vers la région.

« Alors que de nombreux renforts affluaient vers le sud », écrivent Ronen Bergman et Yoav Zitun dans l’enquête de 7 Jours, les commandos du Hamas « avaient prévu ces renforts et s’étaient emparés des carrefours stratégiques […] où ils attendaient les forces […] beaucoup de sang a été versé à ces carrefours, tant chez les soldats que chez les civils ».

L’article de 7 Jours relate également des cas où des soldats israéliens se sont précipités vers le sud pour rejoindre le combat de leur propre initiative — y compris dans leurs propres véhicules civils.

« Les commandants qui avaient déjà appris par les médias ou par des amis que quelque chose se passait se sont précipités pour rejoindre l’enveloppe de Gaza », expliquent Bergman et Zitun.

Un commandant de brigade a déclaré aux journalistes : « Je suis venu avec mon véhicule privé au carrefour de Yad Mordechai [à 3,5 km au nord du point de contrôle d’Erez] après avoir vu [l’attaque] aux informations à la maison ».

Destruction de maisons dans les colonies

Les preuves des massacres israéliens délibérés de civils israéliens dans les kibboutzim et autres colonies entourant Gaza sont claires et indéniables.

Les images vidéo et les rapports de presse de l’offensive Déluge d’Al-Aqsa montrent que de nombreux bâtiments dans les colonies ont été complètement détruits, d’une manière qui correspond à l’utilisation d’armes lourdes dont les experts militaires savent qu’elles sont seulement en possession de l’armée israélienne, et non des combattants palestiniens.

Si certains bâtiments et certaines voitures présentaient des signes d’incendie, beaucoup d’autres ont manifestement été bombardés depuis les airs par des drones et des hélicoptères d’attaque israéliens, ou pilonnés par des chars d’assaut israéliens.

Nof Erez, le colonel de l’armée de l’air israélienne qui a admis que le 7 octobre était un événement « Hannibal de masse », a répondu par l’affirmative lorsque l’intervieweur lui a demandé s’ils avaient « fait exploser toutes sortes de maisons à l’intérieur des colonies ».

Erez a insisté sur le fait que ses pilotes ne l’avaient fait qu’avec la « permission » de leurs officiers supérieurs. « J’ai vu de nombreux drones au-dessus de chaque colonie sur une image informatique, que nous pouvons voir dans chaque commandement de Tsahal », a-t-il expliqué.

Des images diffusées par la télévision israélienne ont montré des chars israéliens présents et tirant dans la colonie du kibboutz Be’eri.

Le général de brigade Barak Hiram a admis avoir ordonné à ses chars de tirer sur la maison de Pessi Cohen dans le kibboutz Be’eri, « même au détriment des civils », comme il l’a déclaré au New York Times.

Des combattants palestiniens du Hamas avaient capturé 15 personnes et les avaient retenues dans la maison, alors qu’elles tentaient de négocier leur sortie vers Gaza.

Les enquêtes menées par The Electronic Intifada ont conclu que la plupart des personnes décédées avaient très probablement été tuées par l’assaut d’Hiram.

The Electronic Intifada a été le premier à publier en anglais le récit d’un témoin oculaire, Yasmin Porat, qui a déclaré que les troupes israéliennes sont arrivées sur les lieux et ont « éliminé tout le monde » par des tirs nourris et des tirs d’obus de chars d’assaut [Lire De nombreux civils ont été tués par l’armée israélienne, affirme une survivante d’un kibboutz].

Porat, le commandant palestinien Hasan Hamduna (qui s’est rendu) et une autre captive — Hadas Dagan — sont les trois seuls survivants du massacre de Barak Hiram.

Dagan a insisté dans son témoignage à Porat — que The Electronic Intifada a rapporté pour la première fois en novembre de l’année dernière — sur le fait que toutes les autres personnes présentes dans le bâtiment et aux alentours ont été soit abattues, soit « complètement brûlées » par les tirs des chars israéliens.

Parmi les victimes de cette apocalypse figuraient des jumeaux israéliens de 12 ans, Liel et Yanai Hatsroni.

De manière écœurante, la photo de Liel a été utilisée par la suite dans la propagande officielle israélienne, qui a prétendu à tort que le Hamas avait massacré et brûlé la fillette.

« Assassinée dans sa maison par des monstres du Hamas… juste parce qu’elle est juive », a menti l’ancien premier ministre israélien Naftali Bennett.

Hannibal à Supernova ?

Ce qui n’est pas encore clair au sujet de la rave Supernova, c’est le nombre de morts tués par des Palestiniens, et si certains ont été tués lors d’attaques « Hannibal » menées par Israël.

Contrairement aux zones plus construites telles que les bases militaires et les kibboutzim — où il existe des preuves visuelles évidentes de bâtiments bombardés et des témoignages concluants — la situation visuelle à l’intérieur et autour du site de Supernova était plus chaotique.

Il y avait peu de structures construites que les avions ou les chars israéliens pouvaient détruire, comme ce qui s’est passé dans les colonies.

Des vidéos et d’autres preuves photographiques montrent que les champs autour de la sortie du site, à côté du point de contrôle israélien armé, ont été intensément brûlés et noircis.

On ne sait pas s’il s’agit du résultat des attaques d’hélicoptères ou de chars, ou du résultat des incendies qui ont pu prendre après des tirs de RPG par les Palestiniens.

Ce que l’on sait, c’est que les forces armées israéliennes présentes sur le site ont mis en place un barrage routier à la sortie principale, ce qui a provoqué une accumulation massive de voitures attendant de quitter le site. De nombreux ravers ont fini par s’enfuir à pied, à l’est, à travers les champs, alors que la fusillade éclatait.

Alors que le film We Will Dance Again omet ostensiblement de mentionner le barrage routier mis en place par les forces israéliennes, un premier rapport de CNN montre le barrage routier sur sa carte de la scène, et le rapport du Times of Israel indique qu’il a probablement été mis en place dès 7h00 du matin.

Le journaliste William Van Wagenen a expliqué dans un rapport pour The Cradle que le barrage routier a probablement conduit les forces israéliennes à piéger involontairement quelques ravers en fuite dans un échange de tirs entre eux et des combattants palestiniens qui avançaient sur la base militaire de Re’im depuis le nord.

Les drogues psychoactives

Une chose ressort clairement de We Will Dance Again et d’un entretien accordé à Haaretz par un psychologue israélien qui a traité des survivants : la consommation de substances psychoactives lors de la rave était très répandue.

Lorsque les participants sont arrivés sur le site dans la nuit du 6 octobre, « tout le monde disait qu’ils allaient se défoncer », se souvient l’un des participants au film.

Selon l’interview de Haaretz et le film, les raveurs ont consommé de l’ecstasy, de l’acide, de la cocaïne, des champignons magiques et peut-être de la kétamine. Pire encore, nombre d’entre eux avaient délibérément programmé leurs doses pour qu’elles fassent effet au lever du soleil, ce qui s’est avéré être juste avant le début de l’offensive palestinienne, les salves de roquettes en provenance de Gaza commençant à 6h26 du matin.

« Ça craint tellement ! Tout le monde est défoncé », se souvient l’un des participants au film, alors que les fusées s’élevaient au-dessus de sa tête. L’acide, a expliqué un autre, « peut faire paraître les choses bien pires ».

Les drogues psychédéliques, a expliqué le psychologue israélien, peuvent conduire à une situation dans laquelle « des parties de l’inconscient remontent à la conscience ».

Tout cela fait qu’il est peu probable que de nombreux ravers aient été en état de discerner si des Israéliens, des Palestiniens ou les deux leur tiraient dessus alors qu’ils couraient pour sauver leur vie.

Bien que l’existence de la directive Hannibal soit un secret de polichinelle en Israël, son utilisation sur des cibles civiles israéliennes était — pour autant que nous le sachions — sans précédent avant le 7 octobre 2023.

Attaques Hannibal dans tout le sud

Environ 105 résidents ont été tués au kibboutz Be’eri.

On ignore actuellement combien d’entre eux ont été tués par des Palestiniens et combien par des Israéliens. Le rapport de l’ONU indique qu’« au moins 57 structures du kibboutz ont été détruites ou endommagées, soit plus d’un tiers de l’ensemble des bâtiments résidentiels ».

D’après les preuves visuelles, nombre d’entre elles semblent avoir été détruites par Israël.

Mais il est important de garder à l’esprit que le massacre « Hannibal » des Israéliens à Be’eri s’est répété dans toute la région.

Si nous en savons autant sur le massacre de la maison de Pessi Cohen, c’est parce que deux civils ont survécu et raconté leur histoire.

Des incidents similaires se sont produits ailleurs. Mais dans la plupart des cas, il y eut peu de survivants, en particulier lors des bombardements aériens.

Une unité de chars entièrement féminine a réquisitionné un véhicule militaire qu’elle n’était pas formée à utiliser et a enfoncé les portes de Holit, une colonie israélienne située près de la frontière avec l’Égypte et de la frontière avec Gaza, à plus de 14 miles au sud de la rave Supernova.

« Nous sommes entrés dans la communauté et avons défoncé la porte », a déclaré l’une des soldates à la chaîne israélienne Channel 12. La soldate me montre du doigt et me dit : « Tire là, les terroristes sont là ». Je lui demande : « Y a-t-il des civils là-bas ? » Elle me répond : « Je ne sais pas, tire, c’est tout ».

La chef de char affirme ensuite qu’elle a décidé de ne pas tirer, mais elle se contredit immédiatement : « Je tire avec ma mitrailleuse sur une maison ».

À l’instar des preuves visuelles des attaques Hannibal contre des Israéliens par Israël au kibboutz Be’eri, une enquête menée par The Electronic Intifada l’année dernière a également conclu que le même type de destruction de maisons avait eu lieu au kibboutz Kfar Aza.

Le rapport des Nations unies énumère un nombre étonnamment élevé d’endroits où des attaques Hannibal ont probablement ou certainement eu lieu.

À l’extérieur de la colonie israélienne de Nirim (qui se trouve sur le chemin entre la ville palestinienne de Khan Younis et le quartier général militaire Re’im de la division de Gaza), un équipage de char israélien s’est rendu à Nir Oz, une autre colonie voisine.

Une fois sur place, le rapport de l’ONU indique qu’« ils ont remarqué que des centaines de personnes traversaient pour entrer en Israël et revenir à Gaza et ils leur ont tiré dessus, y compris sur des véhicules chargés de personnes, dont certaines étaient peut-être des otages » (c’est nous qui soulignons).

Le paragraphe suivant du rapport laisse entrevoir la possibilité d’incidents similaires à Nitzana, Kissufim et Holit.

Combien de personnes ont été tuées par Israël ?

Bien qu’il ait d’abord affirmé que 1 400 personnes avaient été « assassinées par le Hamas » le 7 octobre de l’année dernière, Israël a rapidement commencé à revoir ce chiffre à la baisse.

En novembre, le gouvernement israélien a annoncé que 200 de ces personnes étaient en fait des combattants du Hamas. Ils avaient été tellement brûlés par les bombardements israéliens qu’ils étaient totalement impossibles à identifier.

Cela montre à quel point les tirs israéliens ont été aveugles ce jour-là.

Selon Al Jazeera, le nombre de morts israéliens s’élève désormais à 1 154.

Le rapport de l’ONU indique qu’au moins 314 d’entre eux étaient des « militaires israéliens ».

En mars, l’unité d’investigation d’Al Jazeera a réalisé une étude approfondie de trois bilans des morts israéliens en hébreu, ce qui a permis d’augmenter le nombre de combattants armés, qui s’élève à 372.

Outre les soldats, le chiffre d’Al Jazeera inclut la police, les gardes de sécurité (c’est-à-dire les milices armées des colonies) et le « personnel de sécurité ».

L’enquête de 7 Jours a conclu que des officiers du Shin Bet — l’agence de « sécurité intérieure » israélienne sous couverture — ont également été envoyés pour participer à la bataille dans le sud : « Au cours des combats, 10 personnes de l’organisation ont été tuées. »

L’édition anglaise de la base de données Haaretz sur les morts a révélé les noms de trois de ces personnes : Yossi Tahar, Smadar Mor Idan et Omer Gvera.

Aucune de ces trois personnes ne figure dans la base de données en tant que combattant. Il est donc probable que les sept autres combattants du Shin Bet décédés soient aussi secrètement répertoriés comme « civils » dans la base de données.

Les données brutes d’Al Jazeera — fournies par l’unité d’investigation à The Electronic Intifada pour cet article — révèlent que les chiffres du « personnel de sécurité » mentionnent effectivement huit officiers du Shin Bet parmi les morts.

Les 372 combattants déclarés plus les deux officiers du Shin Bet non déclarés nous donnent 374 combattants morts — presque un tiers du total des Israéliens morts.

En les déduisant des 1 154 morts totales, on obtient un maximum de 780 civils israéliens morts.

Cela signifie qu’au moins 41 % du chiffre initial (erroné) de 1 400 morts étaient en fait des combattants — principalement des Israéliens, mais aussi 200 des combattants palestiniens décédés.

« Tous les occupants du véhicule ont été tués »

Si un maximum de 780 Israéliens non armés sont morts pendant l’offensive du Déluge d’Al-Aqsa, combien d’entre eux ont été tués par Israël et combien par les Palestiniens ?

La réponse actuelle à cette question est qu’il est impossible de le savoir sans une enquête internationale véritablement indépendante.

Or, comme l’indique clairement le rapport de l’ONU, Israël bloque précisément une telle enquête. « La commission considère qu’Israël fait obstruction à ses enquêtes sur les événements survenus le 7 octobre 2023 et depuis cette date, à la fois en Israël et dans le territoire palestinien occupé. »

Mais il est possible de tirer quelques conclusions provisoires.

Le film d’investigation d’Al Jazeera a révélé qu’« au moins 18 » des non-combattants tués l’ont été par des troupes israéliennes au sol et qu’au moins 27 des Israéliens en captivité palestinienne « sont morts quelque part entre leur maison et la barrière de Gaza dans des circonstances qui n’ont pas été expliquées ».

Mais les données brutes d’Al Jazeera montrent qu’il s’agit de meurtres Hannibal délibérés et très bien attestés, comme le tristement célèbre massacre de la maison de Pessi Cohen perpétré par Barak Hiram.

Ces données ne tiennent pas compte de plusieurs autres chiffres clés, à partir desquels nous pouvons extrapoler une idée approximative de l’ordre de grandeur de l’ensemble des décès dus à Hannibal et aux « tirs amis » non intentionnels.

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Une vidéo publiée par Israël en octobre de l’année dernière a involontairement révélé des preuves très solides de l’utilisation de la directive Hannibal sur des captifs israéliens sur la route de Gaza. (Photo : Ministère des Affaires étrangères israélien)

L’enquête de 7 Jours indique que les enquêteurs militaires israéliens « ont examiné quelque 70 véhicules qui […] n’ont pas atteint Gaza parce qu’ils avaient été touchés par les tirs d’un hélicoptère de combat, d’un drone ou d’un char, et que, dans certains cas au moins, tous les occupants du véhicule avaient été tués » (accentuation ajoutée).

On ne sait pas combien d’Israéliens se trouvaient dans ces 70 véhicules, mais compte tenu de ce que l’on sait d’autres incidents, certaines voitures en contenaient probablement plusieurs. À eux seuls, ces véhicules peuvent être à l’origine d’un très grand nombre de décès de civils israéliens.

Les ravisseurs palestiniens ont souvent entassé plusieurs prisonniers israéliens dans des camionnettes, des voitures expropriées et même, dans certains cas, dans des remorques tirées par des tracteurs.

Les Israéliens en fuite ont fait de même.

Dans le film We Will Dance Again, un raver raconte qu’il s’est désespérément entassé dans des voitures pour fuir le site de Supernova.

Il y avait « un million de personnes à l’intérieur » de la voiture, se souvient-il. « La moitié de mon corps est à l’extérieur », a-t-il ajouté, expliquant qu’il était suspendu à la fenêtre.

Des images d’hélicoptères de combat israéliens diffusées en ligne et compilées dans le film d’Al Jazeera montrent une vidéo d’une douzaine de personnes fuyant une voiture bondée alors que les Israéliens leur tirent dessus. Leur sort est inconnu.

Le film montre de nombreuses vidéos similaires. On ne sait pas exactement où ces incidents ont eu lieu près de Gaza. Vous pouvez visionner le film dans son intégralité sur le site web d’Al Jazeera ou dans la vidéo YouTube intégrée ci-dessous (en raison des restrictions d’âge imposées par la plateforme, vous devez disposer d’un compte YouTube approprié).

En novembre, le site web israélien Ynet a cité un pilote d’hélicoptère qui a déclaré que « rien que dans les quatre premières heures qui ont suivi le début des combats », les avions israéliens « ont attaqué environ 300 cibles, la plupart en territoire israélien ».

Le rapport indique qu’ils ont reçu l’ordre de « tirer sur tout » près de la barrière avec Gaza.

Le journaliste de l’article en hébreu était Yoav Zitun, le co-auteur de l’enquête de 7 Jours, un journaliste militaire israélien bien documenté et proche des services de renseignement et de l’establishment militaire.

Les opérateurs de drones semblent avoir été encore plus meurtriers que les pilotes d’hélicoptères. L’article de 7 Jours indique qu’ils ont souvent « pris eux-mêmes la décision d’attaquer » et qu’à la fin de la journée du 7 octobre, « l’escadron a effectué pas moins de 110 attaques sur quelque 1 000 cibles, dont la plupart se trouvaient à l’intérieur d’Israël ».

Si le terme « cibles » englobe les personnes, il est difficile de savoir combien d’entre elles étaient des Israéliens. Les pilotes ne le savaient probablement pas eux-mêmes. Si une « cible » touchée comprend également des voitures individuelles, les 1 000 cibles touchées auraient pu facilement faire des centaines de morts.

Le « cimetière » de voitures

En novembre, des centaines de véhicules explosés lors de l’offensive palestinienne ont été rassemblés par les troupes israéliennes et empilés dans une casse près des colonies de Tekuma et de Netivot.

Des photos et des images de drone de la casse ont clairement montré que de nombreuses voitures étaient complètement aplaties et tordues d’une manière qui correspond aux bombardements israéliens depuis les airs.

En bref, les voitures ressemblaient beaucoup aux voitures palestiniennes (de civils et de combattants) qu’Israël bombarde habituellement depuis les airs à Gaza depuis des années.

Aujourd’hui, il semble que la casse soit devenue une sorte d’attraction touristique pour Israël et ses partisans — un site qu’ils qualifient de « cimetière de voitures ». Dans une vidéo tournée l’été dernier, un guide touristique de l’armée israélienne déclare que la casse contient « 1 650 véhicules qui ont été amenés ici ».

Il ajoute que dans une seule ambulance, les restes de 18 personnes ont été retrouvés dans les cendres et la « poussière humaine » qu’ils ont récupérées.

Quel que soit le chiffre réel des Israéliens morts à la suite des attaques « Hannibal » menées par Israël, il semble tout à fait plausible qu’Israël ait tué des centaines d’Israéliens qui sont morts au cours de l’offensive.

Le blanchiment

Depuis un an, Israël dissimule systématiquement les faits.

La plupart des reportages israéliens sur ce sujet ont été rédigés en hébreu uniquement. Et ce n’est pas faute d’accès aux médias de langue anglaise.

L’auteur principal de l’enquête de 7 Jours était Ronen Bergman, qui est également un journaliste très en vue du New York Times et l’auteur à succès de plusieurs hagiographies du Mossad et d’autres agences d’espionnage israéliennes.

Bergman n’a pas encore écrit sur la directive Hannibal en anglais dans le New York Times ou ailleurs.

Très peu d’autopsies ont été pratiquées — en tout cas pas sur les morts de la maison de Pessi Cohen dans le kibboutz Be’eri.

Dans le cas de ce crime particulier, cela aurait probablement été impossible de toute façon. Les bombardements des chars de Barak Hiram ont réduit en cendres la plupart de ses victimes israéliennes, y compris Liel Hatsroni, 12 ans.

De nombreux corps ont été enterrés prématurément. Les voitures israéliennes détruites lors d’apparentes tueries « Hannibal » ont été écrasées par les autorités israéliennes avant d’être enterrées dans le « cimetière » sous un prétexte religieux.

Le rapport de la commission de l’ONU reproche à Israël de leur avoir interdit l’accès au pays. « Les responsables israéliens ont non seulement refusé de coopérer à l’enquête de la commission, mais ils auraient également empêché les professionnels de la santé et d’autres personnes d’entrer en contact avec eux », peut-on lire dans le rapport.

Dans le cadre d’une « enquête-blanchiment » sur les meurtres perpétrés dans la maison de Pessi Cohen, l’armée a largement innocenté Barak Hiram en juillet.

Les vestiges de la maison ont été démolis par l’armée.

Le mois dernier, Hiram a été promu et nommé chef de la division de Gaza.

Son prédécesseur, le général de brigade Avi Rosenfeld, avait démissionné parce qu’il n’avait pas réussi à empêcher l’offensive du 7 octobre 2023.

Comparant l’assaut à l’offensive surprise d’octobre 1973 lancée par l’Égypte pour reconquérir les territoires occupés par Israël, une source de haut niveau qui se trouvait ce jour-là dans le quartier général militaire de la « Fosse », situé sous Tel-Aviv, a rappelé à Bergman et Zitun les paroles suivantes qui ont été prononcées.

« C’est inimaginable. C’est comme la vieille ville de Jérusalem pendant la guerre d’indépendance ou les avant-postes le long du canal de Suez pendant la guerre du Kippour. Nous pensions que cela ne pourrait jamais se reproduire ».

« Cela restera à jamais une cicatrice gravée dans notre chair.

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À propos de l'auteur Le Cri des Peuples

« La voix des peuples et de la Résistance, sans le filtre des médias dominants. »[Le Cri des Peuples traduit en Français de nombreux articles de différentes sources, principalement sur la situation géopolitique du Moyen-Orient. C'est une source incontournable pour comprendre ce qui se passe réellement en Palestine, en Syrie, en Irak, en Iran, ainsi qu'en géopolitique internationale.]

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