Écrit dans la prison de Fresnes à la Noël 1944
Qu’importe aux enfants du hasard,
Le verrou qu’on tire sur eux :
Noël n’est pas pour les veinards,
Noël est pour les malchanceux.
Voici la nuit : il n’est pas tard,
Mais la cloche tinte pour eux.Bon Noël des garçons en taule,
Noël des durs et des filous,
Ceux dont la vie ne fut pas drôle,
La fille que bat le marlou,
Le gars qui suivait mal l’école,
Ils te connaissent comme nous.Noël derrière les barreaux,
Noël sans arbre et sans bonhomme,
Noël sans feu et sans cadeau,
C’est celui des lieux où nous sommes,
Où d’autres ont joué leur peau,
Sur la paille dormi leur somme.Je t’adopte, Noël d’ici,
Bon Noël des mauvaises passes :
Tu es le Noël des proscrits,
De ceux qui rient dans les disgrâces,
Des pauvres bougres qu’on trahit,
Et des enfants de bonne race.Nous savons qu’au dehors, ce soir,
Les amis et les cœurs fidèles,
Les enfants ouvrant dans le noir,
Malgré le sommeil, leurs prunelles,
Évoquent l’heure du revoir
Et tendent leurs mains fraternelles.Et pour revoir, gens du dehors,
Le vrai Noël de nos enfances,
Il suffit de fermer encore
Nos yeux sur l’ombre de l’absence,
Pour dissiper le mauvais sort
Et faire flamber l’espérance.
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