Il y a un peu plus d’un an TES Canada, filiale de la multinationale belge TES, annonçait un projet de production d’hydrogène vert combinant hydro-électricité, énergie éolienne et solaire. Pour rendre le projet acceptable socialement les promoteurs insistent sur le fait qu’il s’agit d’un investissement exclusivement privé de $4 milliards. On s’aperçoit vite du contraire.
Un bloc de 150 MW à bas prix provenant de notre richesse collective ferait l’envie de beaucoup d’entreprises d’ici, assorti de généreux crédits d’impôt fédéral et provincial, de crédits carbones, d’avantages fiscaux et autres mesures offertes aux grandes entreprises.
D’autres fonds publics (Banque du Canada, Investissement Québec, Caisse de dépôt et placement du Québec (CPDQ)) pourraient éventuellement contribuer au projet. La présence de l’ex-président de la CPDQ parmi les membres de la direction de TES Canada s’avère heureuse pour une firme à la recherche d’investissements publics. Hydro-Québec va-t-il fournir encore plus de MW si l’usine énergivore vient à manquer d’énergie? Aucun projet de production d’hydrogène sur la planète ne verrait le jour sans un investissement massif de fonds publics.
Très tôt également le projet a semé des doutes dans la communauté scientifique quant à sa pertinence et à son efficacité. Existe-t-il un réel besoin de produire ce genre de gaz (méthane) au Québec? Les experts parlent d’un procédé compliqué, inefficace, énergivore et coûteux. L’utilisation d’un tel gaz pour chauffer les bâtiments ou déplacer le trafic lourd exigerait de trois à dix fois plus d’électricité que l’électrification directe. Au moment où notre hydro-électricité est de plus en plus sollicitée et nos barrages à leur plus bas niveau un tel gaspillage d’énergie fait-t-il du sens?
TES veut implanter un méga projet éolien de 800 MW pour ses besoins en énergie, mais prévoit en vendre une partie à Hydro-Québec pendant les froids d’hiver. À quel prix? Depuis 25 ans Hydro-Québec achète de l’énergie éolienne à des firmes privées, mais toujours à perte, comme pour l’hydrogène aucun promoteur éolien ne survivrait sans perfusion de fonds publics. De sorte que les consommateurs québécois vont financer la production éolienne et la production d’hydrogène de TES soit par des hausses tarifaires et/ou par une baisse des dividendes au Trésor public. Nous sommes en présence d’un double scandale financier.
Outre les surcoûts anticipés du projet de TES, la majorité des projets éoliens en milieu habité rencontrent une forte opposition créant dans les communautés une division sociale qui impacte sévèrement voisins, familles, amis, commerces, organismes, élus, agriculteurs; tous s’affrontent dans un climat anxiogène et délétère.
D’un milieu rural paisible, les riverains qui se sont fait enfoncés dans la gorge un projet dont ils ne voulaient pas se retrouvent soudainement en zone industrielle. Désabusés, ils font le bilan de leurs pertes : leurs paysages patrimoniaux, leur quiétude, le patrimoine familial amputé, des liens sociaux brisés et la perte de confiance dans le processus démocratique.
M. Fitzgibbon, ex-ministre de l’Économie et de l’Énergie a qualifié le projet Mauricie de « magique ». En effet ce projet a tout d’une illusion, d’un tour de passe-passe orchestré par des professionnels de détournement légal de fonds publics. Comment expliquer la « disparition » comme par magie de cet âpre défenseur du projet? Pourquoi l’accès aux élus, députés et ministres, est-il devenu si difficile pour les citoyens qui réclament des réponses? M. Éric Gauthier, directeur-général de TES dit vouloir éduquer la population, mais pour l’instant c’est la société civile qui joue le rôle d’éducateur dans ce dossier.
TES Canada a promis un projet entièrement privé, c’est faux; il a promis l’acceptabilité sociale, il s’en éloigne de plus en plus. Il promet maintenant des retombées économiques de 5,6 milliards $ qui sont, en fait, le montant des dépenses qui seraient épongées principalement par les contribuables par, nous l’avons vu, une palette impressionnante de subventions et crédits de toutes sortes.
À l’instar de Total Énergies, 4e plus grosse firme énergétique au monde qui, pour des raisons de technologie mal adaptée, a abandonné son méga projet pilote d’hydrogène vert dans le sud de la France, TES doit également abandonner son projet Mauricie qui présente les mêmes faiblesses.* Le projet Mauricie a tout d’un éléphant blanc: un méga projet d’infrastructures qui s’avère plus coûteux que bénéfique et dont l’exploitation devient un fardeau financier.
Il subsiste encore aujourd’hui au Québec ce relent historique qui fait en sorte qu’on laisse des gens pour qui le profit est le motif principal décider de ce qui est bon pour nous.
Le projet Mauricie de TES est un plan affairiste qui gaspille nos précieuses ressources énergétiques et financières au détriment de la sobre transition énergétique recherchée.
Au nom de l’intérêt public ce projet doit être abandonné rapidement afin de limiter les dégâts. Les citoyens de la Mauricie ont hâte de retrouver leur quiétude, leurs familles et leurs amis tout en restant ouverts à des projets rassembleurs.
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