Cyclone Chido à Mayotte, des défaillances de l’État à tous les étages par Alexandra CHAIGNON

Cyclone Chido à Mayotte, des défaillances de l’État à tous les étages par Alexandra CHAIGNON

“ Mayotte, c’est le résultat, en tant qu’entité départementale, d’une décolonisation que l’on a mise en échec. (…) Cette réalité multiséculaire qui relève d’une communauté de langue, de religion, du côté ethnique ou historique vient donner à la notion de « sol » une signification totalement différente. (…) Le sol mahorais, c’est avant tout et d’abord un sol comorien. ”

Bertand Badie, professeur émérite à l’Université Sciences Po.

Face au cyclone d’une extrême violence qui a dévasté l’archipel de Mayotte, Agnès Pannier-Runacher, ministre démissionnaire de la Transition écologique, a assuré sur X que le gouvernement est « 100 % mobilisé pour les Mahorais ». Alors que son collègue de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est attendu ce lundi sur place, en compagnie de son homologue des Outre-mer, des renforts de militaires ont également été annoncés.

C’est le minimum attendu d’un gouvernement. Sauf que, si l’État avait réellement pris ses responsabilités vis-à-vis du 101e département français, le plus pauvre de France, en proie à une situation catastrophique tant dans les domaines de la sécurité que de la santé, la justice ou l’école, les conséquences du cyclone Chido auraient sans doute été moindres.

Des habitants qui se sentent abandonnés

Les habitants l’ont dit et redit à de maintes reprises ces dernières années : ils se sentent abandonnés et secourus uniquement lorsque leur vie en dépend. C’est d’ailleurs le sens du rapport rédigé par l’inspection générale de six ministères (Intérieur, Justice, Affaires sociales, Finances, Éducation nationale et Affaires étrangères), révélé par Mediapart en mars 2023, alors que celui-ci était dissimulé par le gouvernement depuis janvier 2022.

« C’est une sorte de faillite généralisée des administrations publiques, notamment de l’État qui n’arrive pas à endiguer les multiples crises qui secouent l’archipel depuis longtemps », résumait l’auteur de l’article, Fabrice Arfi.

Comme l’écrit pudiquement l’Insee, Mayotte présente « des caractéristiques démographiques et sanitaires hors normes au regard des standards métropolitains » : 77 % de la population y vit en dessous du seuil de pauvreté, soit cinq fois plus qu’en France métropolitaine.

Selon les derniers chiffres de l’Insee, le niveau de vie médian des habitants est sept fois plus faible qu’au niveau national : en 2018, la moitié de la population avait un niveau de vie inférieur à 3 140 euros par an. Et seules 30 % des personnes en âge de travailler ont un emploi. L’environnement y est également particulièrement dégradé avec une forte proportion d’habitat insalubre et un non-accès récurrent à l’eau courante.

« 6 000 à 10 000 enfants non scolarisés »

Le système de santé y est exsangue et, dans une île où près de la moitié des habitants a moins de 18 ans, les établissements scolaires sont saturés. « Un déficit de 1 200 classes à ce jour ; 55 % des élèves, en système d’enseignement en rotation, ne disposent que de deux jours d’enseignement par semaine », a rappelé, le 20 novembre dernier, le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), citant les « 6 000 à 10 000 enfants non scolarisés ».

« L’école est notre priorité nationale, il ne faut laisser personne au bord de la route, y compris nos jeunes Mahorais », a répondu Anne Genetet, la ministre de l’Éducation nationale, assurant que 138 millions d’euros seront débloqués dès 2025 pour construire de nouveaux bâtiments.

Des promesses auxquelles ne croient plus guère les principaux intéressés. « À Mayotte, il existe une expression en shimaoré pour désigner l’aspect » bricolé » et dérogatoire de l’action publique sur le territoire : on parle de l’État » magnégné ». (…) (Cela) désigne les nombreuses écoles construites par l’État en préfabriqués, signe d’un provisoire qui souvent dure à Mayotte, les routes bosselées, mais aussi la réglementation et le droit dérogatoire qui s’appliquent sur ce territoire. En bref, (cela) cristallise la critique d’un État » bricolé », qui ne serait pas le même qu’en métropole », analyse Clémentine Lehuger, docteure en science politique, dans un article de The Conversation.

Et de conclure : « La grille de lecture qui fait de l’immigration la clé de voûte de toutes les difficultés du territoire s’est largement imposée, alimentée par les services de l’État, occultant au passage les problèmes de sous-administration et de manque d’investissement en faveur du développement de Mayotte. »

»» https://www.humanite.fr/monde/cyclo…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

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