Il y a quelque chose d’assez troublant dans le compte-rendu journalistique des manifestations du vendredi 22 novembre autour du Palais des congrès où se tenait l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Ignorant la contestation du rôle de l’OTAN dans la guerre à Gaza, une grande part des politiciens canadiens ont dénoncé la violence et l’« antisémitisme ». Une porte-parole du SPVM s’est dissociée de la seconde partie de l’énoncé en expliquant qu’il n’y avait pas eu d’actes antisémites. Qui faut-il croire?
Dans les deux heures qui ont suivi les manifestations, les ministres fédéraux Mélanie Joly et Bill Blair, de même que Justin Trudeau et François Legault y ont décelé, en plus de la violence, de l’« antisémitisme ». Pierre Poilièvre a voulu marquer les esprits et effrayer la population en parlant « d’une occupation violente de nos rues par le Hamas.[1] »
Cependant [aucun acte antisémite n’a été rapporté en lien avec les événements, selon le SPVM. « On en a déjà vu des manifestations contre l’OTAN, et ce n’était pas des manifestations antisémites », a ajouté Caroline Chèvrefils, porte-parole du SPVM.[2]]
Le directeur du SPVM, Fady Dagher, a expliqué le lundi suivant à la radio sa version des faits en affirmant qu’en lien avec le conflit, depuis l’an dernier, il y a eu presque 500 manifestations pacifiques dans la ville. « Il faut faire attention, ce n’est pas ce qui se passe à Montréal, c’est ce qui s’est passé à un endroit pendant 5 minutes, c’est très différent […][3] »
Depuis un an maintenant, les critiques envers Israël sont souvent déformées. Nos médias n’aident pas toujours à démêler la situation. Ils oublient de rappeler que nombre de citoyens d’origine juive d’ici, aussi bien que ceux des États-Unis ou d’Europe, refusent de donner leur aval à ce gouvernement Néthanyaou qui est contesté à l’intérieur même d’Israël. Au contraire, ils condamnent fermement le génocide en cours à Gaza et la violence déchaînée des colons israéliens en Cisjordanie.
Un exemple parmi d’autres, le sénateur du Vermont, Bernie Sanders a présenté au Sénat, le mercredi 20 novembre, plusieurs résolutions condamnant l’aide américaine à Israël. Il a rappelé deux choses. La première est que « la majeure partie de ce qui se passe est faite avec des armes américaines et avec le soutien des contribuables américains ». La seconde : « Les États-Unis sont complices de ces atrocités. Cette complicité doit cesser et c’est l’objet de ces résolutions.[4] »
En France, des intellectuels juifs, comme Sylvain Cypel ou Michèle Sibony interviennent sur les tribunes pour s’opposer au sionisme et à ses conséquences désastreuses sur la population palestinienne. Ici même au Québec, Fabienne Présentey, de Voix juives indépendantes ou encore Bruce Katz, de PAJU tiennent un discours antisioniste qu’on ne pourrait bêtement pas qualifier d’antisémite. En Israël même, des intellectuels comme les historiens Shlomo Sand et Amos Goldberg condamnent la guerre actuelle à Gaza. Toutes ces personnalités et bien d’autres revendiquent des actions de leurs gouvernements respectifs pour que cesse immédiatement le massacre en Palestine.
Le jeudi 21 novembre, la Cour pénale internationale a lancé deux mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien et contre son ancien ministre de la défense Yoav Gallant. Est-ce que le Canada arrêterait Benjamin Néthanyaou s’il se présentait sur son territoire? La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly déclarait ce qui suit le soir même à Radio-Canada: « Ce que les Canadiens doivent savoir, c’est que le Canada est signataire du traité qui a fondé le tribunal pénal international [sic]. [Il] va respecter ses obligations parce que l’on prend ces obligations très au sérieux.[5] » Le même jour, fidèle à lui-même, la réaction du Premier ministre israélien fut de qualifier la cour pénale d’« antisémite ».
Il faudrait dès à présent tenter de donner un meilleur éclairage sur ce conflit dont il est impossible de prévoir la fin. Il faudrait que nos politiciens cessent d’alimenter la confusion en fustigeant toute opposition à cette guerre en la qualifiant d’« antisémite».
De l’antisémitisme véritable existe au Canada et au Québec depuis des lustres. Le fait de tout mélanger – juifs et Israéliens ou antisioniste et antisémitisme – n’aide en rien à lutter contre ce fléau. Au contraire. Condamner la violence des manifestations de vendredi soir dernier en les qualifiant de gestes « antisémites » n’a pour but que de discréditer toute critique à l’égard de l’OTAN dans ce cas précis, ou plus généralement, à l’égard d’Israël et on arrive à penser que ce ne sont là que de fausses nouvelles (fake news).
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