Aller au-delà du nucléaire
Le 21 novembre 2024, la Russie a testé son nouveau système de missiles à portée intermédiaire, baptisé « Oreshnik » par ses concepteurs. Elle en avait le droit depuis que Donald Trump s’est retiré unilatéralement du traité sur les missiles à portée intermédiaire en Europe (INF), mais n’avait pas fait usage de ce droit jusqu’à présent. La position de la Russie était qu’elle ne violerait pas le traité INF tant que les États-Unis ne le feraient pas, ce que ces derniers ont fait récemment en installant leur Aegis Ashore en Pologne, qui est un système de défense aérienne et, en tant que tel, totalement obsolète et inutile, mais qui peut également tirer des missiles de croisière Tomahawk offensifs.
Les médias occidentaux ont rapporté la frappe d’Oreshnik comme une attaque contre la ville de Dnipro, qui est en fait Dniepropetrovsk. Elle a été fondée en 1776 sur ordre du prince Potemkine et devait devenir la troisième capitale méridionale de l’Empire russe, après Saint-Pétersbourg et Moscou. Initialement nommée Yekaterinoslav, en l’honneur de la Grande Catherine, elle a été rebaptisée Dniepropetrovsk par les bolcheviks en 1926. La frappe d’Oreshnik n’a pas touché cette ville. C’était une infox.
La frappe d’Oreshnik concernait une usine de la taille d’une ville, appelée Yuzhmash, située près de la ville de Dniepropetrovsk. L’usine était si grande qu’elle disposait de son propre système de transport. Elle fabriquait des ICBMs à l’époque soviétique. À son apogée, elle en produisait 100 par an, soit un tous les trois jours. Sous la direction de l’Ukraine, l’usine a dépéri et, bien que certaines sociétés de défense américaines se soient intéressées à elle et y aient même investi des fonds, ceux-ci ont probablement été volés, comme tout ce qui se passe en Ukraine ces jours-ci.
L’Oreshnik est un nouveau système, développé au cours des dernières années et testé pour la première fois lors de cette frappe sur Yuzhmash, qu’il a réduit en miettes et même pulvérisé. L’Oreshnik est une fusée non nucléaire à combustible solide dotée de six véhicules de rentrée hypersoniques. Lors de la rentrée, les six projectiles manœuvrent violemment et accélèrent jusqu’à Mach 10, ce qui les rend impossibles à intercepter, quelle que soit la technologie existante ou envisagée. Très précise, elle a une force de frappe équivalente à son poids en TNT et la concentre sur une petite zone. Son rayon d’action comprend toute l’Europe, y compris le Royaume-Uni, et, s’il est lancé depuis l’Extrême-Orient russe, le Japon, la Corée du Sud et la majeure partie de l’Alaska.
Il s’agissait du premier essai du système et le fait qu’ils aient utilisé une cible réelle au lieu d’une cible d’essai montre le niveau de confiance de ses concepteurs. Il s’agit également du premier d’une série de systèmes de ce type en préparation, avec des caractéristiques techniques différentes. L’objectif est évidemment de pouvoir effectuer des frappes stratégiques en utilisant des moyens non nucléaires et avec une portée mondiale, et de le faire avec la certitude totale qu’aucun système de défense aérienne ne pourra les affecter de quelque manière que ce soit.
L’utilisation d’Oreshnik a coïncidé avec l’utilisation de missiles ATACMS et Storm Shadow contre le territoire russe. Il est important de noter que, bien que lancés depuis le territoire ukrainien, ces systèmes doivent être opérés par du personnel de l’OTAN, ce qui implique que les États-Unis et le Royaume-Uni sont désormais en guerre contre la Russie. Pour ne rien arranger, les administrations Biden et Starmer ont donné l’autorisation d’utiliser ces missiles contre le « territoire russe », bien que ce qu’elles entendent par « territoire russe »diffère de ce que définit la constitution russe : selon ces puissances de l’OTAN, Lougansk, Donetsk, Zaporozhye, Kherson et la Crimée ne sont pas des territoires russes, mais Koursk et Belgorod le sont. Il s’agit toutefois d’une distinction sans différence.
Les attaques de missiles autorisées par Biden et Starmer ont été presque sans conséquence, car les systèmes de défense aérienne russes peuvent les abattre assez facilement, et c’est ce qu’ils font. Ainsi, en termes d’objectifs militaires, qu’ils soient tactiques ou stratégiques, ces fusées ne sont qu’une perte de temps et d’argent.
Toutefois, elles constituent un casus belli utile du point de vue russe, donnant à la Russie un droit légal de riposte qui ne sera pas considéré comme un acte d’agression non provoquée par la majorité mondiale (qui se trouve être du côté de la Russie et souhaite que la Russie gagne).
Il semble que la Russie ait désormais tout ce qu’elle peut désirer :
- Tout ce qui reste de l’ancienne Ukraine comme champ de tir pour tester ses nouveaux systèmes de fusées hypersoniques
- Une arme contre laquelle l’OTAN ne peut rien faire et qui peut atteindre toute l’Europe, y compris le Royaume-Uni, ainsi que l’Alaska, où les États-Unis disposent de nombreux moyens militaires.
- Un casus belli sous la forme d’attaques de missiles ATACMS et Storm Shadow sur le territoire russe internationalement reconnu, qui lui donne le droit légal de contre-attaquer
- Un moyen de poursuivre ses objectifs tactiques et stratégiques sans escalade nucléaire, puisque l’Oreshnik est une arme conventionnelle.
La Russie n’a en réalité qu’un seul objectif stratégique : mettre les États-Unis et l’OTAN hors d’état de nuire afin qu’ils ne puissent plus constituer une menace pour la sécurité de la Fédération de Russie et de ses alliés. L’Oreshnik peut-il être utilisé pour neutraliser les États-Unis, et quel serait le moyen le plus efficace d’y parvenir ?
Le 26 Novembre 2024, Club Orlov – Traduction du ‘Sakerfrancophone’
Note du Saker Francophone
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