Le 2 octobre 2024, Maxime Vivas révèle que son livre « Ouïghours, pour en finir avec les fake news » a été critiqué notamment par Pierre-Marie Meunier travaillant pour le portail ENDERI (ENtreprise, DÉfense & Relations internationales). (1) Pour que nous en ayons le cœur net, Maxime Vivas nous donne la référence de ladite note critique (2) qui appelle les commentaires suivants.
Le serpent se mord la queue
Cette note critique présente apparemment toutes les caractéristiques d’un travail académique irréprochable : elle est longue de 44 pages et ne comporte pas moins de … 225 notes de bas de page. Mais quand on creuse un peu, on y trouve une enfilade de propos malveillants, tendancieux ou carrément faux.
Meunier commence par s’en prendre à Sonia Bressler, l’éditrice de Maxime Vivas dont la maison La Route de la Soie – ô horreur ! – « contribue (…) à la diffusion, en France, de narrations positives sur la Chine (…) » (p. 3), comme s’il s’agissait là d’un crime rédhibitoire et que seules les narrations négatives contre la Chine méritaient d’être considérées comme sérieuses.
Toujours p. 3, dans son souci de critiquer le rapprochement fait par Maxime Vivas entre les fake news sur les Ouïghours et d’autres fake news célèbres, Meunier écrit : « C’est oublié (sic) un peu vite que la plupart des affaires citées par Maxime Vivas [Colin Powell, Timisoara, etc.] ont été rapidement démystifiées quelques heures ou quelques mois plus tard après l’événement (…) ». Mais n’est-ce pas précisément parce que les bobards sur le Xinjiang n’étaient pas encore démystifiés en 2020 – ils le sont de plus en plus aujourd’hui – que Maxime Vivas a écrit son livre ?
Derrière une apparente rigueur universitaire se cachent bien d’autres faiblesses.
Argument d’autorité et mauvaise foi
Meunier insiste sur le fait que Maxime Vivas « n’a pas (…) le statut de journaliste professionnel » (p. 4) et enfonce le clou, p. 42 : « Maxime Vivas n’est certes pas journaliste, mais ayant commencé par rappeler la Charte de Munich, il aurait pu s’inspirer de ses principes. » De manière déplaisante et méprisante, Meunier affirme, p. 33, que « (…) Maxime Vivas ânonne la communication chinoise (… ) » et il va jusqu’à l’accuser de « mauvaise foi » (p. 38).
« Dès lors, poursuit-il, p. 7, on comprend mal en quoi le point de vue d’Ursula Gauthier, journaliste reconnue, respectée et primée, (…) ne serait pas aussi recevable que le sien », comme si le statut de journaliste suffisait à garantir l’authenticité des informations : ça se saurait quand même ! Mais Meunier ne se contente pas de cet argument d’autorité ; il ajoute, p. 31, que « (…) rétrospectivement, sa lecture des événements a plutôt donné raison à Ursula Gauthier ». Il s’agit là d’une évidente contre-vérité, car plus personne aujourd’hui n’oserait, comme l’a fait la correspondante de L’Obs (3), escamoter la réalité d’une violence ouïghoure, une violence terroriste qui a rendu la répression nécessaire.
Selon Pierre-Marie Meunier, « Maxime Vivas prend cependant le risque d’un amalgame particulièrement douteux entre terroristes, syriens, ouïghours et tchétchènes » (p. 6), ajoutant même que « (…) la volonté des terroristes ouïghours de créer un État indépendant (…) reste à démonter (…) » (p. 7). Mais comment peut-on à ce point trahir la vérité ? Meunier peut-il ignorer que le programme du WUC (World Uyghur Congress) est précisément de transformer la Région autonome du Xinjiang en « Turkestan oriental » ?
Toujours sous sa plume, on peut lire, p. 6 : « Il est donc assez curieux de voir Maxime Vivas, militant de gauche, épouser ce qui ressemble à s’y méprendre à la rhétorique de l’extrême-droite française au sujet du terrorisme islamique (…) ». Une fois de plus, voilà la vieille injure « rouge-brun » que, faute d’argument, on persiste à coller à la personnalité de Maxime Vivas ! Mais ce fils de républicain espagnol en a vu d’autres…
Décidément inspiré, notre éminent politologue se permet même, p. 6, de poser cette question particulièrement indécente : « La Chine traite-t-elle mieux les Ouïghours qu’Israël les Palestiniens ? » Ce rapprochement constitue à la fois une injure à l’intelligence et une injure aux victimes palestiniennes.
Parti pris pro-américain
Voulant apparaitre comme un intellectuel au-dessus de la mêlée, Meunier écrit : « Rendons justice à Maxime Vivas, les liens financiers entre le WUC et la NED [New Endowment for Democracy] ne souffrent d’aucune ambiguïté (…), mais, poursuit-il, présenter ces liens comme une ‘révélation’ ou un scoop est nettement abusif » (p. 12). Est-ce si sûr ? Qui, avant les révélations de certaines personnalités, dont Vivas, avait jamais entendu parler du copinage entre le WUC (ayant des liens avec les sinistres Loups gris) et le NED (ayant des liens de filiation avec la non moins sinistre CIA) ? Qui avait même jamais entendu prononcer l’acronyme WUC et, même, qui connaissait, ne fût-ce que l’existence des Ouïghours, que Bernard Kouchner, en 2009, appelait « Yoghourts » ?
En bon atlantiste militant, Meunier accepte difficilement le fait que « Maxime Vivas met en avant (…) la puissance du soft power étasunien depuis la Seconde Guerre mondiale, pour expliquer la tentation occidentale de croire en premier lieu les médias occidentaux » (p. 8). Et il va se livrer à des contorsions intellectuelles pour tenter de minimiser l’étendue de notre dépendance de l’Oncle Sam : « Si collaborer avec les États-Unis dans le cadre des opérations de l’OTAN nous a parfois placés dans une situation de dépendance hiérarchique et opérationnelle par rapport aux forces étasuniennes (comme en Afghanistan), cela ne signifie pas pour autant que les armées françaises et la France de manière générale sont un vassal des États-Unis » (p. 9).
Avec de telles analyses en forme de vœu pieux mal exaucé, pas étonnant que Pierre-Marie Meunier essaie de nous convaincre de la prétendue indépendance de HRW (Human Rights Watch) dont il reconnaît pourtant « (…) la proximité avec le pouvoir EU (…) au point d’avoir poussé en 2014 un ancien prix Nobel de la paix, Adolfo Esquivel, et une centaine d’universitaires de renom, à publier une lettre demandant à HRW de lutter contre l’entrisme étasunien au sein de l’institution » (p. 10). Mais ça ne l’empêche pas, quelques lignes plus loin d’affirmer que « sur le fond cette charge contre l’IRW est somme toute légère », puisque « dans une interview, datant de 2017, le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth, a (…) indiqué : « HRW n’a jamais accepté l’argent des gouvernements (…) Nous ne dépendons que de fonds privés, très diversifiés » (p. 10 toujours). Circulez ; il n’y a rien à voir, puisque le chef l’a dit.
Et peu importe que la source privilégiée de HRW ne soit autre qu’Adrian Zenz, dont Maxime Vivas a l’audace de contester la crédibilité, notamment parce que ce missionnaire anticommuniste ne s’est rendu qu’une fois au Xinjiang, en 2007 en tant que touriste, et surtout parce que ses propos sont pour le moins contestables. Mais c’en est trop pour Meunier, qui se déchaîne : « Plus que le fond de l’étude [d’Adrian Zenz], Maxime Vivas se joint à la meute qui attaque la personne d’Adrian Zenz, et uniquement elle » (p. 19).
Maxime Vivas et sa « meute »
Maxime Vivas n’est donc pas un loup solitaire. Il fait partie d’une meute. Et dans cette meute, Meunier place prioritairement, p. 20, deux journalistes anglo-saxons : « Max Blumenthal, régulièrement accusé de verser dans le complotisme » ainsi qu’ « Ajit Singh qui, sur Twitter, se présente comme ‘journaliste d’investigation’, avec pour sujet d’intérêt ‘l’impérialisme de la nouvelle guerre froide de Washington contre la Chine’. »
Brève remarque à propos de Max Blumenthal : serait-ce du complotisme de mettre en doute, comme le fait ce journaliste étasunien, la responsabilité de Bachar el-Assad dans les attaques chimiques ou d’affirmer que Juan Guaidó est le produit d’une volonté étatsunienne de changer le régime vénézuélien ? On accuse souvent de complotisme le fait de n’être pas d’accord avec le courant mainstream ; c’est ainsi qu’à la page 9 sont également épinglés par Pierre-Marie Meunier : Christine Bierre (4), Michel Collon (5) et Bruno Guigue (6).
Quant à Ajit Singh, gageons que n’a pas dû plaire à Meunier l’article-choc du 5 mars 2020 publié par ce journaliste canadien, intitulé “ Inside the World Uyghur Congress : The US-backed right-wing regime-change network seeking the “fall of China”. ”
Question fondamentale : finalement ne serait-il pas plus honorable de figurer dans la « meute à Vivas » que de bêler comme le reste du troupeau ? Dans cette meute, Maxime Vivas est en bonne compagnie : on y trouve plusieurs dizaines de personnalités éminentes, comme, par exemple, (liste très loin d’être exhaustive, par ordre alphabétique) :
* BLEITRACH Danielle, sociologue française (7) ;
* de ZAYAS Alfred, expert américano-suisse du droit international et professeur émérite à l’Université de Princeton (8) ;
* FOWDY Tom, analyste britannique, diplômé des Universités de Durham et d’Oxford (9) ;
* ETTINGER Albert, chercheur luxembourgeois (10) ;
* HEBERER Thomas, professeur à l’Université de Duisburg-Essen (et SCHMIDT-GLINTZER Helwig, sinologue du China Centrum de Tübingen) (11) ;
* JAMES Jaq, juriste universitaire australienne ayant vécu et travaillé en Chine (12) ;
* MACKERRAS Colin, professeur émérite australien (13) ;
* O’HANLON Michael, chercheur étasunien à la Brookings Institution (14) * PARENTI Fabio Massimo, professeur à l’Istituto Lorenzo de Medici, coordinateur d’un rapport très fouillé de 38 pages (15) ;
* PERRY Graham, célèbre avocat des droits humains, britannique d’origine juive (16) ;
* SACHS Jeffrey, professeur à la Columbia University de New York et SCHABAS William, professeur à la Middlesex University de Londres (17) ;
* SUKRU GUZEL Mehmet, expert turc des droits de l’homme (18) ;
* WINTERBACH Theresa, journaliste, sur Adrian Zenz (son incompétence et son financement douteux) (19) ;
* QINER Wu (吳啟訥), universitaire taïwanaise, parlant la langue ouïghoure (20) ;
* etc., etc.
Prélèvement d’organes ou décérébration ?
Bizarre quand même que ces universitaires et ces témoins de provenance variée soient très loin de partager les accusations formulées par Zenz et consorts : incarcérations massives, persécution religieuse, génocide culturel, stérilisations forcées et même … prélèvement d’organes destiné à la vente !
Cette dernière accusation est particulièrement lourde ; Maxime Vivas la réfute, mais ça ne plaît pas à Meunier, qui écrit : « Pages 63 à 67, Maxime Vivas revient sur l’enquête du Journaliste Ethan Gutmann sur les prélèvements d’organes forcés en Chine, et sur des prisonniers de la communauté ouïghoure en particulier, au sujet d’un article paru dans Vice en juillet 2020. Maxime Vivas ne croit pas à cette histoire ; il en veut pour preuve de la duplicité d’Ethan Gutmann le fait que celui-ci a lancé son livre avec l’appui de la NED3 (pp. 16-17).
Pierre-Marie Meunier semble oublier que la conviction de Maxime Vivas ne vient pas seulement des accointances entre Gutmann et le NED. Il faut ici remonter à l’origine des accusations de prélèvements d’organes. C’est la secte Falun Gong qui aurait été victime de pareils traitements. De fil en aiguille, le champ de l’accusation, comme un virus, s’est étendu aux Ouïghours, grâce notamment à Sylvie Lasserre en France, avec ce piment particulier que remarquez les conditionnels « les Ouïghours ne consommant ni alcool ni porc, leurs organes seraient prisés par certains malades musulmans. Ils se vendraient trois fois plus cher » (21). Quel crédit accorder à cette accusation quand on sait que pour Sylvie Lasserre, « le but des Chinois est d’enfermer un tiers des Ouïghours dans des camps, d’en éliminer un autre tiers et de convertir le tiers restant » ? (22).
Au lieu de dénoncer de telles énormités, Meunier se lance dans une fuite en avant : « À aucun moment, tonne-t-il, Maxime Vivas ne prouve la fausseté des informations qu’il analyse : il affirme, assène, martèle, mais ne prouve rien » (p. 27).
Ben voyons !
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir