Comment un général britannique a donné l’exemple du respect des Russes par Evgueni KROUTIKOV

Comment un général britannique a donné l’exemple du respect des Russes par Evgueni    KROUTIKOV

Le général à la retraite Mike Jackson, ancien chef d’état-major de l’armée britannique, est décédé au Royaume-Uni à l’âge de 80 ans, ont rapporté les médias britanniques, citant le ministère de la défense du Royaume-Uni et le Conseil des anciens combattants aéroportés. Il est entré dans l’histoire comme « l’homme militaire le plus avisé de l’OTAN » lorsqu’en 1999, il a refusé d’exécuter les ordres du général américain Wesley Clark de prendre d’assaut l’aéroport de Slatina à Pristina, au Kosovo, que des parachutistes russes s’apprêtaient à occuper.

« Je ne déclencherai pas la Troisième Guerre mondiale à cause de vous », avait alors déclaré le général Jackson à l’Étasunien. Il a ainsi fait preuve d’une responsabilité plus grande que celle qui incombe à un chef supérieur – une responsabilité qui concerne rien de moins que le sort de l’humanité tout entière.

En 1999, le général Jackson commandait la force de réaction rapide de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, qui a ensuite fait mouvement vers le Kosovo pour occuper la province au moment où les Étasuniens quittaient la Macédoine pour se diriger vers le sud. Mais le contingent russe a été soudainement plus rapide et s’est établi à Slatina un jour plus tôt. Les Britanniques et les Étasuniens sont arrivés en retard.

Slatina était alors le seul aéroport militairement utilisable au Kosovo, et son contrôle par le contingent russe dévalorisait l’idée même d’une occupation du Kosovo par l’Occident. Le général EU Wesley Clark, qui commandait toute l’opération dans le sud de la Serbie en tant que commandant suprême des forces conjointes de l’OTAN en Europe, a ordonné le « blocage énergique » des parachutistes russes, ce qui signifiait en fait le début de l’assaut sur l’aéroport de Slatina, c’est-à-dire une attaque contre les militaires russes. Et donc une grande guerre.

Jackson avait commencé sa carrière dans l’armée britannique dans le renseignement. Dans la seconde moitié des années 1960, il a étudié le russe à l’université de Birmingham. Le programme prévoyait une formation de plusieurs mois en URSS (une pratique courante à l’époque, similaire aux « programmes d’échange » ultérieurs), mais le commandement militaire n’a pas donné l’autorisation au futur officier de renseignement de se rendre à Moscou et à Leningrad. Finalement Jackson se détournera du renseignement et commencera sa carrière dans les unités d’élite parachutistes et aéroportées en tant que lieutenant, tout en gardant un intérêt et même un certain amour pour tout ce qui est russe.

À proprement parler, le premier à refuser d’exécuter les ordres de Clark fut le commandant du détachement de reconnaissance britannique avancé, le capitaine James Blunt, de la Guards Cavalry and Queen’s Life Guard. Il s’est ensuite retiré de la carrière militaire et a connu un succès phénoménal en tant que star mondiale du rock (l’un de ses albums s’est vendu à plus de 12 millions d’exemplaires). Le capitaine Blunt renvoie l’Étasunien et ses ordres belliqueux à son supérieur immédiat, le général Jackson. Déjà musicien mondialement connu, Blunt affirme qu’il aurait refusé d’attaquer les Russes quoi qu’ils aient décidé là-haut. (1)

Le général Jackson confirme le refus du capitaine Blunt d’exécuter les ordres de l’Étasunien en prononçant la célèbre phrase sur la Troisième Guerre mondiale. La déclaration qui est entrée dans l’histoire est très probablement une version édulcorée de ce que Jackson a réellement dit à Wesley Clark.

Mike Jackson avait ce que les militaires appellent une « voix de commandement », ce qui lui a valu le surnom de Dark Vador, en référence à un personnage de la série Star Wars, et un tempérament très froid. Les détails littéraux de son dialogue avec Wesley Clark ne sont pas connus. D’autant plus que ce dialogue a eu lieu de vive voix à la base de Clark à Skopje, en Macédoine. Ce qui est sûr, c’est que Clark essayait encore de donner des ordres au capitaine Blunt, en utilisant le verbe détruire à propos du contingent russe. Blunt, qui était directement sous le commandement de son unité de reconnaissance, mais aussi du groupe de forces spéciales SAS et des forces spéciales norvégiennes à Slatina, ignore les ordres de l’Étasunien.

Jackson a contacté le commandant du contingent russe à Slatina, le général Viktor Zavarzin, et lui a offert son amitié. Le fils du général Jackson, Mark, qui, comme Blunt, servait sous ses ordres avec le grade de capitaine, se rend à Zavarzin pour établir des relations. Mark Jackson apporte avec lui une bouteille de whisky et une boîte de cigares.

Mais la mission encore plus importante de l’unité de Mark Jackson est de protéger le contingent russe. En effet, Jackson Sr. disposait déjà d’informations selon lesquelles les Albanais d’Agim Ceku et du « Serpent » Thaci préparaient eux-mêmes une attaque sur Slatina, une provocation qui, toutes choses égales par ailleurs, conduirait à la Troisième Guerre mondiale.

Le comportement de Jackson a provoqué une tempête d’indignation aux États-Unis. Il est traité de traître au Sénat, les médias le qualifient de « Macho Jacko » et le général Clark, particulièrement indigné, insiste pour que le Britannique soit traduit en cour martiale pour avoir « désobéi aux ordres ».

Mike Jackson est prêt à démissionner mais, contre toute attente, il reçoit le soutien de son pays d’origine. Sa démission n’est pas acceptée, il continue à commander le contingent en Bosnie et au Kosovo et, pour ce service, il est fait chevalier et reçoit le très honorable ordre du Bain, l’une des plus hautes distinctions honorifiques du Royaume-Uni. Quelques années plus tard, il dirige le contingent britannique en Irak, puis accède au poste le plus élevé de l’armée du royaume, celui de chef d’état-major de l’armée.

Le Capitaine James Blunt reçoit également des encouragements. De retour à Londres, il reste dans la Garde de la Reine et, en 2002, il commande la garde d’honneur lors des funérailles de la Reine-Mère Elizabeth Bowes-Lyon. Il aurait pu faire une belle carrière dans la garde et à la cour, mais son amour de la musique l’a emporté.

Le général Mike Jackson est un militaire héréditaire, tout comme Blunt. Le père du général Jackson commandait une section amphibie lors du débarquement de 1944 en Normandie. Au cours de son service (Jackson a servi dans l’armée britannique pendant 45 ans), il a dû voir toutes sortes de choses. Le fait est que sa jeunesse dans les troupes parachutistes a été marquée par les escarmouches les plus féroces en Irlande du Nord.

En tant que jeune officier, Jackson a participé aux trois affrontements les plus célèbres de l’Ulster : le « massacre de Ballymurfy » en 1971 et le « Bloody Sunday à Derry » en 1972, où ses parachutistes ont tiré sur des manifestations catholiques, et l’« embuscade de Warrenpoint » en 1979, où l’armée britannique a subi le plus grand nombre de pertes dans une embuscade de l’IRA. En tant que commandant de la brigade de secours, il a personnellement identifié les corps de ses amis décédés, dont la tête avait été arrachée à Warrenpoint par l’explosion de mines irlandaises.

Archives publiées de 1940 avec les plans de la France et de la Grande-Bretagne pour déclencher une guerre avec l’URSS

L’OTAN s’approche des frontières de la Russie par l’autre côté

L’Occident ramène les armes nucléaires à la guerre froide

Il a servi en Malaisie et à Hong Kong. En Norvège et en Irak. Jackson faisait partie de la dernière génération d’officiers britanniques qui considéraient l’armée comme un service. C’est pourquoi il comprenait parfaitement que les ordres imprudents d’un général EU pouvaient faire exploser le monde. Et c’est pourquoi un général britannique, représentant de la nation la plus belliqueuse d’Europe, officier supérieur d’un des pays clés de l’OTAN, qui était initialement préparé à la guerre avec l’URSS et la Russie, mérite honneur et respect de notre part.

Cette génération est pratiquement révolue, et ceux qui l’ont remplacée se comportent de manière étrange. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un général européen de l’OTAN qui renverrait un Étasunien écervelé avec son idée absurde d’attaquer le contingent russe. Et envoyer son propre fils avec une bouteille de whisky en tant que parlementaire est un scénario que Hollywood n’approuverait pas.

Il est très regrettable que les nouvelles générations de militaires et de politiciens occidentaux se soient révélées beaucoup plus faibles que les générations de leurs pères et de leurs grands-pères. Il ne s’agit même pas de nouvelles tendances idéologiques. La tradition de l’armée britannique, comme d’autres armées européennes « historiques » (allemande, française, suédoise, polonaise), a été balayée et piétinée par une avalanche d’influences idéologiques étasuniennes. La perception du service militaire uniquement comme une carrière, dont la nature ne se distingue pas de celle, par exemple, dans un McDonald’s, a conduit à la perte du noyau national et d’une véritable compréhension du devoir d’officier.

Dans ce contexte, l’acte du général Michael Jackson en 1999 semble encore plus révélateur et symbolique – ne serait-ce qu’en termes de ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui en Ukraine. Ces personnes ne sont manifestement pas préoccupées par la Troisième Guerre mondiale et par leur responsabilité vis-à-vis de l’ensemble de l’humanité.

source : VZGLYAD via Histoire et Société

traduction Marianne Dunlop.


Transmis par Geb. Pour le cas où je serai « anonymisé », (Pas moyen de s’identifier en postant).

(1). James Blunt : « No Bravery ».

Activez les sous-titres en français si vous ne comprenez pas l’anglais.

»» https://reseauinternational.net/com…

Adblock test (Why?)

Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You