Par Moon of Alabama – Le 10 octobre 2023
Il y a une grande croyance, colportée par les principaux médias, que l’administration Biden essaie de retenir les sionistes de mener leur action dévastatrice à Gaza, au Liban et au-delà, mais malheureusement n’y arrive pas. Certains commentateurs soutiennent que c’est le cas parce que le lobby israélien a une position très forte dans la politique américaine et peut diriger le gouvernement américain dans la direction de son choix.
Mon intuition est que c’est mettre la charrue avant les bœufs.
C’est en fait l’administration Biden qui utilise le gouvernement israélien (et ukrainien) pour servir ses objectifs de politique étrangère. Comme je l’ai déjà remarqué :
C’est le thème général d’une campagne médiatique depuis un certain temps. “Netanyahou fait tourner Biden en bourrique et le pauvre gars ne peut rien y faire.”
Je n’y crois pas. Un appel téléphonique de la Maison Blanche au Pentagone suspendrait les vols de ravitaillement des États-Unis vers Israël. Sans renouvellement constant de l’approvisionnement, l’Armée de l’air israélienne devrait arrêter ses campagnes de bombardement à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et au Yémen en quelques jours, voire en quelques heures.
Mais au lieu d’appeler le Pentagone, toute l’équipe chargé du Moyen-Orient entourant Biden, Antony Blinken, Brett McGurk et le soldat de Tsahal, Amos Hochstein, ont exhorté Israël à prolonger sa campagne.
Ils espèrent que, comme les néoconservateurs en 2006 sous l’administration Bush, les “douleurs de l’enfantement d’un nouveau Moyen-Orient” changeront à jamais la situation stratégique sur le terrain.
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La conclusion de ceci est que Netanyahou fait en grande partie exactement ce que l’administration Biden veut qu’il fasse.
Gilbert Doctorow, historien et journaliste bien connu, est du même avis :
Savoir si c’est le chien qui remue la queue ou vice versa
Certains téléspectateurs / lecteurs soutiennent mon affirmation selon laquelle les États-Unis utilisent Israël comme force proxy au Moyen-Orient et non seulement permettent, mais même dirigent, le déchaînement d’Israël dans la région pour “botter le cul” à tout le monde et renforcer la domination américaine là-bas, conformément à l’hégémonie mondiale américaine. Loin d’être indignés par les atrocités israéliennes, le gouvernement étasunien est satisfait de voir Israël se venger des nombreuses humiliations que les États-Unis ont subies au Moyen-Orient, plus récemment dans le retrait désordonné et honteux d’Afghanistan, mais remontant, disons à 40 ans, à la prise d’otages à l’ambassade américaine à Téhéran par la nouvelle direction révolutionnaire iranienne là-bas qui a renversé le Shah soutenu par les États-Unis.
D’autres membres de mon auditoire n’ont pas hésité à dire qu’ils pensaient que j’avais tort et qu’en effet le Premier ministre Netanyahu menait Joe Biden et compagnie par le bout du nez, ce qui se trouve être le point de vue consensuel des médias grand public.
La majeure partie de cette discussion n’est pas visible pour le grand public. Cependant, la chaîne “Judging Freedom” qui compte 450 000 abonnés et son animateur, le juge Andrew Napolitano, ont présenté ma proposition sur le chien (États-Unis) remuant la queue (Israël) à plusieurs de ses panélistes les plus connus dans les 24 heures suivant mon entretien avec lui. Certes, mon idée semblait si « contraire » qu’elle exigeait une réponse des esprits les plus puissants du camp des médias alternatifs. Ils ont répondu. À une exception près, les esprits les plus puissants ont méprisé mon interprétation de manière plus ou moins respectueuse.
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Le professeur John Mearsheimer et Larry Johnson sont deux des invités de l’émission de Napolitano qui ont rejeté la thèse de Doctorow.
Cependant, Doctorow et moi ne sommes pas les seuls à nous plonger dans cette énigme. Adam Tooze, professeur d’histoire à l’Université Columbia, un commentateur assez célèbre, nous a rejoint avec un commentaire dans le Guardian :
Confrontés à la guerre au Moyen-Orient et en Ukraine, les États-Unis semblent faibles. Mais est-ce juste une façade ?
Il y a une école de pensée disant que l’administration Biden fait ce qu’elle peut. Elle n’a pas de grand plan. Il lui manque la volonté ou les moyens de discipliner ou de diriger les Ukrainiens ou les Israéliens. En conséquence, elle est principalement axé sur la prévention d’une troisième guerre mondiale.
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Mais que se passe-t-il si cette interprétation est trop simple ? Si elle sous-estimait l’intentionnalité de la part de Washington ? Et si des personnalités clés de l’administration voyaient en fait cela comme un moment historique déterminant et une opportunité de remodeler l’équilibre du pouvoir mondial ? Et si ce à quoi nous assistons était le pivotement des États-Unis vers un révisionnisme délibéré et global au moyen d’une stratégie de tension ?
Les pouvoirs révisionnistes sont ceux qui veulent renverser l’état actuel des choses. Au sens large, cela peut aussi signifier un désir de modifier le flux des événements ; par exemple, pour réorienter ou arrêter le processus de mondialisation. Le révisionnisme est souvent associé au ressentiment ou à la nostalgie d’un âge plus précoce et meilleur.
Tooze se penche sur les diverses mesures prises par l’administration Biden contre la Russie, la Chine et au Moyen-Orient. Il conclut :
Dans les trois régions – la Chine, l’Ukraine et le Moyen-Orient – les États-Unis disent qu’ils réagissent à une agression. Mais plutôt que de travailler systématiquement pour un retour au statu quo, c’est en fait pour y augmenter les enjeux. Tout en insistant sur le fait qu’ils soutiennent l’ordre fondé sur des règles, nous assistons à quelque chose de plus proche d’une renaissance de l’ambition néoconservatrice ruineuse des années 1990 et 2000.
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Il se déroule ici plus qu’une simple embrouille. D’abord les présidences Trump et maintenant Biden sont des contributeurs volontaires à la démolition contrôlée de l’ordre de l’après-guerre froide des années 1990.
Les gens semblent avoir oublié que Biden n’a jamais été un libéral au sens progressiste. Depuis qu’il est étudiant de première année au Congrès, Biden a toujours été du côté conservateur des choses :
Alliances avec les Ségrégationnistes
1975 : M. Biden s’est joint au sénateur Jesse Helms, un Républicain ségrégationniste de Caroline du Nord, pour soutenir un amendement à un projet de loi sur les dépenses d’éducation. Lorsque l’amendement a échoué, M. Biden a rédigé une mesure plus étroite qui empêchait les écoles d’utiliser les dollars fédéraux pour affecter des enseignants ou des élèves par race. C’est passé, 50-43.
Dans une interview télévisée, M. Biden a qualifié ce projet de “concept stupide” et a déclaré qu’il était “arrivé au point où je pense que notre seul recours pour l’éliminer pourrait être un amendement constitutionnel.”
En 2002, Biden a été soutenu par les néoconservateurs lorsqu’il, en tant que président du Comité sénatorial des relations étrangères, a plaidé fébrilement pour le lancement de la guerre contre l’Irak:
Dans un discours prononcé quelques jours avant le vote de 2002 [sur la guerre en Irak], Bush a déclaré que l’approbation de la résolution “ne signifie pas qu’une action militaire est imminente ou inévitable”, mais il a également expliqué en détail pourquoi une action militaire “pourrait” être nécessaire. Et le jour où la guerre a éclaté, Biden a reconnu “ “Nous avons voté pour lui donner le pouvoir de mener cette guerre. Nous devrions prendre du recul et être solidaires.”
Lorsque l’administration Biden sème le chaos mondial comme elle le fait actuellement, elle agit selon une voie que Biden a longtemps privilégiée, avec l’intention de semer le chaos et non pas parce que telle ou telle puissance extérieure le pousse à le faire.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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