Conflit ferroviaire : déni des droits des travailleurs et travailleuses

Conflit ferroviaire : déni des droits des travailleurs et travailleuses

Les signataires de cette lettre sont des citoyens membres de la Commission Engagement et Foi du Mouvement des travailleuses et travailleurs chrétiens du Québec (MTCQ) :
Pierre Prud’homme, Louise Condrain, Marc Alarie, Serge Généreux et Denis Plante.

Les enjeux du conflit de travail dans le transport ferroviaire au pays dont nous sommes témoins depuis quelques semaines dépassent de beaucoup les seuls acteurs en présence : les deux plus grosses compagnies de chemin de fer au Canada, soit le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique Kansas City (CPKC), qu’on peut qualifier de monopoles, et leurs employés, représentés par le Syndicat des Teamsters du Canada.

Après des mois de négociations de plus en plus difficiles entre les parties, le 22 août dernier, les pourparlers furent interrompus, les activités des deux entreprises mises à l’arrêt et les 9300 ingénieurs, conducteurs et ouvriers de triage mis en lock-out.

Tout en reconnaissant que le processus de négociation relevait bien des deux entreprises et du syndicat, le ministre fédéral du Travail, M. Steven MacKinnon, devant l’impact de cet arrêt de travail au niveau de l’ensemble de l’activité économique du pays, a jugé bon de demander au Conseil canadien des relations industrielles d’imposer « un arbitrage définitif et exécutoire ».

Ce conflit, tel qu’il se dessine, nous inspire les questions suivantes :

Reconnaissance des droits des travailleurs?

Aux fins des négociations actuelles et futures, de quelle véritable « reconnaissance » de droits parle le ministre si, avant même l’application du droit de grève, les directions d’entreprises peuvent procéder au lock-out de leurs employés, sachant à l’avance qu’un organisme public tel que le Conseil canadien des relations industrielles pourra prendre une décision « définitive et exécutoire »?

Comment croire à des négociations sérieuses et de bonne foi de ces entreprises quand on les assure de pouvoir compter sur une instance extérieure qui prendra les décisions à leur place, suite à l’intimidation de leurs employés, par le recours à un lock-out?

Profits des entreprises

Le journal La Presse du 24 janvier 2024 nous apprenait que  la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a affiché mardi un bénéfice de 1,42 milliard $ pour son quatrième trimestre de 2023, en hausse par rapport à celui de 1,2 milliard $ de la même période un an plus tôt. Et pour les 6 premiers mois de 2024, le CPKC engrangeait plus de 7 milliards $ de surplus.

Avec de tels montants, la santé des entreprises n’est aucunement menacée. Il est légitime que les travailleurs-ses de ces entreprises revendiquent leur part de cette richesse collective qu’ils ont contribuée à créer.

Salaires des dirigeants

Le 25 mars dernier, le journal Les Affaires nous apprenait qu’en 2023, la rémunération totale de M. Keith Creel, président du CPKC, a augmenté de 38% pour atteindre 20,1 millions $. Cela représente plus de 300 fois le salaire annuel moyen des travailleurs québécois.

Quant à la rémunération totale de la présidente-directrice-générale du CN, Mme Tracy Robinson, elle totalisait, en février 2022, 14 millions $, soit plus de 200 fois le salaire annuel moyen des travailleurs québécois. Quelle doit-elle être en 2024?

La disproportion de l’écart des revenus entre ces dirigeants et les travailleurs et travailleuses est proprement choquante et révoltante et pose un sérieux problème éthique. Tout comme l’est cette capacité de la direction des entreprises de recourir au lock-out pour mettre leurs travailleurs en situation d’insécurité financière. Cela relève de l’indécence.

La prise en otage de l’activité économique du pays

Mais ce qui nous semble radicalement contre les intérêts de la population du Québec et du Canada, c’est cette capacité de ces deux entreprises de prendre en otage de multiples secteurs de l’activité économique du pays en mettant fin à leurs activités par un lock-out.

Comment, comme société, en est-on arrivé à donner de tels pouvoirs à des gestionnaires d’entreprises?

La responsabilité gouvernementale

Au cœur de ce conflit, la responsabilité gouvernementale est interpelée, entre autres, sur trois chantiers.

Il y a urgence de remettre en question la structure de gestion actuelle du transport ferroviaire qui donne le pouvoir à des entreprises de kidnapper et perturber l’activité économique du pays. Est-ce que le mandat du Conseil canadien des relations industrielles peut être élargi et faire l’étude de propositions en ce sens?

Le second a trait à une répartition inéquitable des richesses. Il y a urgence qu’on mette fin à la main mise d’une minorité sur une part indue de la richesse collective par une fiscalité plus juste et par une règlementation appropriée. Tout comme il y a un salaire minimum, il nous faut penser à une limite maximale de revenus.

Le dernier appelle une reconnaissance réelle et le respect du droit de négocier les conditions de travail, tel que promu dans le Code du travail du Canada.

Les signataires de cette lettre sont des citoyens membres de la Commission Engagement et Foi du Mouvement des travailleuses et travailleurs chrétiens du Québec (MTCQ) :

Pierre Prud’homme
Louise Condrain
Marc Alarie
Serge Généreux
Denis Plante

 

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