État des lieux d’une catastrophe annoncée
Les enquêtes savantes et le ressenti des acteurs de terrain convergent : jadis tenue pour l’un des meilleurs systèmes éducatifs du monde, l’Éducation nationale vit un naufrage ; non seulement les enseignants constatent une baisse vertigineuse de la motivation scolaire, une difficulté croissante à obtenir l’attention, voire le respect des élèves, une accumulation de réformes sabotant les contenus disciplinaires ; non seulement les professeurs refusent de plus en plus (hormis les carriéristes avides d’accompagner n’importe quelle lubie ministérielle pour « se faire bien voir ») un pédagogisme d’État qui est le contraire d’une pédagogie républicaine héritière d’Henri Wallon ou de Célestin Freinet, non seulement le niveau du bac plonge depuis la contre-réforme Blanquer arrimée à Parcours Sup, mais les « têtes de classe », souvent issues des milieux cadres, fuient l’enseignement public et font les choux gras d’un enseignement privé qui trie ses élèves et bénéficie des largesses des gouvernements successifs, de Jack Lang à Attal en passant par Bayrou, Allègre, Jospin, Fillon et Darcos sans parler de la désormais tristement célèbre « Marie-Antoinette » Oudéa-Castéra.
Le déni confortable des directions syndicales euro-compatibles
À la lecture de ces lignes, nombre de dirigeants syndicaux de l’enseignement et autres militants de la “gauche” politique établie ne manqueront pas de prétendre que les auteurs de ce constat rejoignent la droite. C’est stupide : d’une part les enseignants communistes que nous sommes n’ont pas de leçons de lutte contre la droite et l’extrême droite à recevoir ; cette lutte, d’essence anticapitaliste, anti-impérialiste et antifasciste, est notre lot quotidien, alors que depuis 2017 la gauche politico-syndicale euro-soumise n’a cessé de pactiser avec la Droite macroniste en votant pour elle, y compris tout récemment en votant pour Darmanin et sa xénophobie d’État sous couvert de battre un RN que les politiques macronistes n’ont cessé de promouvoir. C’est précisément ce déni de réalité pratiqué au long cours par la fausse gauche et par le syndicalisme rosâtre qui, en tous domaines, souveraineté française sacrifiée à l’UE supranationale, euro-privatisations, délocalisations industrielles, asphyxie du monde paysan et casse du « produire en France » sur l’autel de l’« économie de marché européenne ouverte sur le monde », désossage des services publics « à la française » prescrit par Maastricht, « autonomie » des établissements promouvant trop souvent des chefaillons jouant au PDG, remise en cause des savoirs enseignés au profit des idéologies à la mode (européisme obligatoire, privilège donné à l’anglais sur les autres langues, voire sur le français, anticommunisme obsédant des manuels d’histoire, substitution d’une mythologie européenne au « roman national français » de la IIIème République, destruction de l’enseignement philosophique, recul des exigences en maths…), qui fait le jeu de la droite : cette dernière n’a plus qu’à prendre appui sur ces constats douloureusement vécus par les citoyens pour promouvoir ses politiques visant à transformer l’EN en un ghetto sous-financé et réservé à la « plèbe » alors que, à l’anglo-saxonne, les « bonnes écoles » seraient réservées à la prétendue élite héritière du capital financier et culturel héréditairement transmissibles.
« Naufrage » ou sabordage en règle ?
Et il n’y a pas là un naufrage conjoncturel mais un sabordage en règle sous l’effet des politiques qu’appliquent depuis des décennies les euro-gouvernements successifs ; car tous, depuis le Traité de Maastricht de 1992, puis le viol par Sarkozy et Hollande du Non français à la constitution européenne (2007), n’ont rien fait d’autre que d’habiller de bleu-blanc-rouge les politiques d’euro-austérité sans fin, de course aux armements exigées par l’OTAN, d’euro-grignotage des États-nations souverains, de dé-protection sociale et de « baisse du coût du travail » pilotée par l’eurocratie dont les vrais inspirateurs sont à Berlin ou à Washington (d’où l’acharnement contre la Sécu et les retraites). Or ce « modèle européen » structurellement atlantiste et néolibéral heurte de front le cadre laïco-républicain hérité de la Révolution française, des lois laïques successives (1881 et 1905 notamment) et des réformes démocratiques portées par le Front populaire, les ministres communistes de la Libération, puis par Mai 68, dans la visée d’une Éducation nationale de qualité pour tous. À égale distance de l’élitisme scolaire et clérical cher à la droite, comme de la “démocratisation” au rabais teintée d’abaissement de la fonction enseignante chère aux ministres « socialistes » de Lang à Vallaud-Belkacem…
Redresser le cap par l’initiative communiste et les « quatre sorties »
Ne laissons pas l’Éducation nationale sombrer à jamais dans ce que Marx appelait « les eaux glacées du calcul égoïste » qui caractérisent cette société avide de profits qui saccage la planète et prépare une guerre continentale pour tenter de restaurer la branlante hégémonie du capitalisme étasunien, que ce soit sous l’égide de Trump ou de Harris. Ne laissons pas la pseudo-gauche belliciste de Glucksmann, d’accord sur le fond avec Macron pour marcher à la guerre généralisée derrière l’Oncle Sam, se partager le champ politique avec les fauteurs de guerre civile du Rassemblement lepéniste. Pour sauver ce que notre EN avait de plus émancipateur, il faut désormais une révolution populaire et démocratique dans notre pays : celle qui consisterait à sortir par la gauche de l’UE-OTAN par la voie des nationalisations démocratiques et d’une politique nouvelle préférant les salaires à la guerre et l’Éducation nationale à la marche vers la guerre mondiale. En un mot, rouvrons à notre pays la voie d’un socialisme-communisme de nouvelle génération !
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