DISCOURS DU PRÉSIDENT JOHN F. KENNEDY devant l’Association américaine des Éditeurs de presse – 27 avril 1961

DISCOURS DU PRÉSIDENT JOHN F. KENNEDY devant l’Association américaine des Éditeurs de presse – 27 avril 1961

Puisque l’actualité nous a fait parler récemment de Robert Fitzgerald Kennedy junior, neveu du président john Fitzgerald Kennedy et fils du procureur général Robert Francis Kennedy (tous deux assassinés en 1963 et 1968), j’ai revu un article sur John Kennedy que j’avais publié le 26 août 2022 :

Notre amie Jocelyne Chassard m’a signalé que cet article (importé du site Le media en 4-4-2) comportait deux erreurs historiques et que le discours de JFK n’était pas complet.

Elle nous propose aujourd’hui une nouvelle traduction de ce discours (lire ci-dessous) ainsi que, en pièce jointe et en PDF, le texte intégral en anglais et sa traduction en regard.

Demain, Profession Gendarme publiera son article où elle expliquera la date, le contexte et le sujet de ce discours : à 80 ans de distance, on peut y voir un parallèle avec la guerre que mènent les USA contre le Méchant Ours Russe sur le sol de l’Ukraine…

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DISCOURS DU PRÉSIDENT JOHN F. KENNEDY

devant l’Association américaine des Éditeurs de presse

Hôtel Waldorf-Astoria, New York City – 27 avril 1961

LA PRESSE ET LE PRÉSIDENT

(traduction de Jocelyne Chassard)

« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

J’apprécie beaucoup votre généreuse invitation à être ici ce soir.

Vous avez de lourdes responsabilités de nos jours et un article que j’ai lu il y a quelque temps m’a rappelé à quel point le poids des événements actuels pèse sur votre profession.

Vous vous souvenez peut-être qu’en 1851, le New York Herald Tribune, parrainé et publié par Horace Greeley, employait comme correspondant à Londres un obscur journaliste du nom de Karl Marx.

On nous dit que le correspondant à l’étranger Marx, fauché, avec une famille malade et sous-alimentée, réclamait constamment à Greeley et au rédacteur en chef Charles Dana une augmentation de son généreux salaire de 5 dollars par épisode, un salaire que lui et Engels ont ingratement qualifié de « tricherie petite-bourgeoise la plus minable ».

Mais lorsque toutes ses demandes financières ont été refusés, Marx a cherché d’autres moyens de subsistance et de renommée : il a finalement rompu sa relation avec la Tribune et a consacré ses talents à plein temps à la cause qui léguerait au monde les graines du léninisme, du stalinisme, de la révolution et de la guerre froide.

Si seulement ce journal capitaliste de New York l’avait traité avec plus de gentillesse, si seulement Marx était resté correspondant à l’étranger, l’histoire aurait pu être différente. Et j’espère que tous les éditeurs garderont cette leçon à l’esprit la prochaine fois qu’ils recevront d’un obscur et miséreux journaliste une demande d’augmentation de ses notes de frais.

J’ai choisi comme titre de mon intervention de ce soir « Le président et la presse ». Certains pourraient suggérer qu’il serait plus naturel de l’intituler « Le président contre la presse ». Mais ce n’est pas mon sentiment ce soir.

Il est vrai, cependant, que lorsqu’un diplomate bien connu d’un autre pays a récemment exigé que notre département d’État désavouât certaines attaques de presse contre son collègue, il n’a pas été nécessaire de répondre que cette Administration n’était pas responsable de la presse, car la presse avait déjà clairement fait savoir qu’elle n’était pas responsable de cette Administration.

Néanmoins, mon objectif ici ce soir n’est pas de lancer l’attaque habituelle contre la presse dite  »de parti unique ». Au contraire, ces derniers mois, j’ai rarement entendu de plaintes concernant le parti pris politique de la presse, sauf de la part de quelques Républicains. Mon but ce soir n’est pas non plus de discuter ou de défendre la télédiffusion des conférences de presse présidentielles. Je pense qu’il est très utile que quelque 20 millions d’Américains assistent régulièrement à ces conférences pour observer les qualités, si je puis dire, d’intelligence, de mordant et de courtoisie dont font preuve vos correspondants à Washington.

Enfin, ces remarques n’ont pas non plus pour but d’examiner si la presse respecte convenablement, comme elle le devrait, la vie privée de tout président et de sa famille. Si, au cours des derniers mois, vos reporters et photographes de la Maison Blanche ont assisté régulièrement à des services religieux, cela ne leur a certainement fait aucun mal.

D’un autre côté, je me rends compte que votre personnel et les photographes des agences de presse se plaignent peut-être de ne plus bénéficier, comme auparavant, des mêmes privilèges sur les terrains de golf locaux. Il est vrai que mon prédécesseur n’avait pas, comme moi, d’objection à ce qu’on photographiât ses talents de golfeur en action. Mais d’un autre côté, il n’a jamais non plus cogné un agent des services secrets.

Le sujet que je vais aborder ce soir est plus sobre et concerne aussi bien les éditeurs de presse que les rédacteurs.

Je veux parler de nos responsabilités communes face à un danger commun. Les événements de ces dernières semaines ont peut-être contribué à mettre en lumière ce défi pour certains ; mais les dimensions de cette menace se profilent à l’horizon depuis de nombreuses années. Quels que soient nos espoirs pour l’avenir – qu’il s’agisse de réduire cette menace ou de cohabiter – il n’est pas possible d’éluder ni la gravité ni l’amplitude du défi qu’elle représente pour notre survie et notre sécurité, un défi auquel nous sommes confrontés de manière inhabituelle dans toutes les sphères de l’activité humaine.

Ce défi mortel impose à notre société deux exigences qui concernent directement à la fois la Presse et le Président – deux exigences qui peuvent sembler presque contradictoires, mais qui doivent être conciliées et remplies si nous voulons faire face à ce péril national. Je me réfère, premièrement, à la nécessité d’une information publique beaucoup plus grande ; et, deuxièmement, à la nécessité d’un secret d’État beaucoup plus grand.

Le mot même de « secret » est répugnant dans une société libre et ouverte ; et nous-mêmes, en tant que peuple, nous sommes intrinsèquement et historiquement opposés aux sociétés secrètes, aux serments secrets et aux procédures secrètes. Nous avons décidé il y a longtemps que les dangers d’une dissimulation excessive et injustifiée de faits pertinents l’emportaient de loin sur les dangers invoqués pour légitimer cette dissimulation. Même de nos jours, il est peu utile de s’opposer à la menace d’une société fermée en imitant ses restrictions arbitraires. Même aujourd’hui, il est peu utile d’assurer la survie de notre nation si nos traditions ne survivent pas avec elle. Et il existe le très grave danger que, si on annonce avoir besoin d’une sécurité accrue, certains s’en emparent dans leur hâte d’étendre ce besoin jusqu’aux limites de la censure et de l’occultation officielles. Cela, je n’ai pas l’intention de le permettre dans la mesure où je peux le contrôler. Et aucun fonctionnaire de mon Administration, qu’il soit de haut ou de bas rang, civil ou militaire, ne devrait interpréter mes paroles ici ce soir comme une excuse pour censurer l’information, pour étouffer les divergences d’opinion, pour dissimuler nos erreurs ou pour cacher aux journalistes et au public les faits qu’ils méritent de connaître.

Mais je demande à chaque éditeur, à chaque rédacteur en chef et à chaque journaliste de la nation de réexaminer ses propres normes et de reconnaître la nature du péril que court notre pays. En temps de guerre, le gouvernement et la presse ont pris l’habitude de s’unir dans un effort basé en grande partie sur l’autodiscipline, afin d’empêcher des divulgations non autorisées à l’ennemi. En cas de « danger manifeste et actuel », les tribunaux ont jugé que même les droits privilégiés du premier amendement devaient céder le pas au besoin de sécurité nationale du public.

Aujourd’hui, aucune guerre n’a été déclarée – et aussi féroce que soit la lutte, elle ne sera peut-être jamais déclarée de manière traditionnelle. Notre mode de vie est attaqué. Ceux qui se font nos ennemis avancent dans le monde entier. La survie de nos amis est en danger. Et pourtant, aucune guerre n’a été déclarée, aucune frontière n’a été franchie par des troupes en marche, aucun missile n’a été tiré.

Si la presse attend une déclaration de guerre avant d’imposer l’autodiscipline des conditions de combat, alors je peux seulement dire qu’aucune guerre n’a jamais représenté une plus grande menace pour notre sécurité. Si vous attendez une déclaration officielle sur ce « danger manifeste et actuel », alors je peux seulement dire que le danger n’a jamais été aussi évident et que son actualité n’a jamais été aussi imminente.

Ce danger exige un changement de perspective, un changement de tactique, un changement de mission – pour le gouvernement, pour le peuple, pour chaque homme d’affaires ou dirigeant syndical et pour chaque journal. Car nous sommes confrontés dans le monde entier à une conspiration monolithique et impitoyable qui s’appuie principalement sur des moyens clandestins pour étendre sa sphère d’influence – sur l’infiltration au lieu de l’invasion, sur la subversion au lieu des élections, sur l’intimidation au lieu du libre choix, sur les guérillas de nuit au lieu des armées de jour. Il s’agit d’un système qui a mobilisé d’énormes ressources humaines et matérielles pour construire une machine très efficace, étroitement soudée, qui combine des opérations militaires, diplomatiques, de renseignement, économiques, scientifiques et politiques.

Ses préparatifs sont dissimulés et ne sont pas rendus publics. Ses erreurs sont enterrées et ne font pas la une. Ses dissidents sont réduits au silence et ne sont pas honorés. Aucune dépense n’est remise en question, aucune rumeur n’est imprimée, aucun secret n’est révélé. En bref, elle mène la guerre froide avec une discipline de guerre qu’aucune démocratie ne pourrait espérer souhaiter ou égaler.

Néanmoins, toute démocratie reconnaît les contraintes nécessaires à la sécurité nationale et la question est aujourd’hui : ces contraintes doivent-elles être plus strictement observées, si nous voulons nous opposer à ce type d’attaque autant qu’à une invasion pure et simple ?

Car voici les données du problème :

  • les ennemis de notre nation se sont ouvertement vantés d’obtenir par nos journaux des informations qu’ils devraient autrement obtenir en recrutant des agents pour voler, corrompre ou espionner ;
  • les détails des préparatifs secrets de notre nation pour contrer les opérations secrètes de l’ennemi ont été mis à la disposition de tous les lecteurs de journaux, amis et ennemis confondus ;
  • la taille, la force, l’emplacement et la nature de nos forces et de nos armes, ainsi que nos plans et notre stratégie pour les utiliser, ont tous été précisément exposés dans la presse et dans d’autres médias d’information à un degré suffisant pour satisfaire n’importe quelle puissance étrangère ;
  • dans un cas au moins, la publication de détails concernant un mécanisme secret permettant de suivre des satellites a nécessité sa modification au prix de temps et d’argent considérables.

Les journaux qui ont imprimé ces articles étaient loyaux, patriotiques, responsables et bien intentionnés. Si nous avions été engagés dans une guerre ouverte, ils n’auraient sans doute pas publié de tels papiers.

Mais en l’absence de guerre ouverte, ils n’ont reconnu que les critères du journalisme et non ceux de la sécurité nationale. Et ma question ce soir est de savoir si des critères supplémentaires ne devraient pas être adoptés maintenant.

C’est à vous seuls de répondre à cette question. Aucun agent officiel ne devrait y répondre à votre place. Aucun plan gouvernemental ne devrait imposer ses restrictions contre votre volonté. Mais je manquerais à mon devoir envers la nation, compte tenu de toutes les responsabilités qui sont les nôtres et de tous les moyens dont nous disposons pour les assumer, si je ne soumettais pas ce problème à votre attention et si je ne vous exhortais pas à y réfléchir attentivement.

En de nombreuses occasions, j’ai dit, et vos journaux l’ont constamment répété, que la période que nous vivons, fait appel au sens du sacrifice et à l’autodiscipline de chaque citoyen. Cette période demande à chaque citoyen de mettre en balance ses droits et son confort en face de ses obligations envers le bien commun. Je ne peux pas croire maintenant que les citoyens qui travaillent dans le secteur de la presse se considèrent comme exempts de cet appel.

Je n’ai pas l’intention de créer un nouveau Bureau d’Information de Guerre pour contrôler le flux des actualités. Je ne suggère aucune nouvelle forme de censure ni aucun nouveau type de classification de sécurité. Je n’ai pas de réponse facile au dilemme que j’ai posé, et je ne chercherais pas à l’imposer si j’en avais une. Mais je demande aux professionnels du journalisme et de l’industrie de ce pays de réexaminer leurs propres responsabilités, de considérer le degré et la nature du danger actuel, et de tenir compte du devoir de retenue que ce danger nous impose à tous.

Aujourd’hui, chaque journal se demande à propos de chaque article : « Est-ce une information ? » Tout ce que je suggère, c’est d’ajouter la question suivante : « Est-ce dans l’intérêt de la sécurité nationale ? » Et j’espère que tous les groupes en Amérique – syndicats, hommes d’affaires et fonctionnaires à tous les niveaux – se poseront cette question avant d’agir et soumettront leurs actions aux mêmes critères rigoureux.

Et si la presse américaine envisageait et recommandait de prendre volontairement de nouvelles mesures ou de nouveaux mécanismes spécifiques, je peux vous assurer que nous coopérerons de tout cœur avec ces recommandations.

Peut-être n’y aura-t-il pas de recommandations. Peut-être n’y a-t-il pas de réponse au dilemme auquel est confrontée une société libre et ouverte dans une guerre froide et secrète. En temps de paix, toute discussion sur ce sujet, et toute action qui en découle, sont à la fois douloureuses et sans précédent. Mais nous vivons une période de paix et de péril qui ne connaît pas de précédent dans l’histoire.

C’est la nature sans précédent de ce défi qui amène également votre deuxième obligation – une obligation que je partage. Il s’agit de notre obligation d’informer et d’alerter le peuple américain – de nous assurer qu’il possède tous les faits dont il a besoin et qu’il les comprend également : les périls, les perspectives, les objectifs de notre programme et les choix auxquels nous sommes confrontés.

Aucun président ne devrait craindre l’examen public de son programme. Car de cet examen découle la compréhension, et de cette compréhension découle le soutien ou l’opposition. Et les deux sont nécessaires. Je ne demande pas à vos journaux de soutenir le gouvernement, mais je sollicite votre aide dans l’immense tâche d’informer et d’alerter le peuple américain. Car j’ai une confiance totale dans la réponse et le dévouement de nos citoyens lorsqu’ils sont pleinement informés.

Non seulement je ne pourrais pas étouffer la controverse parmi vos lecteurs, mais je l’accueille favorablement.

Cette Administration a l’intention d’être franche à propos de ses erreurs ; car, comme l’a dit un homme sage : « Une erreur ne devient pas une faute tant que vous ne refusez pas de la corriger ». Nous avons l’intention d’accepter l’entière responsabilité de nos erreurs ; et nous attendons de vous que vous les signaliez lorsque nous manquons de les reconnaître.

Sans débat, sans critique, aucun gouvernement ni aucun pays ne peut réussir, et aucune république ne peut survivre. C’est pourquoi le législateur athénien Solon avait décrété qu’il était criminel pour tout citoyen de fuir la controverse. Et c’est pourquoi notre presse a été protégée par le Premier amendement – la seule activité en Amérique spécifiquement protégée par la Constitution : non dans le but principal d’amuser et de divertir, non pour faire ressortir le trivial et le sentimental, non pour simplement « donner au public ce qu’il veut », mais pour informer, pour éveiller, pour révéler, pour pointer nos dangers et nos opportunités, pour exposer nos crises et nos choix, pour diriger, pour modeler, pour éduquer et parfois même pour irriter l’opinion publique.

Cela signifie une plus grande couverture et une plus grande analyse de l’actualité internationale, car elle n’est plus lointaine et étrangère mais proche et locale. Pour cela nous devons être plus attentifs à améliorer la compréhension de l’actualité ainsi que la transmission des informations. Et enfin, cela signifie que le gouvernement, à tous les niveaux, doit remplir son obligation de vous fournir l’information la plus complète possible en dehors des plus étroites limites de la sécurité nationale, et nous avons l’intention de le faire.

Au début du XVIIe siècle, Francis Bacon a noté que trois inventions récentes transformaient déjà le monde : la boussole, la poudre à canon et la presse à imprimer. Aujourd’hui, les liens qui ont été forgés entre les nations par la boussole ont fait de nous tous des citoyens du monde, les espoirs et les menaces de l’un devenant les espoirs et les menaces de tous. Alors que ce monde global s’efforçait de vivre ensemble, l’évolution de la poudre à canon jusqu’à sa limite ultime a averti l’humanité des terribles conséquences d’un échec.

Et c’est donc vers la presse à imprimer – elle qui enregistre les exploits des hommes, qui garde leur conscience et transmet leurs nouvelles – que nous nous tournons pour trouver force et soutien, confiants qu’avec votre aide l’Homme sera ce qu’il est né pour être : libre et indépendant.

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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