Quand « Mimi » Raguenes racontait le siège de Brest et la Libération

Quand « Mimi » Raguenes racontait le siège de Brest et la Libération

[Brest sous les bombes #3] « Mimi » Raguenes, décédée en mars 2021, a vécu la Brest occupée et la Brest libérée. Un enregistrement retrouvé d’elle livre son précieux témoignage, qui anime le musée Mémoires 39-45 de la pointe Saint-Mathieu.

Avec le précieux témoignage de Mimi Raguenes, Aurélien Coquil a recréé l’ambiance d’un abri comme il pouvait y en avoir à Brest, sous les immeubles et les maisons. (Photo Le Télégramme/Romain Haillard)

Les personnes qui ont visité le musée Mémoires 39-45, près de la pointe Saint-Mathieu, à Plougonvelin, ont déjà entendu son témoignage. Marie Raguenes, ou « Mimi », a vécu la Libération. Elle est décédée en mars 2021, mais laisse derrière elle un puissant témoignage. Aurélien Coquil, l’un des deux frères fondateurs du musée, avait écouté et enregistré son récit pendant près de deux heures. Cet entretien fleuve avait servi à créer l’environnement de la simulation de bombardement du musée. Cet enregistrement nous a été confié, nous en retranscrivons le contenu.

Une croix de Lorraine cachée par le revers de sa veste

Pendant l’Occupation, Mimi avait 11 ans et habitait le quartier brestois de Recouvrance, rue Jean-Bart. Elle vit tantôt avec son oncle et sa tante, tantôt avec son père, revenu de la Grande Guerre à moitié sourd et gazé. Sa mère est décédée quand elle était petite. Quand elle raconte l’arrivée des soldats allemands dans sa rue, qu’elle a vus enlever le drapeau français de la caserne d’à côté pour mettre celui de l’Allemagne nazie, sa voix chevrote de nouveau, comme si c’était hier. Plus de soixante-quinze années se sont écoulées au moment où elle se livre. Pourtant, sa parole fourmille de petits détails, comme le souvenir de sa petite croix de Lorraine, qu’elle dissimulait derrière le revers de sa veste, quand elle marchait dans les rues de Brest. C’était son acte de résistance.

Et Mimi se souvient des bombardements. « Ça se passait souvent les week-ends et les jours de pleine lune ». Elle poursuit : « Quand nous entendions la sirène, on s’habillait en vitesse et on descendait à l’abri de Recouvrance, sous la place Joseph-Goez. L’abri était profond, il passait sous l’arsenal et débouchait sous la rue de Pontaniou ». Dans ces moments-là, la ville était plongée sous un épais voile de fumée. « Les Allemands diffusaient des fumigènes pour que les avions des Alliés ne voient pas la ville. On mettait un mouchoir sur notre bouche pour ne pas respirer ça ». Selon elle, ce brouillard de guerre était encore plus fréquent quand les deux cuirassés Scharnhorst et Gneisenau s’abritaient à la base navale, de 1941 à 1942.

Deux semaines, jour et nuit, dans un abri

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Veuillez fermer la vidéo flottante pour reprendre la lecture ici.

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« La vie continuait, il y a même des enfants qui naissaient dans les abris ! Et les jeunes n’ont pas conscience du danger, un garçon de notre bande avait même pris un accordéon dans l’abri », se souvient-elle, sûrement avec quelques notes en tête pour couvrir les sirènes. « Ça pouvait durer longtemps. Aussitôt l’alerte levée, les membres de la défense passive sortaient à la hâte pour déblayer et trouver d’éventuels blessés. Et quand on sortait de l’abri, on se demandait si la maison était toujours debout ». Un éclat avait endommagé le toit de l’appartement de son père, rue de Pontaniou. « Quand il pleuvait, on devait déménager le lit et il fallait mettre une bassine ».

Pendant le siège de Brest, elle a passé deux semaines, nuit et jour, dans le long tunnel-abri. « J’avais attrapé la furonculose, j’étais anémiée », décrit-elle avec distance. « Des wagons de munitions passaient, une corne sonnait, on devait replier les matelas pour les laisser passer ». Quand il l’a fallu, elle est sortie du tunnel pour regagner l’air libre. « Nous sommes partis sur les routes, par le pont de Plougastel, pour rejoindre Châteauneuf-du-Faou, où on avait de la famille. 80 km ! », s’exclame-t-elle, « Vous vous rendez compte ? C’était quelque chose ».

À lire sur le sujet Notre dossier : « Il y a 80 ans, le fer et le feu s’abattaient sur Brest… »

« C’était le pays de Cocagne ! Ici, à Brest, il n’y avait rien »

Mimi narre alors son périple : à se cacher sous le parapet du pont Albert-Louppe, tandis qu’un combat d’aviation fait rage au-dessus de sa tête ; trouver refuge pour dormir dans une grange puis dans le centre de formation des apprentis de l’arsenal, à Pont-de-Buis ; voir les cadavres de personnes fusillées alignés le long d’une église. « On a eu du pot ! », s’enthousiasme-t-elle, avant de se réfréner : « Oh, je parle vulgairement ! ». Puis l’arrivée, enfin : « Des paysans venaient nous chercher sur la route pour nous aider, et je me souviens des vitrines des boulangeries, où il y avait du bon pain et du lard, c’était le pays de Cocagne ! Ici, à Brest, il n’y avait rien ».

« Mimi » et son mari. Ils se sont rencontrés à la Libération, à la guinguette de Saint-Marc. C’était un premier mai, il lui avait offert du muguet, ils étaient rentrés à pied ensemble, par le port de commerce. Trois ans plus tard, ils se mariaient, également un 1er mai.
« Mimi » et son mari. Ils se sont rencontrés à la Libération, à la guinguette de Saint-Marc. C’était un premier mai, il lui avait offert du muguet, ils étaient rentrés à pied ensemble, par le port de commerce. Trois ans plus tard, ils se mariaient, également un 1er mai. (Photo famille Raguenes)

Mimi Raguenes revient à Brest à la fin du siège, à la fin du mois de septembre 1944. « Quand je suis revenue, on était obligés de passer par Lambé pour aller sur la rive droite, le pont de Recouvrance avait été détruit. Sur le chemin, tout le long de la route, il y avait des cadavres d’animaux… Pas d’humains, ils avaient déjà été enlevés ». De cette époque, il lui reste une photo d’elle et son mari, à 18 ans. Sur la photo, elle le bouffe du regard. Elle porte un chemisier confectionné en soie de toile de parachute. Des habits de débrouille, elle en avait un autre, plus osé. Un chemisier rouge en étamine, taillé dans un drapeau volé aux nazis.

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Source : Le Télégramme

Il y a quelques temps j’ai fait un montage vidéo sur ma ville de Brest détruite par les bombardements de la seconde guerre. Permettez moi de vous l’offrir ici :

Ronald

Ronald Guillaumont

Brest Détruit, Montage de Ronald

15 févr. 2023 La ville de Brest détruite par les bombardements de la seconde guerre mondiale. Musique de Denez Prigent, Lisa Gerrard « Gortoz A Ran » (From « Black Hawk Down »)

Source : Youtube

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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