Deux monstres sur Gaza. — Djamel LABIDI

Deux monstres sur Gaza. — Djamel LABIDI

Israël était en négociation avec le Hamas pour les otages. Israël tue le négociateur.

Il faudrait savoir si pareil acte a jamais existé dans l’histoire humaine ? Tuer le négociateur. Assassiner le représentant du Hamas, Ismail Haniyeh. On a atteint ici le sommet de l’immoralité. L’Occident, celui qui appuie Israël, est, par cet acte, revenu à des milliers d’années en arrière, à l’état de la plus profonde sauvagerie. Pire encore, car c’est un acte conscient de son immoralité. Comment va-t-on vivre avec un tel Occident ?

Pas une condamnation des dirigeants occidentaux. Pas même une réprobation. Pas même un soupçon d’indignation. Au contraire, le Congrès des Etats Unis ovationne debout Netanyahou.

Cela donne la mesure avec laquelle l’Occident considère les Arabes, les Noirs, les musulmans, les Asiatiques, les Mexicains, les latino-américains, bref tout ce qui n’est pas occidental.

Tout n’est que prétextes à tuer

Le point extrême a été atteint. On assassine celui-là même avec qui on discute du cessez le feu, on tue celui avec lequel on discute de l’arrêt de la tuerie, on tue celui-là même à qui on demande la libération des otages israéliens. Ces otages sont israéliens comme les assassins qui ont tué le chef du Hamas, chez son hôte iranien. C’est donc que tout n’est que prétextes. C’est donc qu’ils se fichent des otages, et de la vie humaine en général, sauf occidentale, même pas peut-être. Quelle meilleure démonstration que celle qu’ils donnent que les otages ne sont qu’un prétexte pour tuer toujours plus de Palestiniens, qu’éliminer le Hamas n’est qu’un prétexte, que tout n’est que prétextes, et que ce qui les intéresse c’est d’effacer le peuple de Gaza, le peuple palestinien tout entier.

Avec l’assassinat du négociateur lui-même, les Israéliens, les dirigeants étasuniens nous montrent que la notion de limites, qui fondent toute morale, leur est totalement étrangère. Ils vont jusqu’à exiger de l’Iran qu’elle ne réagisse pas, bref qu’elle accepte l’assassinat. Incroyable. L’Iran annonce qu’il va répliquer. De suite, Israël appelle à la rescousse le parrain. Les bateaux de guerre étasuniens croisent au large de l’Iran et des côtes du Liban et de Gaza. Et après les médias serviles s’émerveilleront de la puissance d’Israël, du Mossad et que sais-je ?

On peut s’attendre à tout

Peut-il y avoir une relation humaine, sociale, quelconque sans qu’il y au moins des repères communs, une chose qu’on sache que l’adversaire ne peut pas faire, un seuil qu’il ne peut franchir ? Avec les Etats-Unis, avec Israël, avec les dirigeants occidentaux qui les suivent, cela n’existe pas.

Qu’on prenne bien conscience de ce fait. Cela veut dire qu’on peut s’attendre à tout d’Israël et des dirigeants étasuniens. Tout. C’est terrible pour l’avenir prévisible. Cela veut dire qu’il n’y a plus rien en commun entre eux et l’humanité. L’Occident américanisé a atteint un point extrême de cynisme, de négation de toutes les valeurs humaines.

Il y a le grand monstre, et il y a son petit. Les Etats-Unis ont enfanté un monstre. Ils lui ont donné de l’argent à milliards de dollars, des armes à satiété, les plus modernes, les plus terribles, les plus destructrices, contre des gens sans armes. Ils lui ont même donné un bouclier pour le rendre invincible. Ils l’ont nourri depuis des dizaines d’années de chair humaine. De temps en temps ils le lâchent puis se plaignent de ses excès. Aujourd’hui c’est l’apogée, la solution finale, le festin orgiaque. Netanyahou et les dirigeants israéliens sont ivres de sang. Même leur maître a des difficultés à les tenir.

Rien n’arrête la tuerie. Elle est montrée, exhibée, justifiée et même parfois souhaitée, encouragée, admirée. Elle ne pose aucun problème moral en Occident, et sur ses médias à la bave sanguinolente.

A Gaza, Israël tue au su et au vu de tout le monde. Elle sait que nous parviennent les images des hommes, des femmes, des jeunes hommes, des enfants à la chair déchiquetée, aux corps désarticulés, avec le visage souvent comme arraché par une gueule féroce, monstrueuse, des enfants sans bras, sans jambes, amputés pour la vie, amputés de la vie, des bébés pâles, blêmes, morts ou en train de mourir en nous regardant. Mais pourquoi donc la souffrance et la mort nous semblent frapper surtout ceux-là, ces enfants, ces bébés ? Ces images sont vues de tout le monde, elles nous hantent. Mais si le monde entier les a vues, comment tout cela peut-il continuer ? Question simple, innocente, mais essentielle.

Le génocide en chiffres

C’est long un génocide. Il faut donner des chiffres (*). Depuis le début du génocide programmé, il y a eu 49897 martyrs, 39 897 dont les corps ont été inhumés et 10 000 disparus. 16 456 d’entre eux étaient des enfants, 11 088 des femmes, 36 sont morts de faim. Il faut les rapporter aux deux millions environ de palestiniens de Gaza.

Faut-il des chiffres encore pour que nous puissions mieux connaître les deux monstres auxquels font face les Palestiniens ? En voilà encore : 92 152 blessés dont 69% des enfants et des femmes. 885 des victimes étaient des équipes médicales, 79 du personnel de la protection civile. 110 universitaires, professeurs et chercheurs ont été exécutés par les Israéliens. 168 des victimes étaient des journalistes. Israël a créé 7 fosses communes à l’intérieur d’hôpitaux, et 520 martyrs y ont été récupérés. 17 000 enfants vivent sans un parent ou les deux. 3500 risquent de mourir de malnutrition ou du manque de nourriture. 10 000 patients atteints de cancer attendent la mort, 60 000 femmes enceintes sont sans assistance. Il y a 1 737 524 personnes infectées par des maladies contagieuses en raison des déplacements, 700 puits d’eau ont été détruits, systématiquement, 121 écoles et universités ont été détruites, 333 partiellement ; 610 mosquées, 3 églises ont été aussi détruites, 206 sites archéologiques, 530 000 logements, 34 hôpitaux ont été mis hors service et cela continue .

Les monstres continuent sans même qu’il y ait une tentative sérieuse de les l’arrêter. Les Etats-Unis fournissent d’autant plus de bombes pour tuer qu’ils parlent de cesser le feu. Ils agissent comme si c’était leur droit, celui de vie et de mort.

En face on continue de célébrer des succès diplomatiques au Conseil de sécurité. Ce n’est plus le temps. Jusqu’à quand des plaintes, des jérémiades, des pleurnicheries diplomatiques ? A quand des mesures concrètes, des actes contre Israël, et même contre ceux qui la couvrent. On en devient radical. Quel est le grand pays qui va passer à autre chose, la Chine peut être ?

Le miracle

Il y a 2 millions de déplacés palestiniens. Autant que d’habitants. Les palestiniens sont ballotés pour la énième fois. Le dessein est clair, leur faire perdre toute dignité. Les faire devenir « des animaux humains » comme le ministre de la défense israélien l’a promis. Ils marchent sur la route, fourbus, épuisés, affamés, assoiffés, hommes, femmes enfants vieillards, un exode permanent, dans les ruines, dans l’odeur de la mort. Mais Ils ne se rendent pas. N’est-ce pas là le miracle ?

Ils ne se rendent pas. Ils dressent fièrement la tête. Ils sont prêts à mourir. C’est leur force. Elle est invincible. Cela les Etasuniens, les Israéliens ne pourront jamais la leur enlever. C’est leur seule arme : leur vie, leur foi. Qui va donc gagner, la vie ou la mort ? Les martyrs ou les assassins ? Le sort de ce bras de force entre le bien et le mal nous concerne tous, il va déterminer notre avenir, le monde dans lequel nous allons vivre, et celui de nos enfants et des enfants de nos enfants.

Les palestiniens de Gaza n’ont d’autres armes que leur foi. C’est armés d’elle qu’ils regardent tomber du ciel les bombes étasuniennes. C’est avec elle qu’ils s’endorment, tout en sachant que bon nombre ne vont pas se réveiller.

Il est temps de faire justice contre des approches aberrantes de sectarisme, d’étroitesses. Le Hamas est critiqué par certains parce qu’il est un mouvement islamiste. Quel est le plus important : qu’il soit un mouvement d’inspiration religieuse ou de résistance ? S’il n’y avait pas eu le Hamas, parlerait-on aujourd’hui de la lutte du peuple palestinien ? Y aurait-il ce mouvement grandiose, dans le monde, de solidarité avec la Palestine ? Parlerait-on de deux Etats ?

Quelle force autre que la foi aurait permis aux palestiniens de résister massivement, dans ces conditions extrêmes, et d’offrir leur vie pour vaincre. N’est-ce pas évident ?

Gaza, Hiroshima et Nagasaki

En même temps, au Japon, ce le jeudi 8 août, se déroule la cérémonie de commémoration de l’holocauste d’Hiroshima et Nagasaki. Aucun lien, pourrait se dire le lecteur avec notre propos. Mais si, voyons la suite. C’est encore plus significatif du comportement de nos deux monstres. Le Japon n’invite pas Israël à cette cérémonie. Du coup, les Etats Unis boycottent la cérémonie et entrainent avec eux les pays occidentaux. Ont-ils jamais boycotté Israël pour un seul de ses crimes de masse. Mais il y a plus, pour mieux comprendre la fusion entre nos deux monstres. Les Etats-Unis élèvent le ton contre le Japon, pour protester contre l’absence d’Israël à la célébration du plus grand carnage de l’histoire commis en un seul instant, à Hiroshima et Nagasaki, et commis par qui ? Par les Etats-Unis eux-mêmes. Le comble. A Gaza, on évalue à 82 000 tonnes la quantité de bombes étasuniennes lâchées sur la population. L’équivalent d’une bombe atomique. Les deux monstres se retrouvent là aussi ensemble.


(*)https://www.facebook.com/share/p/yocHxpTo2So8b9mS/?mibextid=qi2Omg

https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-reported-impact-day-215

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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