Aux lectrices et lecteurs du Grand Soir, je propose cette semaine, pour une fois, un texte court qui, tout en abordant la réalité shitholique haïtienne, n’évoque pas moins le devenir d’un monde qui se métamorphose de manière purulente, par moisissure abondante de la dignité et à vitesse trans-genre inquiétante. J’espère seulement qu’il ne sera pas censuré et aussi qu’il sera lu. (Merci d’excuser les éventuelles ou innombrables fautes)
J’ai expérimenté combien ma démarche TIPÉDANTE de provocation (qui n’est rien moins qu’une maïeutique socratique contextuelle) m’a valu des inimitiés professionnelles et personnelles ; lesquelles m’ont conduit à un isolement que j’assume pleinement. Car je vois les fruits qu’il promet, dans sa moisson à venir, par delà les vents mauvais qui soufflent forts et tous azimuts.
Dans un pays, livré à l’expérimentation des ONG et des gangs, lesquelles organisations forment les deux branches d’une même tenaille fabriquée pour dépecer la dignité de l’homme haïtien, selon une précision millimètrique de peau qui défie l’habileté des plus grands chirurgiens, assumer le courage de défier, dans des conflits épistolaires, les potentiels gestionnaires de ressources et fabricants de renommée du pays, relève de l’art du suicide (professionnel). D’autant plus que les ONG et les gangs sont aussi les deux portes dérobées par lesquelles transitent les ressources qui assurent les réussites dans le shithole.
Je vais devoir ajouter un nouveau titre à mon abondant projet d’écriture introspective : l’art de se faire blacklister dans un shithole, juste pour préciser pour ceux qui survivront demain, après cet effondrement humain en cours, combien il est difficile d’être en Haïti un professionnel systémiquement compétent, éthiquement digne et patriotiquement engagé et résolu d’habiter ce lieu d’inhumanité.
Pourtant, ce sont là trois valeurs indispensables (compétences systémiques, éthique de la dignité et engagement patriotique) parmi celles qui doivent former l’armure du résistant contre la barbarie enjolivée actuelle ; celle là même qui étend les bras de sa spirale hybride et multiforme pour uniformiser tous les écosystèmes, dans une même indigence. La barbarie qui vient est plus terrifiante que celle décrite par Isabelle Stenghers dans son ode à la résistance (Au temps des catastrophes : résister à la barbarie qui vient) est si subtilement dissimulée derrière des impostures médiatiques, académiques et stratégiques qu’elle ouvre la voie à une désensorialisation du monde que l’on croyait être une singularité shitholique des espaces livrés à la déshumanisation comme Haïti. Je gage que dans moins de 40 ans, le cri infra humain du Pito nou lèd nou la, qui dit la douleur lancinante d’une population impuissante, sera repris dans de nombreuses autres langues avec des nuances culturelles plus ou moins contextuelles. En effet, l’évolution du monde vers sa face barbare, désormais technologiquement enjolivée, après l’effondrement des impostures démocratiques, dit combien l’expansion de l’intelligence artificielle contribue à l’érosion de l’intelligence humaine. De fait, en 2024, il est manifeste que le monde est devenu plus outillé technologiquement, qu’il n’est habité humainement. Et ce dépeuplement humain ne peut augurer qu’une ère d’Ensauvagement, comme un retour de la barbarie à visage découvert au XXIeme siècle. C’est du reste le titre d’un essai visionnaire de Thérèse Delpech publié en 2005 (Grasset).
Que reste-t-il à l’humain, attaché à sa dignité, épris de liberté et de justice, pour résister à cette spirale tentaculaire qui recrute, à tout va et par légions, universitaires, experts, technocrates, éditorialistes, journalistes, analystes et les anoblisse pour mieux enfumer l’intelligence et évider les consciences ? A mon sens, parmi les possibles figures de l’agir, pour penser et s’engager comme humain (formule empruntée au titre de l’ouvrage de Miguel Benasayag et de Bastien Cany) dans ce siècle qui s’oriente vers le post-humanisme sans avoir connu et expérimenté l’humanisme (https://www.editionsladecouverte.fr/les_nouvelles_figures_de_l_agir-9782348042164), il reste l’insolence de la provocation, comme Éloge du conflit (Miguel Benasayag, Angélique Del Rey).
Manifestement, Ceux qui ont peur des conflits sont ceux qui ne savent pas que La justice est conflit (Justice is Conflict (1999), ouvrage de Stuart Hampshire), et c’est pour cela qu’elle est armée. Alors, assumer l’insolance, la provocation, l’authenticité, le conflit, c’est résister à la barbarie qui nous déshumanise ; et Résister, c’est toujours créer (Miguel Benasayag , Florence Aubenas, https://www.editionsladecouverte.fr/la_fabrication_de_l_information-9782707153722) de nouveaux possibles humains plus dignes. S’il est vrai que ces modes d’agir sont moins politiquement structurants, ils ne sont pas moins plus humanisants en termes de degré de liberté et d’esthétique de l’authenticité, car moins orientés vers les enfermements militants qui embrigadent toujours la conscience et finissent inexorablement par dépecer, eux aussi, la dignité humaine.
Moi, j’assume le conflit, car je crois en la justice, et je résiste par mon insolence pour créer de nouveaux possibles pour penser et s’engager humainement, dans un monde déshumanisant. Et vous, que pensez-vous du conflit ? Ou mieux que pensez-vous des multiples conflits qui convergent vers l’effondrement de l’humain ?
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