Macron a finalement choisit Rabat, et laissé choir Alger. C’est dit un peu brutalement mais c’est l’avis des Algériens, qui nous menacent déjà de représailles diplomatiques, à l’image des sanctions qu’ils ont infligées aux Espagnols, qui ont pris fait et cause en 2022 pour le Maroc dans le conflit du Sahara occidental. Les exportateurs espagnols avaient ainsi trouvé porte close en Algérie…
Macron soutient le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, qui fait l’objet d’un conflit insoluble avec Alger, qui soutient les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, qui eux réclament l’autodétermination. Le Conseil de sécurité de l’ONU a prôné en 2007 une « solution politique définitive » de ce problème, qui est en fait l’acceptation du plan marocain : le Maroc garderait la main sur 80 % du territoire (la meilleure part, notamment les côtes poissonneuses et les terres bourrées de phosphates), les 20 % restants constituant la zone démilitarisée, tampon entre le Maroc et la zone de retranchement du Polisario qu’est l’Algérie. Les décisions dans cette dernière devant se faire en conformité avec le statut d’autonomie de la région, bref, le Maroc garderait un œil sur les remuants Sahraouis.
« La poursuite du développement économique et social de cette région est un impératif. Je salue tous les efforts faits par le Maroc à cet égard. La France l’accompagnera dans cette démarche au bénéfice des populations locales. »
Macron a envoyé un courrier à Mohammed VI le 30 juillet l’assurant du soutien français dans la résolution de la crise, qui dure depuis 50 ans, courrier selon lequel le plan marocain de 2007 est « la seule base » pour régler ce conflit. La seule contrainte imposée au roi est le développement économique des Sahraouis.
Les Algériens et la gauche française dénoncent la prise de position qui était de toute façon latente, tant l’axe Paris-Rabat se consolidait, tandis que Tebboune reportait régulièrement son entrevue avec Macron, ce qui était déjà le signe d’un raidissement, et une sanction. La droite, c’est-à-dire l’axe Ciotti-Marine, qui ne penche pas vraiment du côté d’Alger, applaudit. BFM TV reprend la réaction d’Alger, qui a rappelé son ambassadeur à Paris :
En soutenant le plan d’autonomie marocain, l’Algérie estime que la France « bafoue la légalité internationale » et « prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination ».
« Le gouvernement français a fini par donner sa caution franche et catégorique au fait colonial imposé au Sahara occidental », a encore dénoncé l’Algérie.
À ce jour, l’ONU considère ce territoire, aux riches eaux poissonneuses et aux importantes réserves en phosphates, comme un « territoire non autonome ».
On notera que Trump, en 2020, et à sa manière, franche et directe, avait reconnu la marocanité de ce territoire. Depuis, Macron aura tout fait pour calmer les Algériens, en lâchant notamment beaucoup de concessions sur le dossier « mémoriel », ce que la droite nationale lui avait évidemment reproché. Le Monde a noté deux signes concrets du rapprochement franco-marocain :
Le dépit des Algériens pourrait être d’autant plus profond qu’au moins deux membres du gouvernement français démissionnaire se sont employés, mardi, à mettre en musique la partition écrite sous l’égide de l’Élysée, dans l’ombre des Jeux olympiques de Paris. La ministre de la Culture, Rachida Dati, franco-marocaine, a participé, mardi, à la Fête du trône, en présence du roi. « Honorée d’être présente au Maroc en ce jour historique pour les relations franco-marocaines », a-t-elle tweeté, aux côtés de l’ambassadeur français à Rabat, Christophe Lecourtier.
Quant à Stéphane Séjourné, le ministre des Affaires étrangères, très occupé ces dernières semaines par les suites de la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin, il s’est rendu dans la soirée à l’ambassade du Maroc, à Paris. « Ce cap est naturel. Avec clarté et constance, la France a toujours reconnu le caractère existentiel du Sahara occidental pour le Maroc, a-t-il déclaré lors d’un discours pour justifier le tournant de Paris. Nous nous sommes toujours tenus aux côtés du Royaume, face à cet enjeu de sécurité nationale. »
Extraits de l’interview dans Le Figaro de Xavier Driencourt,
ancien ambassadeur de France en Algérie
Évidemment, une telle décision en faveur du plan marocain, avec une lettre du président de la République extrêmement précise, affectera la relation, toujours compliquée avec des hauts et des bas, entre Paris et Alger compte tenu de la sensibilité algérienne sur la question du Sahara occidental. Paris le sait et, je pense, a pris cette décision en toute connaissance de cause, c’est-à-dire en pesant les avantages et les inconvénients. On peut penser que le gouvernement a estimé 1/ que le statu quo actuel menait à une impasse et 2/ que les avantages penchaient désormais du côté marocain et qu’il fallait en tirer les conclusions. […]
De mon point de vue, certainement. Rien, ou peu de choses ne bougent en effet du côté algérien et le gouvernement a pesé les avantages et les inconvénients des deux côtés. Il a sans doute estimé que tout compte fait, il y avait plus d’avantages à se rapprocher de Rabat que de maintenir les faux-semblants avec Alger. […]
Paris ne peut pas ignorer les incertitudes et la volatilité liées à la situation politique intérieure en Algérie, incertitudes liées à la fragilité politique du chef de l’État, même s’il est réélu en septembre, incertitudes liées aux luttes des clans, à la répression politique dans le pays, à laquelle tôt ou tard Paris, comme l’Union européenne, ne pourra pas rester indifférent. (…)
Cet équilibre n’est pas forcément menacé, il y aura certainement, comme toujours, une « bouderie » algérienne avec le rappel de l’ambassadeur, les mesures habituelles, etc. Et après ? Dans quelques semaines, on reprendra le cours des choses. Ce sera « business as usual »… N’oublions pas que le président algérien est en campagne électorale et qu’il a intérêt à froncer les sourcils vis-à-vis de Paris et faire des grands moulinets, au moins jusqu’au 7 septembre, date de l’élection. C’est toujours payant. […]
N’exagérons pas la coopération économique avec l’Algérie, les entreprises françaises ont davantage d’intérêts au Maroc (par exemple les opportunités créées par l’organisation de la Coupe du monde de football). Quant à supprimer les liaisons aériennes comme Alger l’a fait avec Madrid, qui sera pénalisé par une telle décision si ce n’est les Algériens ?
C’est ce qu’on appelle de la realpolitik !
Achachi : 10 questions à Lugan sur le Sahara occidental
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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation