Un article de Maxime Demers sur l’Intelligence artificielle (IA) a attiré mon attention dans Le Journal de Montréal, en particulier le passage que je souligne ici : « La voix de Brad Pitt dans les versions françaises de ses films pourrait-elle être bientôt remplacée par un robot ? C’est la menace qui guette l’industrie du doublage au Québec alors que plusieurs logiciels d’intelligence artificielle permettent déjà de reproduire parfaitement la voix d’un acteur dans n’importe quelle langue. » [1]
La présidente de l’Union des artistes (UDA), Tania Kontoyanni, juge cela « extrêmement préoccupant pour le milieu du doublage ». Elle « aimerait voir les gouvernements adopter rapidement des lois visant à encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle » [2].
À ce jour, Brad Pitt a été doublé par sept acteurs en Europe [3] et par cinq au Québec [4], et on voudrait interdire des doublages dans lesquels sa voix est reproduite parfaitement. C’est une blague ou quoi ?
Si, comme l’assurent les chantres de l’IA relativement au doublage, le timbre de voix de l’acteur sera préservé, les nuances vocales du jeu s’apparenteront aux originales (ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui) et la synchronisation labiale sera pour ainsi dire parfaite (ce qui n’est pas souvent le cas aujourd’hui), je suis preneur. L’art en sort gagnant et c’est ce qui compte.
Steven Spielberg avait à choisir, en préparation de son film Le Parc jurassique (Jurassic Park, 1993), entre la vieille manière artisanale de faire se mouvoir les dinosaures (comme dans le premier King Kong en 1933) ou celle numérique, toute nouvelle. Il a choisi cette dernière, pour notre plus grand plaisir.
Pour ce qui est du volet économique, l’UDA semble oublier une chose capitale : ces innovations nous feront peut-être perdre le doublage traditionnel, mais notre cinéma y gagnera beaucoup. En effet, comme nous pourrons doubler à moindre coût nos films, ils seront plus facilement distribués de par le monde.
Combien de films ont marché au Québec, mais pas ailleurs ? Imaginez maintenant nos futurs succès doublés parfaitement dans plusieurs langues. Nos voisins états-uniens, si imperméables au cinéma étranger, croiront voir leurs propres films, jusqu’à ce qu’ils lisent le générique de fin. Ils seront à ce point enchantés qu’ils n’auront plus envie de faire des remakes, une malheureuse habitude qui fait perdre de l’argent à l’industrie du cinéma des petits pays (sans oublier la dimension touristique).
Le gouvernement québécois doit laisser le champ libre à l’IA dans le domaine du doublage. Nous en sortirons globalement gagnants.
Pour finir, cette sortie de l’UDA me rappelle que celle-ci a longtemps fait pression sur nos élus pour qu’ils obligent les majors à faire doubler leurs films au Québec. Mais nos élus ont résisté. Ouf !
Sylvio Le Blanc
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec