Suite à la dissolution orchestrée par Macron, le RN fait un score historique avec 125 députés à l’assemblée nationale. Bien sûr, il est facile de dire que « Jupiter » a construit un boulevard à Marine Le Pen, avec la loi immigration, ses politiques anti-sociales et sa volonté de monter les gens les uns contre les autres. Pour autant, la gauche aussi a sa part de responsabilité. Les « petites gens » ont le sentiment d’être abandonnés, et ont l’impression que la gauche s’intéresse plus aux classes moyennes et aux diplômés qu’aux problèmes du citoyen lambda. Que peu à peu, elle s’est détournée des campagnes au profit des villes. Elle a constaté la droitisation de la politique, de la société mais a refusé d’analyser les causes de ce virage à droite, et même à l’extrême droite. Si la gauche veut être crédible, elle ne peut plus faire l’économie de réfléchir. Il faut qu’elle sorte du piège du sociétal et qu’elle revienne aux fondamentaux. Ce sont les couches les plus aisées qui s’intéressent prioritairement au féminisme, aux droits LGBT, aux problèmes des transgenres ou aux voitures non polluantes, ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois, qui peinent à payer leur loyer, à se chauffer, à mettre du gasoil dans leur véhicule pour aller bosser parce que le train et les transports en communs ont été supprimés, tout ceux-là ont envie qu’on les prenne au sérieux. Il faut également que la gauche prenne à bras le corps les questions soulevées par l’immigration sans parti pris mais sans angélisme. Ce sont les couches populaires les plus fragiles qui sont confrontées directement à l’immigration, et c’est sur ce sujet que le RN bâtit son fonds de commerce.
Le Nouveau Front Populaire est un montage fragile. Les Faure (4), Gluksman, Tondelier, sans parler du retour de Hollande, sont plus compatibles avec LR ou Renaissance qu’avec LFI. Les désistements « républicains » ont couté des places au parti de Mélenchon mais ont profité au PS, à EEVL et à Macron. Cela a permis entre autres de faire élire des Borne ou des Darmanin !
Déjà au lendemain des élections un groupe de dissidents quitte les rangs de LFI, car si l’on veut travailler à sa carrière, si l’on a des ambitions personnelles, il vaut mieux s’éloigner d’un groupe que l’on fait passer pour radical, et d’une personnalité que nos médias ont cataloguée comme violente. Oui, la société s’est droitisée, il y a encore trente ans LFI n’aurait pas été taxée d’extrême gauche, et si l’on fait un retour quarante ans en arrière, ce même groupe aurait été classé « gauche modéré ». Ces dissidents « purgés » juste avant les élections avaient en réalité préparé leur scission depuis le 24 mai 2024. Clémentine Autain et quatre autres conjurés, Alexis Corbière, Raquel Garrido, Danielle Simonnet, Henrik Davi ont présenté, le vendredi 12 juillet, leur mouvement bizarrement nommé « L’Après (1) » dans un café du centre-ville de Bagnolet.
Plutôt que de reconnaitre que ces opportunistes ont des ambitions personnelles, bloquées par Mélenchon, puis sans doute par Quatennens, auquel ils ont maintenu la tête sous l’eau après ses déboires conjugaux (5), ils ont prétexté « l’absence de démocratie chez LFI », sans autre démonstration que leurs paroles. Le moment magique c’est lorsqu’ils ont dit lors de la conférence de presse, « Nous sommes restés fidèles à notre identité politique » … quand on connait le parcours politique d’Autain faut espérer que c’est de l’humour ! Le comportement de Ruffin est plus difficile à cerner, sauf bien sûr s’il se voit comme possible Président de la République ! Il lui faut rompre avec les « extrémistes » de LFI, afin de poursuivre un agenda politique très personnel. Ruffin est sans doute très fort pour porter secours aux opprimés mais sur son projet politique c’est beaucoup plus flou.
Le but est de marginaliser LFI sans paraitre trahir… Tous les autres partis sont auto-compatibles. LFI a une extrémité, le RN à l’autre. Le projet est de construire un social-libéralisme au service des classes possédantes. Ensuite, continuer à remodeler le peuple en lui ôtant toute conscience politique et le reconcentrer sur des particularismes identitaires, folkloriques, en faisant ressusciter, en lui, des traditions fantasmées. Il faut mettre « les classes laborieuses » en état de ne pas réfléchir au pouvoir économique et à son contrôle, toute la structuration et la vie de nos sociétés en dépendent. On peut faire confiance au RN, pour faire ce boulot, détourner l’attention du bon peuple, et prouver sa fidélité à l’oligarchie (2 et 3) en place. Pour le moment seul LFI les empêche de faire la fête !
Et maintenant ? Gouverner, appliquer le programme du Nouveau Front Populaire va être difficile. Il va valoir faire des compromis… des compromissions ? Jusqu’où ira la trahison, la compatibilité avec les partis de gouvernance ? Si EEVL, le PS, Place Publique et maintenant « L’Après » vont trop loin dans la collaboration, ils risquent de « se griller » pour 2027. Espérons que dans ce cas-là, Mélenchon ne les remettra pas en selle avec une nouvelle NUPES. Suivant les événements, LFI peut être en position de force aux prochaines présidentielles. La priorité à mon sens est de donner un but commun, un projet politique, social, économique qui puisse être adopté par et pour le plus grand nombre afin de se diriger ensemble vers un avenir où personne ne sera laissé sur le bas-côté de la route… je sais, ce ne sont que des mots, mais les mots peuvent aussi être porteurs d’espoir.
Notes :
Histoire et Société, le 13/07/2024 : « Les statuts d’”Après” ont-ils été déposé “avant” et ce que cela dit d’une manière de faire de la politique… ».
(2) Basta, le 13/05/2024 : « Au Parlement européen, le RN s’oppose aux droits des femmes et au salaire minimum ».
(3) Frustration, le 11/06/2024 : « Pourquoi les riches veulent que vous votiez RN ». Olivier Faure au micro de BFM le 09/05/2017 :« Nous voulons la réussite de Macron. Nous souhaitons participer à cette majorité ».
(5).Le Grand Soir, le 17/02/2022 : « Sur Quatennens, Aubry et Autain sont mieux informées que la Justice ».
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir