On nous parle très peu du rôle de la Finlande, allié de l’Allemagne, dans la bataille de Leningrad. En fait, la portion finlandaise de l’anneau de siège était beaucoup plus longue que la portion allemande. Les dirigeants finlandais demandaient officiellement la destruction de Leningrad et l’établissement de la frontière finno-allemande sur l’espace vide le long de la Neva. Toute la population russe des territoires de l’isthme de Carélie et de la Carélie elle-même, occupés par les Finlandais, a été emmenée dans des camps de concentration.
Dans la soirée du 22 juin 1941, Churchill déclare dans un discours à la radio (1) : « Nous aiderons la Russie et le peuple russe avec tout ce que nous pouvons. Le danger pour la Russie est un danger pour nous et pour l’Amérique, et la lutte de chaque Russe pour sa maison et son foyer est la lutte de chaque homme libre dans tous les coins du monde ». Beau discours ! Mais qu’en est-il dans les faits ?
Le 18 juillet 1941, Staline envoie à Churchill une lettre proposant des opérations alliées conjointes dans le Nord. Si les Alliés s’emparent du nord de la Norvège, les troupes germano-finlandaises avançant vers la région de Mourmansk seraient encerclées : 5 divisions allemandes et 2 divisions finlandaises. Le Reich serait privé d’un métal stratégiquement important, le nickel extrait à Petsamo. Si les Britanniques débarquent dans le nord de la Norvège, on peut s’attendre à ce que la Finlande se retire de la guerre. Cela conduirait à l’effondrement de l’anneau de blocus de Leningrad et sauverait des centaines de milliers de civils de la famine. Les arguments en faveur du débarquement britannique ne manquent donc pas. D’ailleurs, le plan de débarquement dans le nord de la Norvège a été proposé en septembre 1941 par Winston Churchill lui-même. Il lui a également donné un nom de code : « Jupiter ».
Selon le plan, le premier échelon devait compter au moins 25 000 personnes. Cela nécessitait 35 à 40 gros transports, qui auraient quitté l’Islande sous le couvert d’un autre convoi se rendant à Mourmansk. Il convient de noter que les convois britanniques du nord étaient couverts par de gros navires d’artillerie. Ainsi, 2 à 3 cuirassés et 3 à 4 croiseurs d’appui-feu auraient pu être pris par les Allemands comme la couverture habituelle des convois. Dans un télégramme daté du 8 octobre 1942, Churchill écrit à Staline : « S’il est possible de priver les Allemands de la possibilité d’utiliser les aérodromes du nord de la Norvège, ce sera certainement bénéfique pour vous et pour nous ».
Cependant, lorsque le général britannique McNaughton, arrive à Moscou, Staline refuse catégoriquement de discuter avec lui, de l’opération Jupiter. Que se passe-t-il ? Staline a changé d’avis ? Pas du tout, il sait que Churchill ment effrontément. Le fait est que dès avril 1942, le quartier général anglo-américain a commencé à mettre au point l’opération « Torch » visant à débarquer des troupes anglo-américaines en Afrique du Nord. La décision finale de mener l’opération Torch a été prise à Londres le 25 juin 1942. Dans cette perspective, « Jupiter » était une opération de couverture, c’est-à-dire de désinformation destinée à Staline et à Hitler. Heureusement, les agents de renseignement soviétiques ont informé Moscou à temps du changement des plans de Churchill.
Les troupes alliées débarquent donc en Afrique française. Le soldat allemand le plus proche se trouve à plusieurs centaines de kilomètres du lieu de débarquement. Cependant, l’opération Torch n’est pas une erreur stratégique. Au contraire, elle est la première étape d’une opération à plusieurs volets visant à asseoir la domination du monde par les Anglo-Saxons. En novembre 1942, plus d’un millier de navires de guerre et de transport anglais et étasuniens débarquent une douzaine de péniches de débarquement de la Tunisie au Maroc et jusqu’à Dakar. Plus de deux mille avions participent à l’opération.
Plus tôt encore, le 4 mai 1942, une escadre britannique composée d’un cuirassé, de deux porte-avions, de deux croiseurs et de 41 autres navires de guerre opère un débarquement avec 15 000 soldats à… Madagascar. Inutile de préciser qu’il n’y a pas un seul soldat allemand, italien ou japonais dans l’immense arc de cercle qui entoure les colonies françaises. La prise des colonies françaises n’a joué aucun rôle dans la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis et l’Angleterre ont entrepris une invasion massive pour justifier l’inaction de leurs énormes forces amphibies face à l’URSS. Et surtout, pour prendre pied en Afrique dans l’après-guerre. Pour cacher les véritables raisons, nos historiens ont inventé la fable que ce débarquement servait à alléger la pression sur les armées soviétiques en difficulté… Après la farce de Moscou, le retardement de l’ouverture d’un front en France, le refus du front en Norvège, il est évident que les anglo-saxons ont constamment joué un double jeu. Les forces et les ressources alliées déployées en Afrique contre les colonies françaises en 1942 auraient été suffisantes non seulement pour l’opération Jupiter (le débarquement dans le nord de la Norvège), mais aussi pour une invasion à grande échelle du nord de la France au cours de l’été 1942. Pendant que se déroulent des batailles décisives et sanglantes à Leningrad, Kharkov, Sébastopol, Kertch, Stalingrad… les alliés occupent « tranquillement » de vastes territoires en Tunisie, en Algérie, au Maroc, au Sénégal et à Madagascar.
Dernière précision (2), de 1941 à 1945, le front germano-soviétique fixait les forces principales de la Wehrmacht. De juin 1941 au début de 1944, près de 200 divisions allemandes, les plus aptes au combat, opéraient à l’Est. Durant la même période, moins de 20 divisions allemandes étaient opposées aux troupes anglaises et américaines. L’ouverture du second front en Europe occidentale, depuis longtemps demandé par les soviétiques, changea enfin le nombre de divisions allemandes engagées sur les fronts européens, à l’Est et à l’Ouest. Durant les années 1941 -1945, le front de l’est fixait les forces principales de la Wehrmacht. Autre point à souligner : le front soviéto-germanique était le plus important de tous les théâtres d’opérations militaires, tant par son envergure que par l’acharnement des combats qui s’y livraient. Les opérations se développaient sur d’immenses espaces, de plusieurs milliers de kilomètres. L’offensive soviétique, baptisée « Bagration », du 22 juin 1944 au 29 août 1944 pulvérise en deux mois les derniers point d’ancrages de la Wehrmacht sur le front de l’Est. C’est, après Stalingrad et Koursk, l’une des plus importantes victoires de l’URSS sur l’Allemagne nazi. Elle est pourtant encore oubliée car, en occident, on lui préfère le débarquement de Normandie, qu’elle a considérablement aidé.
notes :
(1) Histoire et société, le 23/06/2024 : « Une sale histoire : les alliés de l’URSS ont massacré des Français et traqué les partisans grecs en compagnie des nazis ». (2) Le Monde, le 09/05/1970 : « Le Front Principal ».
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir