Quelques semaines à peine avant le déclenchement de l’opération dite spéciale en Ukraine par Vladimir Poutine, le magazine de la City de Londres annonçait ce que serait l’état du monde à partir de 2022.
Une nouvelle guerre froide allait advenir, disait la une de The Economist, un nouveau mano à mano était à prévoir, entre les Bleus d’un côté, et de l’autre les Rouges.
Si, en ce qui concerne les Bleus, rien n’a changé, pour ce qui est des Rouges la différence est que le Parti communiste ne siège plus à Moscou mais à Pékin. Et que le système qu’il régente est bien plus fonctionnel que le précédent, telle une version « upgradée » (améliorée, en bon français) d’un logiciel informatique, car il récompense l’initiative entrepreneuriale et ne se fourvoie pas dans des aventures expansionnistes ruineuses, qui mettent en lumière l’hypocrisie de son idéologie, dont le fondement est la fraternité des peuples. La Chine aurait intérêt à soutenir la Russie dans sa guerre, car celle-ci lui rendra la pareille quand elle s’occupera d’annexer Taiwan.
Voilà, à gros traits, le récit – ou pour utiliser un terme en vogue, le narratif – qui nous est servi depuis que la Russie a décidé de mettre de l’ordre dans ses marches méridionalo-occidentales, où l’État-voisin a été à partir de 2003 et surtout 2014 frappé d’une inclination belliciste contre lui, en dépit de leur proximité culturelle.
Cette identité commune rendait d’autant plus aisées les conditions de la paix. Aucune barrière linguistique ne sépare la Russie et l’Ukraine, comme c’est le cas pour, d’une part, la France, et, d’autre part, la Belgique ou la Suisse, à cette différence que ces deux pays sont caractérisés par une diversité d’idiomes.
L’accord était déjà prêt. Telle une dispute familiale, l’accrochage pouvait se terminer aussi vite qu’il avait commencé. Mais le plus vieil impérialisme de notre ère moderne a vu d’un très mauvais œil la rapide réconciliation entre ces Abel et Caïn – ou Remus ou Romulus – slaves.
Le 10 avril 2022, Boris Johnson a rendu une visite impromptue à Kiev pour dire à Volodimir Zelensky qu’il doit continuer la guerre, et pour faire taire en lui tout penchant en faveur d’une résolution pacifique à brève échéance. C’est ce même bellicisme qui avait discrètement promu Adolf Hitler dans le but de casser l’alliance entre ces deux régimes naissants qu’étaient la République de Weimar et l’Union Soviétique formalisée par le traité de Rapallo, qui fut signé 100 ans tout pile avant le début de ce conflit russo-ukrainien dont on ne voit toujours pas la fin. Qui se rappelle qu’un roi d’Angleterre ayant des sympathies pour le nazisme occupa un court instant le trône ?
Le Royaume-Uni n’est plus la première puissance mondiale depuis le mitan du XXe siècle, comme l’attesta l’échec de l’opération de Suez (1956), qui fut suivie des accords de Nassau de 1962 où les Britanniques admettaient que le leadership appartenait désormais aux États-Unis, à qui ils apportaient un appui pour triompher du rival soviétique. Conséquence de quoi encore aujourd’hui les Britanniques se considèrent comme première puissance mondiale indirecte, par procuration. Pour eux les États-Unis sont ce qu’Édom est à Isaac : la vigueur sans la sagesse, une force aveugle dont l’insatiable appétit de domination nécessite d’être aiguillonné par du bon sens.
Ainsi, depuis les années 1960 le Royaume-Uni joue le rôle de boussole de l’hégémonisme américain, et la victoire totale et définitive contre le communisme soviétique a considérablement renforcé le tandem Washington D.C.-Londres.
Par les offensives de l’oncle Sam au Moyen-Orient de 1990, 2001 et 2003, la Perfide Albion a pu revivre le frisson de la conquête coloniale, remettre le pied sur des territoires possédés jadis, au temps regretté de l’apogée, lorsqu’elle pouvait s’enorgueillir de posséder un Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais.
Se faisant complice du mensonge de l’administration Bush Junior, le Royaume-Uni revivait une époque ancienne, celle de son illustre agent Lawrence d’Arabie, qui, durant la Grande Guerre, étendit la zone d’influence de sa chère patrie jusqu’aux sols arides moyen-orientaux.
Et maintenant, par le truchement de la « volonté de puissance » américaine, le Royaume-Uni renoue avec le XIXe siècle victorien, avec le « Grand Jeu » contre la Russie, qui était le cœur de sa géostratégie après que la France napoléonienne fut matée et avant que Bismarck parvint à réaliser l’unité allemande.
Cette géostratégie a un nom : l’anglobalisme, qui à cette heure a fait de l’Ukraine l’U.K.raine.
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