Tunisie – Nationalisme populiste, patriotisme et chroniqueurs persécutés — Salah HORCHANI

Tunisie – Nationalisme populiste, patriotisme et chroniqueurs persécutés — Salah HORCHANI

« Le patriotisme, c’est d’abord l’amour des siens, le nationalisme, c’est d’abord la haine des autres » Romain Gary – « Il n’y a point de patrie dans le despotisme, d’autres choses y suppléent : l’intérêt, la gloire, le service du prince. » La Bruyère [1].

Ils furent poursuivis pour des faits tout droit liés
À leurs émissions qui s’étaient imposées
Dans le PAT, parmi celles les plus appréciées
Pour leur sérieux et leur crédibilité
Pour leurs analyses pertinentes, condamnés
Dans un pays où tout débat devient suspect [2]
Où tout avis hors ligne est assimilé
À un défaut de patriotisme, si ce n’est
À un abandon dans les bras de l’étranger
« De misérables, par le peuple, discrédités » [3]
Dans une logique nationaliste « populistée »
Mêlant le patriotisme à son opposé
Car le premier valorise la diversité
Est inclusif et se fonde sur une vérité
Respectueuse de l’autre, des minorités
Autour de laquelle la Nation est unifiée
À travers des valeurs universelles partagées
Qui renforcent sa cohésion et son unité 
Sans application d’exclusion quelconque ou rejet
Envers tous ceux qui sont attachés aux libertés
Individuelles et collectives, jaloux de leur respect
Permettant de lui construire un avenir apaisé
Avec ses citoyens, à leur terre, attachés
Qu’ils croient être la meilleure qui pourrait exister
La promouvoir et la défendre est leur volonté
Quand elle se trouve en danger, contre vents et marées
Indépendamment de la nature des risques liés
Par des forces étrangères ou locales, initiés
Du désir de la faire progresser, sont habités
Progression, à l’économique et au social, associée
Et aussi, à la démocratie, pour la faire triompher
Et, sur la base des valeurs universelles, l’ancrer
Au bonheur de leurs compatriotes, dévoués
À leurs culture et mode de vie, mais
Sans souhaiter, aux autres Nations, les imposer
Tandis que l’autre, dans le passé, a été
À l’origine de nombreux malheurs de l’Humanité
C’est par lui que, la première guerre mondiale, fut déclenchée
C’est encore lui qui, à la seconde guerre mondiale, a mené
Et, c’est lui qui, dans l’abîme, risque de nous précipiter
Le nationalisme, de populisme, doublé
Pour qui l’opposant est un ennemi déclaré
Honni, sur la voie de la décadence, engagé
Qu’il faut, à tout prix, empêcher de parler
Quitte, à le harceler, à l’intimider
Voire, le maintenir, pendant des mois, emprisonné
Sans instruction judiciaire, sans jugement, sans procès
Qui n’a fait que, tant de nations, diviser, cliver
Et qui ne peut, qu’a la haine de l’autre, mener
Haine entretenue par une peur, sans cesse arborée
Peur exploitée pour, ses ennemis, désigner
L’ennemi intérieur d’abord, et, aussi, étranger
Nourrissant un discours xénophobe régulier
Prêchant une démocratie caricaturisée
Encensent le peuple et sa souveraineté
Qu’une élite corrompue aurait, soi disant, confisquée
Pour maintenir sa suprématie, ses intérêts
Le peuple demeurant marginalisé, abusé
Spolié de ses richesses, exploité, floué
Accusant l’autre de ses faillites et insuccès
Mettant toujours l’accent sur la supériorité
De son idéologie sur les droits et libertés
De ses méthodes sur celles, en démocratie, appliquées
Rendant son pays, du reste du monde, isolé
C’« est une soif de pouvoir, par l’auto-tromperie, tempérée » [4]
Idéologie qu’il ne faut surtout pas connecter
Au noble nationalisme du siècle dernier
Qui a libéré tant de peuples opprimés
On distingue deux types de nationalismes, en vérité [1]
L’un, d’« ouvert », et l’autre, d’« exclusif » ou « clos », qualifiés
Et ces peuples, c’est l’ouvert qui les a accompagnés
Quant au patriotisme, de l’exclusif, il est l’opposé
Évoluant autour de ce qui peut être partagé
Romain Gary, une belle définition, en a donné 
« C’est d’abord l’amour des siens », l’a-t-il caractérisé
Quant au nationalisme, il a ajouté
« C’est d’abord la haine des autres » : tout y est révélé [1]
Revenons à nos animateurs persécutés
Ce que, dans leurs émissions, ils ont exprimé
C’est par neuf Tunisiens sur dix qu’il est acquiescé [3]
Condamnés pour des déclarations ayant attrait
À la situation du pays, sans diffamer
Quiconque et sans, à l’État, préjudice, porter
D’ailleurs, tous les quatre, toujours, ils ont assumé
Leurs déclarations et n’ont, jamais, rétropédalé
C’est en authentiques patriotes qu’ils se sont comportés

Lorsque les chroniqueurs seront interrogés
Pour quels crimes ils ont été incarcérés
Ils répondront, en chœur, à l’unanimité :
« Pour vouloir exprimer, librement, nos idées 
Acquis pour lequel nos martyrs se sont sacrifiés
Qu’un liberticide décret essaye d’enterrer [3]
Décret qui, dans nos pages sombres, restera gravé
Où un emprisonnement de cinq ans est réservé
À quiconque – pour produire, répandre, diffuser
Ou rédiger de fausses nouvelles et données –
Utilise les TIC ; condamnation accompagnée [5]
D’une amende de quinze mille euros, à peu près
De même, est passible des mêmes peines précitées
Toute personne qui utilise les TIC pour diffamer
Autrui ; les peines prévues sont, au double, portées
Si, un agent public, est la personne visée »
Songeant au chef de l’État, en particulier
Car, les peines prévues sont un peu trop élevées
En comparaison à ce qui, ailleurs, se fait
À aucun moment, sous les régimes passés
Nous n’avons été, à un tel texte, confrontés
Aussi répressif. Pour une diffamation prouvée
Depuis la Révolution, la sanction, plutôt, est
Pécuniaire et non pénale, comme dans toutes les cités
Du monde où toutes les lois sont conditionnées
Par leur compatibilité avec les libertés
C’est le cas de la France, et cela depuis les années
Quatre-vingt du siècle avant-dernier, où c’est géré
Jusqu’à aujourd’hui, par la Loi dite du 29 juillet [6]
Mais, par notre actuel régime, la loi fut changée
C’est contre ledit décret liberticide qu’elle fut troquée
Et il reste des remarques que je me garde de donner
Au vu des dispositions pénales de ce décret 

Notes :
1. Les deux premiers vers de la dernière strophe sont inspirés des versets 8-9 de la Sourate 81.
2. Un résumé de ce poème est paru sous forme d’un quinzain [7].

Salah HORCHANI

[1] https://tristan-meneret.medium.com/le-patriotisme-une-notion-diff%C3%A…

[2] https://www.youtube.com/watch?v=1o6maR-r7nM

https://www.businessnews.com.tn/nouveau-mandat-de-depot-a-lencontre-de…,520,136936,3

https://www.jeuneafrique.com/1570802/politique/en-tunisie-le-choc-apre…

La première vidéo ci-dessous relate l’arrestation de Sonia Dahmani diffusée en direct sur France 24, et sur la seconde , Sonia développe l’idée qu’aujourd’hui, l’ambiance qui prévaut, c’est : « il faut se taire » ; [à l’attention des non arabophones] en joignant, à la fin de la vidéo, le geste à la parole.

https://www.youtube.com/watch?v=UyO81peHWto

https://www.facebook.com/reel/325701507000666

[3] https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/240922/tout-sur-kais-sa…

[4] https://www.philomag.com/articles/le-nationalisme-et-le-patriotisme-selon-orwell

[5] TIC = Technologies de l’information et de la communication.

https://uis.unesco.org/fr/glossary-term/technologies-de-linformation-e…

[6] Il s’agit de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en particulier, son article 32 de sa version en vigueur depuis le 24 mars 2020 que l’on peut trouver dans le lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000038313312/

[7] https://www.legrandsoir.info/liberte-pour-sonia-dahmani-mohamed-bouall…

https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/030624/liberte-pour-son…

»» https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/130624/tunisie-national…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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