La paix selon Poutine
15 juin 2024 (19H00) – D’abord, il y a la tactique de circonstance. Alors qu’on se rassemble péniblement à Lucerne pour une “conférence de la paix” (en Ukraine) à laquelle personne ne croit une seconde, Poutine vient d’abattre tout son jeu : voici la paix selon la Russie, présentée par le président russe devant une grande conférence de tout le personnel et les hauts-fonctionnaires du ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie. Poutine a à l’esprit, suivant l’échec de Lucerne, une initiative qu’on pourrait dire “du Sud Global” pour le prochain G20 de novembre au Brésil, pour un plan de paix en Ukraine.
Note de PhG-Bis : « Voyez Mercouris là-dessus, [+ ce soir] sur les propositions de Poutine, il vaut les commentaires de 3 ou 4 articles du NYT et du FT et de deux douzaines de ministres des AE des pays de l’OTAN, – mais tout cela en bien, n’étant pas passés à la censure ni à l’autocensure, et terminant par la phrase rapide et décisive du président russe : “Si vous n’acceptez pas cette proposition, préparez-vous à la défaite”. »
Zelenski s’est précipité pour la récuser sinon la refuser avant de l’avoir lue, oubliant que cette proposition ne lui ait en aucune façon destinée puisque, pour Poutine, Zelenski est un président totalement illégitime, donc un non-acteur qui occupe en imposteur une fonction à laquelle il n’a plus aucun droit. La proposition de la “paix poutinienne” le précise d’ailleurs explicitement. Ainsi les gens se parlent-ils à partir de et vers des mondes différents.
On connaît les grandes lignes de cette “proposition de paix” qui est citée comme une “capitulation”, – quand elle est citée, – par tous les commentateurs agréés de la presseSystème et de l’“alterpresseSystème” (nouvelle catégorie américaniste-occidentaliste et socio-professionnelle, dite ‘New Age,’ – être contre le Système en soutenant le Système contre les antiSystème qui attaquent le Système pour être soi-même le seul antiSystème, – Comprenne qui pourra et celui-là s’y reconnaîtra dans le grand simulacre du système de la communication).
En fait, Poutine propose que toutes ses revendications soient agréées sans autre forme de procès, avec retrait volontaire des troupes ukrainiennes des parties des quatre régions du Donbass annexées par la Russie où elles se trouvent encore, et que l’Ukraine-sans-Zelenski s’auto-neutralise (on ne parle plus d’OTAN), s’auto-démilitarise et s’auto-dénazifie, tout cela dans ce qui devrait devenir un grand ensemble paneuropéen de sécurité assurant la stabilité et la paix, garanti par les pays européens, l’OTAN si elle existe encore, et quelques grands acteurs contigus comme la Chine l’Inde et la Turquie, – et les USA, oui oui oui….
A côté de cela, Poutine donne des précisions chiffrées sur les forces rassemblées par la Russie dans la zone… 700 000 hommes, dont un petit tiers sont réellement impliqués dans les combats sur les avancées actuelles, les autres formant une masse de manœuvre pour une éventuelle “grande offensive” tandis que l’OTAN déploie la prévision assez terrifiante de 300 000 hommes “mobilisables” de l’US Army. Une offensive générale en Ukraine est l’option alternative russe si l’offre de paix de Poutine reste sans écho…
Note de PhG-Bis : « Pour combien de temps ? Nous verrons bien, malgré les affirmations de Poutine qui juge que les présidentielles USA ne changeront rien… Au contraire, les élections présidentielles aux USA constituant déjà un de ces événements-clef qui dessinera un semblant de réponse si la guerre [la vraie, la mondiale] n’a pas éclaté d’ici là, en même temps que l’évolution de la situation intérieure aux USA à partir de novembre, balançant entre le chaos et la guerre civile (l’option de la sécession a été inscrite dans le programme récemment proposé à ses adhérents par le parti républicain du Texas). »
Ce qui est assez remarquable, c’est la continuité de la pensée stratégique russe et l’extraordinaire dégénérescence de la diplomatie européenne, et particulièrement du pourrissement excrémentiel de l’ensemble français. Pour mesurer cela, on observera la similitude des propositions générales de Poutine faite dans la tension d’un hyper-paroxysme de guerre régionale sur le point de devenir mondiale, avec la période entre août et décembre 2008 (après la guerre Russie-Géorgie), avec un revenez-y en 2010 avant que l’équipe Sarko-BHL ne se perde en Libye, – épisode de 2008-2010 qui vit une extraordinaire entente entre la France (avec Sarkozy à l’Élysée et également président du Conseil des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays de l’UE en 2008), et la Russie du président Medvedev flanqué de son Premier ministre Poutine.
Pour cela, on relira quelques articles de cette période où Sarko n’avait pas encore été complètement récupéré par les américanistes et où les Russes gardaient encore une certaine croyance dans les paroles prêtées ou données par les Européens, et particulièrement les Français.
« Voir nos articles des 9 octobre 2008 “Les accords d’Évian”, 27 octobre 2008 “Taillé pour la France”, 15 novembre 2008 “Sarko dans la brèche, Medvedev en bandouillère” et 4 décembre 2008 “Les Russes jubilent” ; puis 20 octobre 2010 “Escapade à Deauville” et 23 novembre 2010 “Du ‘Mistral’ à ‘l’initiative Medvedev’”… »
Pour ce cas et sans pouvoir dire une seule seconde ce qu’il adviendra littéralement demain après l’initiative de Poutine, on peut trouver dans cette extraordinaire chute de l’Europe dans la décadence et dans la dégénérescence, avec l’introduction massive du poison américaniste et de ses folies insensées, la mesure, non pas historique mais bien métahistorique de la crise que nous traversons. Sans doute Sarkozy a-t-il subi une trépanation, – mais une trépanation, une grave et sans précaution, – car on peut imaginer, – car j’ose imaginer, qu’il a complètement oublié cet épisode de 2008-2010, au profit de l’aventure Libye-BHL tellement plus séduisante, progressiste et humaniste, fun (pour les Libyens) et ‘bobo’ (pour les Parisiens) à la fois… Sinon, il nous en aurait dit quelques mots, depuis au moins l’aventure du 24 février 2022, par exemple pour suggérer qu’on en revienne à une formule de cette sorte.
Plus personne ne parle de cette façon, il s’agit d’un autre temps ; autres mondes, autres temps… Parfois, dans ces périodes des paroxysmes hypertrophiés de cette GrandeCrise métahistorique qui sont d’une rapidité et d’une proximité extraordinaires, écoutant et lisant les uns et les autres, de mon parti qui ne sait plus où il est, du camp adverse, de devant ou de derrière, d’en haut et d’en bas, et même me relisant et m’écoutant, j’en viens à conclure que seule la folie donne une explication acceptable en nous imposant comme voie de salut l’inconnaissance de ces événements qui nous emportent.
Tout cela, en attendant que les Cosaques, venus en amis comme en 1814, défilent pour la deuxième fois sur les Champs Élysées, avec les fantômes d’Alexandre et de Talleyrand chevauchant côte-à-côte…
« “Cessant d’être un géant [avec Napoléon], la France redeviendra grande [avec les Bourbons]”, marmonnait Talleyrand, Prince de la Tradition ».
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