MÉMOIRE D’HISTOIRE RADICALE : L’assassinat d’Andrés Nin

MÉMOIRE D’HISTOIRE RADICALE : L’assassinat d’Andrés Nin

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En poursuite du mouvement des Barricades de mai 1937 à Barcelone, durant lequel la base radicalisée de la CNT et du POUM se confronta violemment au camp stalino-démocratique du Capital, la répression républicaine emprisonna et liquida des milliers de prolétaires réfractaires. Camillo Berneri et Francesco Barbieri qui avaient dénoncé vigoureusement les bobards du gouvernementalisme anarchiste furent massacrés par les services spéciaux de la gauche de l’appareil capitaliste. Ensuite, Andrés Nin, maillon faible des illusions ouvrières quant aux mystifications étatiques du progressisme de la marchandise spectacliste, fut arrêté par la flicaille politique du Front populaire. Transféré à Valence, puis à Madrid, il y fut torturé et finalement exécuté le 20 juin 1937 à Alcalá de Henares, sur ordre du NKVD staliniste. La Revue Bilan – par-delà ses propres illusions – mais avec Honneur, maximalisme et Tenue, sut rendre hommage à cet homme de fidélité qui, malgré ses propres limitations et erreurs notamment sur le caractère totalement capitaliste du bolchévisme étatique, avait eu le courage de ne pas céder devant les mensonges les plus dominants de l’Époque… Qu’aujourd’hui, les Hommes qui sont et qui veulent ad-venir puissent être de la même trempe afin cette fois d’aller jusqu’au bout d’eux-mêmes en l’auto-négation du donné initial, pour faire surgir la vraie conscience générique de l’homme historique total !

Revue Bilan numéro 43

 Septembre-Octobre 1937

Andrés Nin assassiné ?

Depuis le 17 juin, on est sans nouvelles d’Andrés Nin, arrêté, sur l’ordre du gouvernement républicain, par des policiers centristes*. Depuis plusieurs mois, des rumeurs étranges et contradictoires circulent. Un jour, c’est un ex-ministre anarchiste qui annonce que son cadavre a été retrouvé dans les rues de Madrid ; puis la délégation de l’Indépendant Party à Valence fait savoir que Nin aurait été transmis à la police centriste de Madrid, qui le tiendrait prisonnier dans une prison privée ; enfin, c’est Prieto lui-même qui laisserait supposer que Nin est détenu dans une ambassade : mener une campagne pour sa libération risquerait de le retrouver à l’état de cadavre.

Et les bourreaux des prolétaires espagnols n’ont pas fini : d’autres nouvelles seront propagées pour masquer, jusqu’au dernier moment, l’assassinat crapuleux d’Andrés Nin. N’est-ce pas Prieto lui-même qui a déclaré que tous les crimes centristes seront tolérés et couverts, car “les Russes envoient des armes qui permettent à la République espagnole de résister à l’assaut du fascisme”.

Ah ! combien ce crime laisse songeur. Nin était encore ministre de la Justice en Catalogne il y a huit mois ; Gorkin, Andrade (aujourd’hui emprisonnés), paradaient au sein du front antifasciste en illusionnant les ouvriers sur la possibilité de faire la révolution prolétarienne en travaillant pour la guerre bourgeoise.

Actuellement, dans les cellules antifascistes, avec des milliers d’autres, ils pourront mesurer la trahison terrible des intérêts prolétariens à laquelle cette position les a poussés. Mais rien, malheureusement, ne ressuscitera Nin dont nous pensons qu’on retrouvera peut-être le cadavre. Il est tombé après ces journées de mai où le capitalisme a compris que l’heure du nettoyage des illusions, des forces qui les propageaient, était arrivée.

Nos positions étaient à l’opposé des siennes, mais nous saluons le dévouement à la cause prolétarienne dont il fit preuve, même si ces positions l’ont conduit à mettre, pendant les événements, ce dévouement au service d’une cause réactionnaire.

Nin est un militant connu dans le mouvement espagnol et international et aucune calomnie de “fasciste” ne pourrait avoir prise à son sujet.

Venu du parti socialiste, il passa, pendant la guerre, dans la C.N.T., dont il fut un des plus ardents militants.

Délégué à Moscou par la C.N.T. il rallia définitivement les théories marxistes et mit tout son enthousiasme, son savoir, au service de la Révolution d’Octobre et de ses organisations internationales. Secrétaire à l’Internationale Syndicale Rouge, il fut vraiment le seul des fonctionnaires de celle-ci qui, en 1927, lors de la révolution chinoise, passa à l’opposition. Dès lors, sa vie se développa toute entière au sein des groupements luttant contre la dégénérescence centriste et pour la régénérescence de la pensée marxiste.

En 1931, expulsé de la Russie, il rentra, après la chute d’Alphonse XIII, en Espagne, où il reprit sa place de militant révolutionnaire.

Nin devait quitter le chemin du marxisme, d’abord à la suite de Trotsky, puis en fusionnant son groupe avec celui de Maurin ; ministre de la Justice à la Généralité en Catalogne, il prit sur lui la lourde responsabilité d’appuyer le massacre antifasciste du prolétariat ibérique.

Maintenant, il n’est plus et a payé de sa vie ses profonds égarements. Notre fraction le salue, parmi tant d’autres victimes, et ne veut retenir de sa vie que la phase de lutte généreuse contre le centrisme qui le frappe aujourd’hui, lutte que le prolétariat mondial saura retenir et qu’il vengera certainement quand le sang de tous les martyrs de sa cause aura fécondé les conditions de la Révolution communiste.

*Appellation donnée par le groupe Bilan aux stalinistes.

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À propos de l'auteur Guerre de Classe

« Nous pensons d’abord qu’il faut changer le monde. Nous voulons le changement le plus libérateur de la société et de la vie où nous sommes enfermés. Nous savons que ce changement est possible par des actions appropriées »

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