Délais trop longs, experts devenus paroles d’Evangile, défaut de contrôle de l’Etat : le système des expertises médicales est montré du doigt. L’effet Covid en témoignerait. Me Lanzarone dénonce les « conflits d’intérêts ».
DT) – Me Eric Lanzarone, avocat marseillais, dénonce les liens qui unissent trop souvent les médecins chargés de rédiger les expertises et les laboratoires pharmaceutiques.
out a commencé avec une procédure lancée en février 2023, au terme de laquelle un avocat marseillais demandait, sans complotisme aucun, que la justice enquête sur les raisons probables d’une vaccination contre le Covid susceptible d’avoir causé des effets secondaires sur sa cliente. Depuis ce jour-là, Henriette souffre en effet d’une polyarthrite rhumatoïde qui l’empêche de se déplacer.
Le 13 février 2023, Me Eric Lanzarone, spécialisé en droit public, obtenait la désignation d’un expert médical chargé de dire s’il existait ou non un lien entre la vaccination de sa cliente et la maladie qui s’était déclarée. Mais voilà que plus de quinze mois plus tard, la justice n’a toujours pas tranché. Pire : l’expert ne s’est toujours pas prononcé ! L’avocat, curieux de nature, est allé de surprise en surprise.
« Liens d’intérêts » et « conflits d’intérêts »
Au fil de ses investigations, il a, en effet, découvert plusieurs « conflits d’intérêts » qui l’ont conduit à solliciter du juge, soit le remplacement, soit la récusation du premier expert désigné, puis du second. Un premier expert, biologiste de formation, qui s’adresse à l’avocat pour s’enquérir du degré de solvabilité de sa cliente afin d’être sûr d’être payé, et que l’avocat juge incompétent. Un même expert qui demande un sapiteur rhumatologue, ce que l’avocat estime relever davantage des conséquences que des causes. Un expert qui démissionne. Puis un juge qui, en juillet 2023, désigne un nouvel expert, dont l’avocat va découvrir qu’il est lié à l’industrie pharmaceutique, voilà qui est troublant.
Un expert au service d’un laboratoire qui mène des essais cliniques sur un médicament distribué par la firme Pfizer, c’est-à-dire la « cible » même de l’avocat de la victime, n’est-il pas en conflit d’intérêts ? Peu de médecins le reconnaissent. Beaucoup se retranchent derrière ce qu’ils nomment « lien d’intérêts », se refusant à invoquer un quelconque « conflit d’intérêts ». Mais ne jouent-ils pas sur les mots ? Ont-ils réellement un regard indépendant sur le dossier ? On peut en douter. Car si la pratique est certes à la baisse, les colloques, petits-déjeuners, voyages, cadeaux, vins fins et autres « goodies » distribués aux médecins experts sont encore légion.
Le site « Transparence-Santé » : entre promesses et vérités
Sur le site public « Transparence-Santé », mis en place depuis l’affaire du Médiator, les experts ont l’obligation légale de déclarer leurs « liens d’intérêts ». Mais le système reste déclaratif. Qui en contrôle la véracité ? « Sûrement pas l’Etat », fait observer Me Lanzarone. De plus, le système est bancal. Les experts sont le plus souvent des « mandarins », peu habitués à la contradiction au cours de leur vie professionnelle. Et le juge se retranche inexorablement derrière la parole de l’expert, qu’il n’ose contrarier.
« Il se contente de compter les points sans contrarier l’expert. Du coup, le système arrange tout le monde : l’avocat qui rédige ses dires et se fait payer, le juge qui valide l’expert, à qui le rapport de l’expert donne une légitimité dans la décision, et l’expert qui se trouve conforté dans sa position. Et le système se trouve ainsi perpétué. La justice n’est pas rendue au nom du peuple français, elle est rendue au nom des experts médicaux ! », s’agace l’avocat marseillais.
« Dans un dossier, j’en suis à mon sixième expert ! »
« Dans un dossier, à Paris, j’en suis à mon sixième expert. C’est typiquement franco-français », déplore encore Me Lanzarone. « Dans un autre, de myocardite fulminante (NDLR : une inflammation rare mais soudaine du muscle cardiaque), j’ai même découvert 32 conflits d’intérêts avec le laboratoire Pfizer ! ».
Comment cela se passe-t-il à l’étranger ? De l’aveu des spécialistes, « les juges ont une déontologie plus forte ». Ils y seraient davantage occupés à désigner des experts « indépendants de l’industrie pharmaceutique ».
Quant aux experts, aiguillonnés par la critique, ils n’hésitent pas aujourd’hui à fustiger « l’arrogance » de l’avocat qui pointe les failles d’un système, dès lors que leur bonne foi est suspectée, et n’hésitent pas à écrire au juge, comme certains l’ont fait, pour lui rappeler qu’il n’est « pas médecin, juste avocat »…« La vie tout entière des victimes dépend de ces rapports d’expertise »
« Ce qu’on oublie, c’est que la vie tout entière des victimes dépend de ces rapports d’expertise et de leur contenu. C’est l’écosystème que je dénonce », insiste volontiers Me Lanzarone. En effet, la conclusion d’un expert, le lien de causalité établi ou non entre un vaccin ou un médicament déterminera ou non l’attribution d’indemnités, souvent conséquentes, pour le malade. Or, chacun sait que dans le petit monde des experts, tout le monde se connaît. Aussi, Me Lanzarone est-il favorable à une collégialité accrue dans l’expertise rendue.
En attendant, les délais s’allongent. Il faut fréquemment compter plus d’un an pour obtenir une désignation d’expert sans ambiguïté aucune et encore deux ans pour que l’expert rende son rapport et que le juge se prononce sur ce fondement.
Pour une inversion de la charge de la preuve
Sans le vouloir vraiment, Me Lanzarone, qui gère à ce jour 200 dossiers de ce type dans son cabinet – il reçoit dix appels par jour pour des gens qui veulent engager des contentieux -, mais a perdu 75 dossiers en un an, « parce que les gens n’avaient pas le courage d’attendre », dit-il, est en train de se faire une tête de croisé des conflits d’intérêts dans l’univers médical.
Comme cette jeune femme qui continue de souffrir d’une pathologie oculaire grave, et qui l’a consulté après une vaccination Covid, suivie d’un voyage en avion, lequel aurait déclenché un gros problème cardiaque. A ce jour, la justice répond souvent à ses demandes par la formule : « Rien n’explique la pathologie observée, sauf le vaccin ». Lui aspire à ce que la charge de la preuve soit inversée. « Moi, je dis : aux industries de démontrer le contraire ! », reprend Me Lanzarone.
D’ailleurs, il n’exclut pas, face à ce phénomène qu’il dénonce avec vigueur, d’attaquer l’Etat devant le tribunal judiciaire de Paris, pour « défaillance du service public de la justice ». Des juges auront-ils le courage de lui donner raison ?
Source : Mes Infos
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