L’autrice est docteure en philosophie et essayiste
Le mois dernier, j’ai été invitée par un professeur de sociologie d’un collège de la grande région de Montréal à participer à une conférence sur la question du sexe et du genre dans le cadre d’une Semaine des sciences humaines qui avait lieu dans cet établissement.
La question de la réalité des sexes apparait incontournable quand on veut réfléchir sur le corps, la sexualité et le féminisme, sujets qui m’intéressent d’un point de vue philosophique depuis une bonne vingtaine d’années. Je ne peux, dans ce contexte intellectuel, me dispenser de recourir aux concepts de femme et d’homme (j’ai expliqué cela de manière plus approfondie dans un article des Cahiers Société). J’ajouterais que nous sommes tous concernés par cet aspect inéluctable de notre anatomie, puisque le sexe est une condition de notre humanité.
Or, les organisateurs ont décidé d’annuler la conférence, suite à des pressions de professeurs et d’étudiants jugeant le sujet trop « sensible ». Selon certains d’entre eux, le simple fait d’aborder la réalité des sexes relèverait de la « transphobie », un terme utilisé de manière très élastique, de nos jours.
Ce sont des raisons similaires qui ont mené récemment à l’annulation de la conférence de la sociologue britannique Alice Sullivan par le ministère de la Justice du Canada. On a fait savoir à cette experte en collecte de données de l’University College de Londres qu’elle ne pouvait parler de la variable du sexe au Canada.
Nous sommes en droit de nous demander s’il est encore possible de parler de l’anatomie humaine dans nos institutions d’enseignement ainsi que dans nos instances gouvernementales? Sommes-nous maintenant sommés de nous taire face à des individus ayant décidé qu’une théorie de l’identité de genre, souvent incohérente et loin de faire l’unanimité, devait dorénavant triompher dans les murs des institutions d’enseignement, jusqu’à rendre inaudible la mention de notre réalité d’être sexué? Est-il encore possible, dans un tel contexte, d’émettre des désaccords et de défendre la liberté d’expression?
L’humain peut certes chercher à se défaire des traditions et remettre en question les rôles sociaux associés culturellement aux sexes (que plusieurs appellent le « genre »). C’est d’ailleurs ce que font les féministes depuis très longtemps et je m’inscris dans cette volonté de se défaire des injonctions sociales.
Mais les humains, comme dans le règne animal, se déclinent en femelles et en mâles, les femmes et les hommes. Quelle est la logique de censurer des personnes rappelant des définitions provenant de dictionnaires et une description de l’appareil reproducteur féminin telle qu’indiquée dans les ouvrages de références en biologie? Doit-on craindre que des ouvrages que l’on trouve dans des bibliothèques et des librairies soient également dans la mire de militants pour qui rien ne devrait leur rappeler cette réalité?
Le point de vue que je défends est celui de reconnaitre la réalité des sexes, tout en célébrant la pluralité des expressions de soi chez l’humain. Aussi, je ne considère pas qu’il existe une sorte de sentiment fixe que l’on pourrait appeler « femme ». Je ne considère pas non plus que « femme » est un mot duquel on peut se réclamer sans autre paramètre que sa volonté individuelle. Si un mot n’a pas de définition commune, il ne veut tout simplement rien dire.
Le biologiste François Chapleau, constatant les faussetés propagées par du matériel pédagogique au sujet des sexes, a récemment présenté une série de capsules vidéo rappelant une vérité pourtant bien connue depuis longtemps : c’est par la rencontre d’un gamète mâle et d’un gamète femelle que nous assurons la reproduction de notre espèce. La femme et l’homme sont les deux types d’humains nécessaires à la reproduction de l’espèce. Le fait qu’il existe de rares anomalies, des chirurgies (comme l’hystérectomie) et un manque d’intérêt pour la reproduction chez certains ne change pas le fait d’être l’un ou l’autre sexe.
Il est nécessaire de pouvoir aborder la question des sexes, qui s’avère une connaissance fondamentale. Ne permettons pas aux institutions d’enseignement d’être sous le joug d’une idéologie qui cherche à s’imposer en forçant son adhésion auprès de l’ensemble des étudiants et des enseignants. Les plus grandes victimes de ce climat de terreur intellectuelle, de cet interdit de penser, ce sont d’abord les étudiants, qui ont le droit d’avoir accès à la connaissance et à la réflexion.
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal