La WWIII qui se mordait la queue
Note de PhG-Bis, préliminaire et d’importance opérative : l’emploi de l’acronyme WWIII (‘World War Three’), signifiant Troisième guerre Mondiale, nous paraît beaucoup plus ‘swing’, – quoique franglais (mais il y a tant de mots français [plus de 500] utilisés par les franco-américanistes, – pour un emploi raccourci désignant l’événement dont nous parlons sur un certain rythme.
D’abord, qu’on se rassure pour la suite immédiate (dans les 48-72 heures) des événements, pour nous Européens. Ce week-end, le ‘Financial Times’ a fait paraître un article sur le ragot courant qui s’affirme à Washington ces dernières 48 ou 72 heures : les ‘ChinaHawks’. Je vous cite quelques déclarations sans fioritures de “sources au Pentagone” que nous rapporte Mercouris, lecteur prvilégié de cet article.
« Nous avons raté notre affaire en Ukraine. Maintenant, il faut passer aux choses sérieuses, c’est-à-dire la Chine. Il ne faut pas que les Européens comptent sur nous pour leur affaire ukrainienne, au contraire nous allons retirer des troupes d’Europe pour les envoyer en Asie-Pacifique. Nous ne pouvons pas soutenir les deux conflits, il faut choisir le plus important… »
Et bla bla bla… Ce qui était une « Soudain, situation critique » du 25 mai sur notre site, reflétant une situation des 23-25 mai, serait devenue une pseudo-“situation critique”, complètement secondaire pour le Pentagone. Il faut s’y faire, c’est la géostratégie du ping-pong qui n’interdit pas un nouveau changement demain ou après-demain, sur un smah lifté irrésistible. Nous, quand nous suivons un peu l’actualité (le moins souvent possible), nous faisons des titre qui ne valent plus rien deux jours plus tard ; ce n’est pas de la FakeNews, c’est de la JokeNews.
Faut-il prendre tout cela au sérieux ? Grave question. Pour un point, je répondrais par l’affirmative. L’épisode ukrainien nous a montré que tout le monde s’habitue insensiblement à la possibilité de l’usage de l’arme nucléaire sur le champ de bataille… Les penseurs américanistes-occidentaux, qui en parlent énormément, ricanent et coassent cyniquement que les Russes en parlent par pur bluff. Dans sa ‘Défaite de l’Occident’, Emmanuel Todd leur répond par sa thèse de « l’homme rare » (la démographie déclinante de la Russie) :
« La nouvelle doctrine [russe], tenant compte de la pauvreté en hommes, autorise, elle, des frappes nucléaires tactiques si la nation et l’État sont menacés. […]
» L’une des caractéristiques des pratiques diplomatiques et militaires russes (à l’opposé de celui des États-Unis), est la fiabilité de ses engagements. […]
» Si elle a théorisé la possibilité de frappes nucléaires tactiques en cas de menace directe à sa souveraineté, l’OTAN doit se le tenir pour dit. Elle [la Russie] tiendra sa promesse. »
Ce n’est pas si mal vu mais l’OTAN n’est pas réputée pour sa vue perçante… Elle n'y verra que du feu (nucléaire évidemment).
Les annonceurs de catastrophes habituelles
Un autre point qui ne me laisse pas indifférent et de la même sorte que la réflexion précédente est notre propension presque parkinsonienne à placer l’hypothèse de le Troisième Guerre mondiale (WWIII pour les amis) au moindre propos. Cela va avec le nucléaire, certes, et nous montre avec quelle aisance le système de la communication nous a troué comme un gruyère de toutes les possibilités d’apocalypse comme si nous vivions décidément dans un blockbuster hollywoodien. Le nombre d’avertissement d’une WWIII qui nous sont donnés est vertigineux et ne fait l’objet d’aucun commentaire particulier. Un exemple (quatre en réalité) le week-end dernier :
• Trump annonce qu’il veut arrêter la “marche de Biden vers le Troisième Guerre mondiale”. Louable intention.
« Trump promet d'arrêter “la marche de Biden vers la Troisième Guerre mondiale”.
» Le candidat républicain présomptif s'engage à mettre fin à l'implication des États-Unis dans les “guerres des autres”. »
• Le courageux Premier ministre hongrois Orban continue sa croisade hebdomadaire contre la folie de l’UE et de l’OTAN. L’expression WWIII n’est pas employée, mais elle est bien là, dans l’esprit de la chose ; quant à Orban, malgré tous les efforts de la coalition sans nombre des cloportes sataniques du Système, cette sale bande ne parvient décidément pas à s’en débarrasser, – ce qui est une circonstance particulièrement réjouissante et un excellent exemple qu’il suffit de les tenir à distance avec un doigt, sinon un bras d’honneur.
« Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a déclaré dimanche qu'il n'avait jamais vu une plus grande irresponsabilité que l'implication de l'Europe dans le conflit en Ukraine sans en calculer le coût.
» “L'Europe est tellement impliquée dans la guerre qu'elle n'a même pas une estimation de l'ampleur des coûts et des moyens nécessaires pour atteindre son objectif militaire. Je n'ai jamais rien vu de plus irresponsable de ma vie"”, a déclaré Orban dans une interview à la chaîne YouTube Patriota. »
• Chez le Serbe Vidic également, le concept de WWIII est non-dit mais bien présent sous la forme d’une comparaison avec la WWII.
« Un dirigeant européen avertit que le monde “court à la catastrophe”.
» Le conflit ukrainien pourrait dégénérer en une guerre mondiale qui serait une “plus grande tragédie que la Seconde Guerre mondiale”, avertit le président serbe Aleksandar Vucic. »
• Bien entendu, Medvedev, qui garde toute son influence sur Poutine en figurant son aile extrémiste, répond aux propos assez étranges et menaçants du ministre des affaires étrangères polonais Sikorski. Il le fait à sa manière, sans ménagement, face à un Sikorski qui semble s’être composé pour la vie le visage de l’inaltérable “méchant” hollywoodien, en affirmant (à ‘The Guardian’ en plus, – mazette !) que les américanistes-occidentalistes qui prennent leurs consignes à Washington iront jusqu’à Moscou remettre au pas tout ce beau monde après avoir tout détruit de moscovite en Ukraine, – vaste programme…
« “Les Yankees n’ont jamais rien dit de tel, parce qu’ils sont plus prudents que les Polacks”, a déclaré Dmitri Medvedev ce 26 mai sur tweeterX. Le vice-président du Conseil de Sécurité russe réagissait après que le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, ait affirmé dans un entretien publié la veille par ‘The Guardian’ que Washington avait menacé de riposter si la Russie venait à utiliser des armes nucléaires en Ukraine.
» Sikorski a estimé que la Russie ne s’imposait peu ou pas de lignes rouges en Ukraine, se disant toutefois sceptique sur l’emploi d’armes nucléaires par Moscou. En raison, selon le ministre polonais, de menaces de Washington : “les Américains ont dit aux Russes que s’ils font exploser une bombe nucléaire, même si elle ne tue personne, ‘nous atteindrons toutes vos cibles et positions en Ukraine avec des armes conventionnelles, les détruisant toutes’”. »
» Selon Sikorski, l'UE ne devrait pas avoir peur d'aggraver la situation et ne devrait pas s'imposer de limites, de manière à laisser Moscou dans l’incertitude. Un concept d’“ambiguïté stratégique” aussi revendiqué par le président français Emmanuel Macron, qui n’a pas exclu la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine, en dépit des avertissements répétés de Moscou. »
La WWIII comme station balnéaire
La fureur sans frein devant les succès russes en Ukraine des dirigeants occidentaux provoquent effectivement ces craintes d’une Troisième Guerre mondiale (WWIII). C’est le cas absolument archétypique de l’impuissance face à une réaction totalement imprévue sinon inacceptable d’une puissance qui devait être bousculée et vaincue en quelques mois, – qui, littéralement, à force de gagner contrairement au script minutieux qui lui a pourtant été communiqué, ne mériterait pas de vivre plus longtemps, comme on rompt brutalement le contrat d’un mauvais acteur. D’où l’idée de saucissonner la Russie en plusieurs lambeaux de Russie, bien entendu, cela après l’avoir vaincue au terme d’une WWIII, – mais pour ce dernier cas, le cas n’est pas évident.
Car pendant ce temps, les populations rechignent et couvrent de quolibets leurs dignes représentants. On lui parle de WWIII comme s’il s’agissait d’un championnat où il sera facile de l’emporter, d’une station balnéaire à bas prix ; en attendant, il faut se serrer la ceinture et vivre chichement selon une orientation qui semble n’avoir aucun sens sinon celui du moins-donnant et du moins-protégeant. Drôle de façon d’agir que songer à une WWIII pour amadouer le peuple, mais qu’espérer d’autre avec un personnel dirigeant regroupé en troupeaux de moutons suivant un berger inexistant puisqu’il apparaît que Joe Biden est une poupée de son qui ne parvient qu’à susciter des rhumes des foins chez ses conseillers.
…D’où la réaction de surprise de certains experts qui doivent bien essayer de comprendre cette obsession où l’on est de nous plonger continuellement dans la possibilité d’une WWIII (avec Taïwan en plus, pour faire bon poids). Voici un exemple :
« Compte tenu de ces sombres indicateurs politiques et culturels intérieurs, les dirigeants chercheront-ils un conflit mondial pour détourner l’attention de leurs propres échecs ? C’est la crainte de l’auteur Jeremy Kouzmarov, qui est apparu vendredi dans l’émission Fault Lines de Sputnik pour discuter du désespoir croissant de la classe dirigeante occidentale alors que l’État fantoche ukrainien soutenu par les États-Unis est sur le point de s’effondrer.
» “Ces dirigeants semblent vouloir une guerre mondiale”, a déclaré Kuzmarov, rédacteur en chef du magazine Covert Action. “C’est peut-être ce qu’ils veulent. Je veux dire, ils perdent, ils ont perdu leur crédibilité en matière de gouvernement intérieur. Mon sentiment est qu’il s’agit d’une stratégie, qu’ils provoquent des conflits à l’étranger pour détourner l’attention du public de leur mauvaise gestion intérieure et de la corruption”. »
Mais le problème n’est pas si simple. Avec cette sorte de philosophie, on rejoint vite la logique de Sikorski qui implique à plus ou moins longue échéance le déploiement de troupes de l’OTAN en Ukraine, et sans aucun doute avec des conscrits tant les rangs des armées actuelles sont clairsemés et équipés d’imitations en bois de fusils d’assaut ou de canon sans obus de forme oblongue immédiatement disponibles. Kouzmarov envisage le pire, c’est-à-dire qu’on en arriverait tout de même, à force de câlineries diverses, à convaincre les ‘Yankees’ d’envoyer quelques ‘boots on the ground’
« “Les Russes sont en train de gagner et l'Ukraine manque de munitions et de personnel”, a noté Kouzmarov. “Vous pourriez commencer à voir des manifestations comme à l’époque du Vietnam s’il y avait des troupes américaines sur le terrain. Je pense que le public commencerait vraiment à s’interroger davantage sur ce qui se passe.
» “Donc, je ne sais pas s'ils pourraient le faire politiquement à moins de recourir à des normes de plus en plus autoritaires dans leur pays, ce qui semble être ce qui se passe. Mais, encore une fois, vous allez subir une réaction politique intérieure. Je pense donc qu’ils sont en difficulté, et c’est pourquoi nous constatons ces menaces imprudentes et ces comportements très imprudents. Et j’espère que cela ne provoquera pas une troisième guerre mondiale, ce à quoi cela pourrait conduire”. »
Ainsi, le danger d’une Troisième dernière (WWIII) agitée comme une menace, voire une punition pour ces Russes récalcitrants ressemble de plus en plus à un serpent tournant comme une toupie pour se mordre la queue : agiter le spectre de cette guerre folle pour faire oublier au bon peuple ses sacrifices patriotiques mais attiser la grogne du bon peuple patriotique qui se demande ce qu’il y a de patriotique là-dedans.
Pour conclure dans tous les sens et sans nécessairement donner un sens à toute cette agitation qui n’en a aucun… Lorsque le serpent parviendra à ses fins et se mordra la queue (il s’agit d’une image) se posera une terrible question : sera-ce celle des Russes enfin vaincus ou celle des bons peuples patriotiques qui en auront assez de la cohorte de moutons aveugles qui les conduisent dans l’abysse sans fond, et finalement les y pousseront sans les suivre ?
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org