Un « risque colossal »
26 mai 2024 (13H35) – Parmi les dernières attaques lancées par les Ukrainiens contre la Russie, il y a celle qui a visé et touché le radar géant d’Armavir, qui fait partie du réseau de détection d’attaques nucléaires stratégiques contre la Russie (donc, nécessairement ou à à 99,9%, d’attaques stratégiques US). Larry Johnson notait, dans l’extrait de son article que nous publiions hier :
« Apparemment, l’Ukraine a attaqué un radar russe d’alerte avancée pour les missiles balistiques à Armavir, en Russie. Cette destruction de ce nœud radar particulier a une utilité militaire directe limitée pour l’Ukraine, en raison de sa couverture. Je suppose que quelqu'un veut vraiment tester la stabilité [de la situation]. »
Malgré la réserve de taille sur laquelle Johnson ne s’étendait nullement (« une utilité militaire directe limitée »), le sénateur Rogozine, ancien représentant de la Russie à l’OTAN et ancien ministre de l’industrie d’armement, mais toujours de la même humeur et le sang aussi bouillonnant, a réagi avec une grande vigueur.
Rogozine est leader d’un petit parti ultra-nationaliste, partisan de ripostes fortes contre les agressions américanistes-occidentalistes. Sa réaction est donc à mesure.
« Dans une déclaration sur Telegram samedi, Rogozine, un sénateur qui dirigeait auparavant l'agence spatiale russe Roscosmos et est désormais responsable d'un centre technique militaire appelé Loups du Tsar, a déclaré que l'attaque visait un système d'alerte nucléaire avancée dans le sud de la région de Krasnodar. Le ministère russe de la Défense n’a pas encore commenté la question, tandis que l’étendue des dégâts reste floue. […]
» Rogozine a affirmé que “la profonde implication de Washington dans le conflit armé et son contrôle total sur la planification militaire de Kiev signifient que la version selon laquelle les États-Unis ne connaissent pas les plans ukrainiens visant à frapper le système de défense antimissile russe peut être rejetée”.
» L'attaque visait apparemment une station radar avancée de Voronezh dans la ville d'Armavir, qui est entrée en service en 2013. Le système peut détecter des missiles de croisière et des missiles balistiques à une distance de 6 000 km et peut suivre jusqu'à 500 cibles. Lors de l'inauguration du système, le président russe Vladimir Poutine a déclaré qu'il augmenterait considérablement les capacités de défense du pays dans les directions sud et sud-ouest. »
La station d’Armavir, qui fait partie d’une série de huit du type ‘Voronezh’, fait effectivement partie de l’ensemble de repérage et de défense de la force nucléaire stratégique russe. Selon Mercouris, l’attaque a eu lieu avec des drones, et non avec un missile ATACM comme certains l’avaient avancé ; les dégâts seraient minimes et aisément réparables en quelques semaines. On ajoute quelques mots du plus récent article de Larry Johnson, qui revient sur le sujet en minimisant très fortement l’importance de l’attaque et de ses effets :
« Malgré mon inquiétude initiale concernant l'attaque ukrainienne sur le site radar ICBM russe de Voronezh, les médias russes n'accordent que peu d'attention à la question. On ne sait pas exactement ce qui a frappé les bâtiments. Il ne semble pas s'agir d'un missile ATACM. Le trou percé sur le côté du bâtiment touché ne présente aucun signe d'incendie ou de force explosive. Il s'agit simplement d'un trou. Il s'agit néanmoins d'une grave escalade de la part de l'Ukraine. Cela revient à frapper un immeuble civil à Belgorod. Cela ne renforce pas les capacités tactiques ou stratégiques de l'Ukraine et n'affaiblit pas celles de la Russie. Il s'agit d'une violence gratuite, comme si l'Ukraine avait fait un trou dans un mur… »
L’absence de réaction de la défense aérienne russe semble explicable tout simplement par l’absence tout court de défense aérienne, les militaires russes n’ayant pas envisagé une attaque contre un objectif effectivement sans aucun intérêt pour les Ukrainiens. La chose devra être rectifiée, sans doute aussi pour les autres stations, et sans aucun doute dans la mauvaise humeur que devrait avoir manifestée Poutine.
L’hypothèse selon laquelle ce sont les opérateurs US qui sont intervenus dans cette attaque est bien entendu prédominante et Mercouris évoque le cas où les Russes pourraient en avoir la certitude dans ce cas, – ou dans d’autres du même type.
« Ce serait prendre un risque colossal tant les Américains “offrent” aux Russes de si nombreux objectifs du même type sans aller jusqu’à une intervention sur le territoire continental US, avec leurs très nombreuses bases dans de très nombreux pays. Les attaques pourraient se faire avec un haut degré de déni possible.
» S’il s’avère que ce sont bien les Américains qui ont déclenché cette attaque, il s’agit effectivement d’un risque colossal qui montre la position désespérée où se trouvent les USA pour tenter d’arrêter la Russie… »
Mercouris évoque d’autres possibilités, déjà suggérées par Medvedev, comme celle d’une attaque russe contre les centres de rassemblement des systèmes d’armes américanistes-occidentalistes devant être répartis en Ukraine. Ces centres se trouvent quasiment en Pologne, ou sur la frontière polonaise de l’Ukraine…
« Comment la Russie pourrait-elle utiliser une bombe nucléaire tactique ? Je vais publier ci-dessous la récente interview vidéo de Danny Davis avec [le professeur] Ted Postol. Ted parle de la différence entre les ogives tactiques et les ogives stratégiques. L'une des options possibles (mais une option de dernier recours pour les Russes) consiste à utiliser une ogive d'une kilotonne sur un aérodrome ou une base ukrainienne, comme Yavoriv, dans l'ouest de l'Ukraine, près de la frontière avec la Pologne. Yavoriv est une base de facto de l'OTAN et a été utilisée pour stocker des armes et entraîner des forces mercenaires. » (Johnson)
Ainsi, le cercle est-il en train de s’agrandir et l’attaque d’Armavir, par le fait qu’elle s’attaque à des éléments des forces stratégiques russes, constitue la démonstration implacable que les Russes ne pourront en aucun cas accepoter une Ukraine qui ne soit pas complètement neutralisée et hors de l’influence US. La preuve est faite qu’on peut en effet, à partiur de l’Ukraine, toucher des points vitaux du système de sécurité central de la Russie. Il s’agit bien, pour la Russie, d’une guerre existentielle qu’il n’est pas question de perdre.
Nous sommes arrivé au temps des interrogations sérieuses.
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org