« L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. » Cette conception de l’histoire occidentale telle que décrite par Valéry sied bien aux orientations du gouvernement du Québec dans sa recherche d’un tronc politique de l’histoire par la création d’un Musée national de l’histoire du Québec (MNHQ).
Ce sont ces prédispositions tendancieuses qui nous ont été soumises par les responsables politiques du projet. Cette histoire écrira les bonheurs et les malheurs, les succès et les échecs de la nation du Québec sans chercher à nuancer les caractéristiques et les différences des sociétés. En fait, devant ce manque de raisonnement scientifique, Québec baignera dans une série de récits épars au lieu de miser sur une démarche historique qui aurait su mettre en avant son ascendance éthique sur les esprits, la reconnaissance des peuples et une saine vérité sur les consciences.
Il n’y a pas deux types d’humains, ceux avec l’écriture et les autres, sans écriture. Un responsable du dossier mentionnait les peuples sans écriture, pour qui une histoire à leur mesure serait, selon lui, impossible : point d’écriture, point de passé, ni de civilisation, ni de réalités actuelles. J’y ai reconnu la pensée coloniale et d’inégalité qui a primé lors de la création du Canada. La Coalition avenir Québec (CAQ) copie aujourd’hui les postures ultraconservatrices pour nous arroser d’un nationalisme étriqué sans commune mesure avec nos sociétés modernes et nos valeurs de changement.
L’écriture a fait un carnage
Les sociétés sans écriture sont aussi riches et nanties dans leur cheminement avec leur passé, et cela grâce à leur oralité et à leur tradition orale. À ce niveau, il n’y a pas de falsification ni de doute dans la transmission de faits de bouche à oreille : les faits restent, comme lors de leur transmission, authentiques malgré les divers locuteurs et le passage du temps. L’écriture est une espièglerie manipulée aux fins des intérêts individuels et collectifs. L’écriture a fait un carnage de l’identité des existences des Premiers Peuples par le sabotage de leurs identités, de leurs terres, de leurs spiritualités et par la transgression de leur mode de vie.
Un seul coup de crayon a modifié les circonstances du vivre ensemble, la définition de l’égalité et d’une souveraineté ancestrale, à jamais souillée.
La CAQ entreprend un chantier sur l’histoire nationale qui correspond à la mise au rancart de pans et de joyaux de cette histoire pour les rétrograder à la somme de fictions inexistantes ou incomplètes pour ne pas brouiller la nouvelle option de l’histoire nationale. On réduit la taille du flux de l’histoire pour n’en garder que ce qui est rentable pour un « patriotisme nationaleux » qui pourrait plaire à une galerie de voyeurs sans option politique.
Champlain à la pointe de Saint-Mathieu ne constitue pas le début de l’épopée, il salue plutôt la continuité légitime de l’histoire et de la présence des Premiers Peuples malgré certaines ruptures. C’est là où s’est incarné le premier traité de droit international, qui a fixé l’essence même des rapports entre la France et les Premiers Peuples de Mamit. Ces rapports ont eu des conséquences positives et harmonieuses pour la quiétude de cette Nouvelle-France.
Comment pourra-t-on évacuer ce passage d’honneur des relations entre les peuples dans la nouvelle politique du MNHQ sinon par une « déshistorification » permettant l’oubli et la parution de récits de circonstances qui serviront à promouvoir les plans gouvernementaux dégagés de l’analyse des enjeux et défis collectifs fondamentaux ?
Le projet de musée d’histoire du Québec doit être collectif et inclusif, et non faire des succursales parcellaires d’épopées gratifiant une certaine élite.
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