L’ANGOISSE DE SEXUATION PUBERTAIRE – ASP

 » Une nouvelle proposition clinique « 

Une nouvelle entité clinique ?

L’édition numérique de la Revue Psychiatrie Française publie cette proposition clinique dans le cadre de sa rubrique intitulée « Clinique de la Relation. A la recherche d’une nouvelle sémiologie ». Cette publication est une contribution à une recherche clinique qui est et se doit d’être en dehors de toute position idéologique et politique.

Cette proposition clinque concerne uniquement les adolescents et essentiellement les adolescentes qui souhaitent changer de sexe et expriment le souhait de devenir des garçons. Cette étude ne concerne pas les personnes adultes qui souhaitent changer de sexe.

Les auteurs souhaitent que les praticiens qui reconnaissent la validité de cette proposition clinique, puissent exprimer leur accord par une signature en prenant contact par un courriel à l’adresse mail suivante : ASPpropositionclinique@gmail.com

Cliquez ici pour consulter la liste des signataires.

Entretien avec Céline Masson – Coauteur

En introduction ou en complément de cet article, nous vous proposons de visualiser l’interview d’une des auteurs : Céline Masson, qui explique cette proposition clinique. Pour y accéder, cliquer sur l’image « YouTube » !

L’ANGOISSE DE SEXUATION PUBERTAIRE – ASP

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde », Albert Camus, 1944.

Si Camus a forgé sa réflexion tant de fois citée dans le contexte particulier de la manipulation des esprits par la propagande totalitaire, nous souhaitons proposer, en tant que professionnels et chercheurs, un regard objectif et une terminologie précise sur ce que l’on nomme « dysphorie de genre » (ou « incongruence de genre ») afin de définir de manière raisonnée les troubles de la sexuation adolescente : nous parlerons désormais d’« angoisse de sexuation pubertaire » (ASP).

1. Une description prosélyte

Depuis plus de dix ans, un mouvement activiste s’est efforcé de définir des droits et des normes de soins médicaux spécifiques pour les personnes s’estimant « transgenre ». Les professionnels de santé qui adoptent leurs recommandations, doivent aider les mineurs qui se ressentent « trans » à faire leur transition sociale puis médicale en les accompagnant sans interroger leur demande.

Étant donné l’invention incessante de nouveaux genres (gender queer, gender fluid, agenre, xénogenre, libragenre, etc.), les cliniciens ne peuvent accepter comme réalités scientifiques des propositions provenant du champ de la militance et des modes sociales. D’autant que les discours autour du genre, conceptualisés dans le champ de la philosophie, se revendiquent ouvertement de la « subversion politique » et présentent la transition de genre de façon poétique comme « un voyage extraordinaire » et comme une « révolution »(1).

Cette poétisation et cette politisation véhiculées par les médias, sortent radicalement du champ médical. Si la dysphorie de genre, comme on le verra, n’est plus une pathologie, est-elle pour autant une norme sociale désirable ? Si l’on prétend être « non-binaire », pourquoi cela devrait-il aboutir à des soins médicaux ? Et si le genre est « fluide » et changeant, est-il raisonnable de proposer des modifications du corps irréversibles ? Les adolescents qui cherchent un sens à leur malaise sont lourdement influencés par cette médiatisation trompeuse à laquelle les médecins transaffirmatifs adhèrent sans retenue.

Aujourd’hui, la notion de genre qui s’est imposée dans les milieux intellectuels, dans la société et jusque dans la médecine sans avoir fait l’objet d’une conceptualisation proprement médicale autre qu’intuitive, doit être réexaminée, dans ses contradictions et ses biais. La croyance selon laquelle un mal-être peut être résolu par un changement de sexe ne possède aucun fondement empirique et constitue un leurre : on ne change pas de sexe, mais seulement d’apparence physique, non sans conséquences médicales. L’idéologie trans prétend « guérir » un mal-être psychologique auto-diagnostiqué par des bloqueurs de puberté, des traitements hormonaux, des mastectomies. Or, s’il y a un trouble d’ordre psychologique, il doit être envisagé comme tel et clairement décrit à partir d’une nosographie rigoureuse. Il est dangereux d’admettre, par simple idéologie, qu’un ressenti psychologique trouve mécaniquement une solution hormonale ou chirurgicale, qu’un changement d’apparence du corps soit forcément le remède à un questionnement identitaire s’agissant de jeunes personnes en pleine construction, physique et psychologique. Le hiatus entre souffrance de l’adolescent et intervention sur le corps ne peut être banalisé et on ne peut considérer qu’il se résoudra sans prendre en compte la gravité des effets induits par des mesures invasives voire irréversibles sur le développement de l’adolescent.

2. Le diagnostic de « dysphorie de genre » remis en cause

Mais comment a été défini dans le champ psychiatrique le malaise des personnes qui s’identifient trans lorsqu’on sait que les classifications permettent aux professionnels de partager des informations standardisées et des prescriptions à travers le monde ?

Dans le DSM (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie), la dysphorie de genre, apparue en 2015, a remplacé le transsexualisme jugé discriminant. « Gender dysphoria » traduit par « dysphorie de genre »(2)décrit la détresse d’une personne qui se désigne transgenre en exprimant un sentiment d’inadéquation ou non-congruence entre son « sexe assigné » et son « identité de genre ». Pour poser ce diagnostic, la souffrance induite par l’inadéquation entre le genre vécu ou exprimé et le genre assigné doit durer au moins 6 mois.

En 2022, l’expression « incongruence de genre » est inscrite dans la Classification internationale des maladies (CIM).

Les associations transactivistes ont approuvé ces qualificatifs et surtout milité pour proscrire toute référence à la psychiatrie. Elles ont été exaucées car ces termes ont été déplacés de la rubrique « santé mentale » à celle de « conditions relatives à la santé sexuelle ».

Le rapport final de la pédiatre Hilary Cass qui vient d’être publié(3)(« Pour que les jeunes qui remettent en question leur identité de genre ou qui souffrent de dysphorie de genre reçoivent un niveau élevé de soins, qui réponde à leurs besoins, soit sûr, holistique et efficace ») souligne que le diagnostic de « dysphorie de genre » ou d’« incongruence de genre » n’a aucune valeur prédictive. Cela signifie qu’un jeune, quel que soit son âge, peut remplir tous les critères diagnostiques au jour J mais aucun critère fiable ne permet de savoir si ce sera toujours le cas plus tard, dans les prochains mois ou les prochaines années. Il y a donc un risque de surdiagnostic et de traitement abusif notamment pour les plus jeunes. On peut lire dans ce rapport : « les preuves actuelles suggèrent que les enfants présentant une incongruence de genre à un jeune âge sont les plus susceptibles de cesser avant la puberté, bien que pour un petit nombre l’incongruence persiste. »(4)

La conclusion est sans appel : le modèle de soins dit « d’affirmation du genre » qui traite les déclarations performatives d’identité de genre des jeunes adolescents comme une indication médicale à modifier le corps selon le désir du jeune est révolu en Angleterre.

Hilary Cass préconise une prise en charge globale qui suppose d’abord une psychothérapie de soutien afin d’explorer ces situations qualifiées de « gender-related distress ».

Voilà pourquoi nous remettons en question la qualification de « dysphorie de genre » pour décrire le malaise adolescent exprimé majoritairement de nos jours par des jeunes filles. Ce diagnostic est posé dans les services de genre et par des médecins de ville. Il est fortement influencé par le transactivisme : les directives émanent d’organismes militants qui ont forgé des diagnostics militants. Au nom de la défense de l’auto-détermination de l’enfant et de l’affirmation de genre dès l’enfance, la souffrance réelle de ces adolescents a été instrumentalisée et les pathologies associées déniées. Or, les prescriptions médicales qui en découlent sont radicalement remises en question non seulement en Angleterre comme on vient de le voir mais aussi dans plusieurs pays pionniers comme la Finlande et la Suède.

3. L’angoisse de sexuation pubertaire (ASP) : nouvelle proposition clinique

La pression physiologique, neuropsychologique et psychique pubertaire associée à l’apparition des caractères sexuels secondaires, bouleversent les repères de l’enfant. À cette période, l’enfant peut ressentir un mal-être plus ou moins profond qui le pousse à chercher autour de lui des repères identificatoires stabilisants. Il a tendance à fuir ce qui le dérange, là où il ne se reconnaît pas, et à être attiré par des offres séduisantes, apaisantes et valorisantes.

Voici comment nous, professionnels, proposons de formaliser cette forme de malaise adolescent que nous nommons à présent : angoisse de sexuation pubertaire (ASP).

Il s’agit d’un trouble caractérisé par le rejet massif et persistant des changements corporels, contemporain de l’apparition des caractères sexuels secondaires. Ce rejet est accompagné d’un sentiment de détresse qui rend l’habituation aux changements du corps particulièrement problématique.

Rejet et détresse peuvent s’exprimer par une ou plusieurs manifestations ayant un impact sur la vie sociale et familiale du jeune comme :

1. Détresse marquée et persistante pouvant aller de l’anxiété aux attaques de panique en lien avec l’apparition des caractères sexuels secondaires.

2. Préoccupations excessives et persistantes (ruminations, anxiété d’anticipation) liées à la perception, aux sensations ou à l’acceptation des changements corporels.

3. Honte de son physique en lien avec les caractères sexués du corps, notamment les seins pour les filles ainsi que le rejet des menstruations

4. Mise en place de stratégie d’évitement, d’hypercontrôle, de camouflage des caractères sexués

5. Peur, anxiété, angoisses ou attaques de panique dans une ou plusieurs situations sociales avec comme cause alléguée la peur du jugement ou celle de la perception par autrui des caractères sexués du corps.

6. Tristesse de l’humeur avec une culpabilité excessive et une possible dévalorisation en lien avec les changement et caractères sexués du corps.

7. Sentiment d’insécurité comme la peur d’une agression liée à la perception par autrui des caractères sexués du corps.

8. Peur intense du passage à l’âge adulte et d’une sexualité d’adulte, qu’elle soit hétéro/gay ou lesbienne

9. Changement d’humeur, intolérance, colère à la moindre frustration interprétée de façon rigide comme le sentiment d’être incompris.

Ces troubles se verront aggravés s’ils sont précédés et accompagnés de comorbidités comme :

– un trouble du comportement alimentaire

– une anxiété sociale

– un état dépressif

– des antécédents d’agression sexuelle et/ ou un état de stress post traumatique

– des troubles neurodéveloppementaux comme le trouble de l’attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H)

– des troubles du spectre autistique (TSA)

Ces jeunes « mal dans leur peau », s’interrogeant sur leur sexualité, cherchent sur les réseaux sociaux et/ou auprès de leur groupe de pairs à mettre des mots sur leur maux. Ils trouvent auprès d’influenceurs ou de sites transactivistes, dans certains discours médiatiques et universitaires (véhiculés aussi par les médias et les réseaux sociaux), une solution rapide et radicale qui abonde dans le sens du rejet de leur corps : « si tu te sens mal c’est que tu es trans ». Cet « auto-diagnostic » est fortement suggéré et renforce chez ces jeunes le rejet de leur corps et l’impossibilité de prendre le temps nécessaire pour s’adapter au changement.

Sous cette influence, le comportement qui s’ensuit est alors souvent le suivant :

– Affirmer la conviction d’être « né dans le mauvais corps » et de le savoir depuis l’enfance

– Refuser toute investigation de l’origine de leur malaise

– Affirmer l’existence de pulsions suicidaires en vue d’obtenir une prescription de bloqueurs de puberté ou d’hormones croisées (selon l’âge)

L’angoisse de sexuation pubertaire nécessite une grande prudence dans les réponses à y apporter :

– Les prescriptions hormonales doivent être proscrites avant la majorité

– Une évaluation complète (individuelle, familiale et sociale) ne peut pas être assimilée à une thérapie de conversion(5)

– La prise en charge thérapeutique (psychologique et psychopharmacologique) fondée sur des données probantes doit être adaptée à chaque situation d’ASP et aux affections concomitantes si elles existent

– Toutes les formes de prise en charge psychothérapeutiques sont valides en première intention.

Les professionnels de l’enfance, médecins, psychologues, psychanalystes, enseignants, juges des enfants et chaque citoyen peuvent, chacun à leur niveau, récuser une langue de bois auto-proclamée « progressiste » qui veut s’imposer comme norme non seulement sur le plan culturel mais jusque dans les décisions médicales. Mais un mauvais diagnostic ne peut conduire qu’à une mauvaise prise en charge. L’enjeu est capital car il concerne tant la liberté de penser et de s’interroger sans pressions politiques, que la santé des enfants et leur liberté de se développer sans emprise idéologique.

Par :

Céline Masson

– Psychanalyste, Professeur des universités

Caroline Eliacheff

– Pédopsychiatre, Psychanalyste

Jean Szlamowicz

– Linguiste, Professeur des universités

Thierry Delcourt

– Pédopsychiatre, Psychanalyste

Pamela Grignon

– Psychologue clinicienne TCC

Notes des auteurs :
  1. « Le message de Paul B. Preciado : ‘‘Rejoignez la révolution et soyez des monstres !’’. « Le corps comme paysage érotique. La transition de genre comme voyage. Ces images sont celles du philosophe Paul B. Preciado pour raconter sa métamorphose, le passage de la frontière de femme à homme. Pour lui, la transidentité est une des choses les plus belles et joyeuses qu’il ait jamais faites dans sa vie. » https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/chacun-sa-route/paul-b-preciado-la-transition-de-genre-est-un-voyage-extraordinaire-2670913
  2. Littéralement, le syntagme « dysphorie de genre » se décompose comme une « pénibilité » (dys- renvoie à la négativité et pherein, « porter », « supporter ») concernant « le genre », ce qui tend à faire de la notion de « genre » un concept opératoire alors qu’il n’existe aucun consensus sur la définition de ce mot.
  3. On peut consulter cet important rapport ici : https://cass.independent-review.uk/home/publications/final-report/ Et une synthèse : https://segm.org/Final-Cass-Report-2024-NHS-Response-Summary
  4. Rapport Cass, point 144, p.41
  5. La notion de « thérapie de conversion » est un épouvantail rhétorique créé par le transactivisme pour bloquer toute critique et pose, de manière arbitraire, qu’il existerait une essence « trans », ontologiquement établie. De façon évidente, c’est bien le « changement de sexe » qui consiste, littéralement, en une « conversion » afin d’atteindre un alignement putatif entre l’âme et le corps. Sur le sujet, voir Petite mystique du genre, François Rastier, Intervalles, 2023.

Source : Revue-psy

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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