Je me suis fait gauler à l’Intermarché de Venerque (31) — Maxime VIVAS

Je me suis fait gauler à l’Intermarché de Venerque (31) — Maxime VIVAS

Je me suis fait gauler à l’Intermarché de Venerque (31) pour avoir posé il y a une quinzaine de jours deux affichettes cartonnées de 7X12 cm, bien propres, sur des étalages de fruits made in Israël : « Produits d’Israël. 10 000 enfants assassinés ».
Vendredi matin, j’y retourne et il m’arrive des choses désagréables, disproportionnées par rapport à mon méfait potache qui n’a rien dégradé.

D’abord, alors que j’approche d’une caisse où il n’y a pas la queue, un jeune homme (stagiaire ?) me propose de le suivre vers « la caisse carte bleue  » (la caisse sans caissière) qui se trouve vers les bureaux du magasin. Je décline la proposition. C’est plus tard que j’ai compris : il fallait m’alpaguer avant ma sortie imminente du magasin où la liberté répressive et moralisatrice des tenanciers aurait été réduite à néant.

Devant cet échec, un homme d’une trentaine d’année vient me demander de le suivre et il se dirige vers les bureaux. Je commence à sentir un piège et, après avoir fait dix pas, je m’arrête et j’exige des explications. Il me dit alors que j’ai posé deux affichettes sur deux étalages de Kiwis et d’avocats (ou de pamplemousses, je ne sais plus), made in Israël. Par premier réflexe de vieux fourneau qui connaît les flics, je nie. Ne jamais avouer, vous savez bien (Pensez-y en GAV). Il me montre son Smartphone et dit : « Vous avez été filmé ».

Je croyais qu’on n’avait pas le droit de garder les vidéos. Bon, ils l’ont fait, ils les ont épluchées, ont suivi le malfaiteur à la trace, ont repéré la caisse où j’avais payé par carte bleue. Damned ! Je suis fait ! On sait tout de moi et même, (le sbire me le confirme) que je suis client depuis 30 ans (sans jamais avoir rien volé, cassé dégradé). Ah, hein, bon !

J’imagine l’effervescence, la fébrilité pendant des jours devant les écrans dans les bureaux en attendant mon retour :
– Regarde, Callaghan, c’est lui ! Fuck !
– T’es sûr Roddgerr ? Re-fuck !
– Yes, putain, con, the son of a bitch !
– On le dégomme ?
– Tu te prends pour Enrico ?
– Shit and fuck off, c’est vrai qu’on n’a pas encore le droit.

Bon, coup de bol, je suis pas mourru, le croiverez-vous  ? (mais l’émotion me perturbe grave, comme vous le voyez à me lire.

Ils ont la preuve. J’admets mon forfait et je contre-attaque (toujours penser à contre-attaquer après avoir lâché un aveu en GAV).

– OK, c’est moi. J’ai abîmé vos rayons, vos fruits, j’ai été grossier, impoli, insultant pour Intermarché ?

Et on s’est expliqués devant la clientèle, assez loooongtemps. Le gars parlait mal (à un moment il dit que je suis « antisime » ! ). Je lui fis répéter, il dit « antisime ».
Bueno, jusqu’à, présent, les médias m’avaient dénoncé comme : « idiot utile, dingo, auteur absurde, gauchiste, extrémiste, complotiste, porte-plume et perroquet des Chinois, fantaisiste, fondateur d’un site qui publie des articles d’extrême droite et, pour finir, le coup de grâce par le procédé de la reductio ad hitlerum, « rouge-brun », c’est-à-dire nazi. Mais « antisémite », personne encore ne l’avait fait.

De temps en temps le gars me prenait l’épaule pour m’entraîner, mais je suis resté planté. Je savais qu’ils n’allaient pas user de la force, me faire embarquer par des vigiles à cause de ce mini-méfait. Imaginez : je suis un individu blanc (comme ma barbe), de type caucasien, aussi âgé qu’un Vieux Fourneau, bien habillé, poli et maître de mes nerfs. Et avec des lunettes d’intellectuel !

Vous imaginez bien que j’ai parlé plus fort que lui (sans crier, rester classe) et que je n’ai pas baissé les yeux. Notons le déséquilibre des situations. Le type qui défend ses étalages de kiwis, d’avocats et de pamplemousses made in Netanyahou contre celui qui défend assez gentiment les mômes de Palestine.

J’ai quand même eu droit à une leçon de morale qui tourna un peu en rond (« je n’avais pas le droit » de commettre ce sacrilège). La loi !

Mézigue, conciliant : « D’accord, mais j’étais bouleversé par un reportage sur le massacre de 10 000 enfants palestiniens innocents. J’ai posé ces affichettes, je ne l’ai pas refait depuis. Mais vous, vous continuez à financer Tsahal ».

Pour finir, le défenseur du commerce israélien (et donc défenseur d’Israël) a commis l’erreur de sortir le gourdin symbolique, celui qui devait me faire plier : la menace du tribunal.

Ha, Ha !

Que pourrait-il m’arriver de mieux, de plus utiles aux Gazaouis, de plus préjudiciable à Intermarché, de plus néfaste pour le commerce avec des assassins ? Je l’ai donc vivement invité à porter plainte, tu parles. J’ai insisté même, dans l’espoir de lire dans la Dépêche du Midi : « L’Intermarché de Venerque traduit en justice un vieux client de 30 ans qui avait déposé un jour sur un étalage deux affichettes anti-produits israéliens pour protester contre le massacre d’enfants en Palestine ».

Là, le renfort épicier du Likoud a rompu, il est rentré sans moi dans sa casemate, demandant au stagiaire de scanner mes achats. Pas question en effet de me laisser retourner vers des caisses où des clients pouvaient avoir été intrigués par notre algarade et où j’en aurais donné les raisons.

Moralité  : Intermarché Venerque vend des produits des assassins d’enfants, c’est mal, mais il n’est pas le seul. J’ai exprimé discrètement ma réprobation. Il persiste, me morigène et me menace. C’est très mal, c’est trop mal.
Tout acte de solidarité, même le plus petit, comporte un risque.
Pour ce qui me concerne, le préjudice est le suivant : les gérants d’Intermarché Venerque, ils m’ont assez vu, assez filmé. C’est fini, comme Capri. Et dire que c’était le magasin où j’allais toujours, je ne crois pas que j’y retournerai un jour. Ou alors, peut-être (n’allez pas les avertir), barbe rasée, cheveux teints, lunettes noires, chapeau et paiement en espèces après avoir évité, par un large détour dégoûté, le rayon des fruits et légumes venus de terres où se commet un génocide dont les principales victimes sont des mioches.

En attendant, Aldi, le magasin voisin, a gagné un client. Sauf si j’apprends que Aldi c’est rien que des cons. Va savoir. Le mimétisme boutiquier existe, savez-vous ?

Maxime VIVAS (Vieux fourneau)
PS. « Les révolutionnaires tristes font des tristes révolution » (Che Guevara).

Copie au député LFI venerquois .

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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