Redevance pour l’électricité
La pénurie vient des rabais aux entreprises
Chronique de Pierre Gouin
Les Québécois ont su construire une société prospère et relativement équitable. Ils doivent poursuivre dans cette voie en s’assurant que le gouvernement, celui qu’ils contrôlent du moins, respecte leurs valeurs fondamentales. Les citoyens sont très insatisfaits de la qualité actuelle des services de santé et de certaines lacunes en éducation, et ils ne devraient pas accepter que les revenus du gouvernement soient diminués tant que les services à la population ne sont pas satisfaisants.
La comparaison des taux d’imposition du Québec avec ceux des autres provinces, brandie par les promoteurs de baisses d’impôt, n’est pas faite de façon très rigoureuse. Il faudrait tenir compte de facteurs de richesse exceptionnels, comme le pétrole de l’Alberta et les profits oligopolistiques des banques de l’Ontario. En outre, la comparaison devrait tenir compte des tarifs d’électricité nettement plus faibles au Québec. C’est une erreur de croire que le prix de l’électricité n’a rien avoir avec l’impôt. Le gouvernement du Québec est le seul actionnaire d’Hydro-Québec et tous ses profits lui appartiennent. Si le Québec décidait de fixer le prix de l’électricité à un niveau comparable à celui du reste du Canada, et d’éliminer aussi la plupart des rabais aux entreprises, il pourrait baisser les impôts et les rendre plus concurrentiels face à ceux des autres provinces.
Si le prix de l’électricité est faible au Québec ce n’est pas seulement parce que les coûts de production sont peu élevés mais aussi parce que les coûts ne tiennent pas compte de la valeur des ressources naturelles utilisées et des impacts environnementaux. L’eau elle-même a une valeur économique et la construction de barrages accapare de vastes espaces, les rendant inutilisables pour l’exploitation forestière notamment. C’est dans cette optique que les gouvernements font payer des redevances aux entreprises pétrolières, gazières et minières. Il faudrait donc considérer tous les coûts pour établir le juste prix de l’électricité et ce prix se rapprocherait du prix payé ailleurs au Canada. Les Québécois n’accepteraient pas facilement une hausse importante des tarifs de l’électricité mais il faudrait au moins qu’ils réalisent que les bas tarifs se traduisent par des impôts plus élevés. Hydro-Québec pourrait présenter à chaque année sur la facture de mars, le crédit d’impôt que représente pour chaque client le prix de l’électricité plus faibles que le juste prix.
Pour le gouvernement du Québec cela ne fait pas différence que des revenus proviennent d’Hydro-Québec ou des impôts mais il y a un avantage à hausser le prix de l’électricité pour qu’il reflète mieux son véritable coût. Les faibles prix actuels encouragent les consommateurs à utiliser l’électricité sans ménagement, ce qui entraîne un gaspillage de ressources. Les Québécois ne sont pas ouverts à des hausses de tarifs parce qu’ils voient cela comme un moyen pour le gouvernement de leur soutirer plus d’argent et ils ont raison d’être méfiants. Si un gouvernement voulait vraiment hausser les tarifs pour inciter à une consommation plus responsable il devrait faire les choses correctement. Une proposition de hausse de tarifs, par exemple de 25% sur 5 ans, devrait être accompagnée d’une proposition de baisse d’impôt permanente qui compenserait totalement cette hausse. De plus, des mesures visant à compenser les citoyens à faibles revenus qui ne paient pas d’impôt devrait être introduites, par exemple une hausse des paiements d’aide sociale et d’autres prestations, et peut-être une légère hausse du salaire minimum.
Le gouvernement devrait aussi s’assurer que les hausses de tarifs ne provoquent pas davantage de pressions en faveur de la privatisation d’Hydro-Québec. Nos gouvernements néo-libéraux parlent régulièrement de hausser les prix de l’électricité mais ils ne le souhaitent pas seulement pour atteindre le juste prix. Ces gouvernements croient religieusement aux bienfaits de la privation des services publics et de la réduction de la dette. Cependant, au prix actuel de l’électricité, l’achat d’Hydro-Québec n’est pas très attrayant pour les grandes entreprises qui recherchent toujours des taux de rendement élevés. De plus, pour faire accepter la privatisation à la population, le gouvernement devrait promettre qu’il n’y aura pas de hausse importante de tarif pour plusieurs années et ainsi la rentabilité demeurerait faible longtemps. De là vient l’intérêt pour certains politiciens d’augmenter les tarifs avant de privatiser.
La privatisation d’Hydro-Québec serait une grande perte pour les Québécois et pas seulement une perte sentimentale. Les dividendes d’Hydro qui aident à financer les services publics seraient définitivement perdus. Un gouvernement qui souhaiterait hausser les tarifs sans faire d’Hydro-Québec une proie plus attrayante devrait créer une redevance sur l’électricité qui justifierait la hausse. Une fois le principe de la redevance acquis tout acheteur privé devrait nécessairement payer cette redevance annuelle au gouvernement et il ne pourrait donc tirer de l’exploitation qu’un profit limité.
On ne devrait pas craindre une privatisation d’Hydro-Québec au cours des prochaines années alors que le gouvernement actuel et certains ministres doivent d’abord regagner leur crédibilité. Dans le domaine de l’énergie, il n’y a pas si longtemps le gouvernement annonçait des surplus d’électricité pour plus d’une décennie. En peu de temps, le temps d’un changement de PDG, et tandis que la croissance économique est anémique, Hydro découvre que nous manquons d’électricité, qu’il faudra baisser le chauffage et peut-être construire de nouveaux barrages. Pendant que les surplus disparaissaient, le gouvernement consentait de nouveaux rabais à plusieurs entreprises afin de créer de l’emploi pour des travailleurs étrangers, auxquels il faut fournir des services publics. Il faudrait peut-être à partir de maintenant accorder les ambitions de croissance des entreprises avec les ressources disponibles au Québec.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec