La chape de plomb-en-toc
9 avril 2024 (15H00) – Je regardai dernièrement une très récente interview de Thierry Meyssan, pour ‘Le Courrier des Stratèges’ et Eric Verhaeghe, qui fait partie d’une série bimensuelle Meyssan-Verhaeghe. Il s’agit de l’interview du 8 février, sur ‘Le Courrier”, et repris sur ‘Réseau International’.
Note de PhG-Bis : « Je connais un peu Meyssan pour avoir participé à des tables rondes qu’il organisa en 2005-2006 et il est exactement tel qu’il apparaît dans la vidéo : mesuré, pondéré, jamais tranchant, ne dissimulant pas ses doutes, s’exprimant avec une très grande douceur, etc. La dénomination d’extrême-droite qu’on lui colle est d’une bêtise vraiment très, très profonde, bien à l’image des porte-flingues qui s’en chargent ; il vient de la gauche, il a défendu (et défend toujours, je suppose) les droits des homosexuels, dont il est ; il reste droit comme un “i” pour les affaires du 11-septembre, notamment selon je crois cette idée de base : “une seule chose est certaine, c’est que la version officielle est fausse” , qui est complètement la mienne.
» Ainsi en est-il lorsque nous écrivions : “La position de ‘dedefensa.org’ sur le fait même de l’attentat est bien résumée par une déclaration que Philippe Grasset fit au ‘Soir’. (‘Le Soir’ de Bruxelles avait eu la curieuse idée d’une interview de PhG, et d’une interview expresse par téléphone, le 10 septembre 2008 en fin d’après-midi. Le résultat fut assez mitigé quant à l’exactitude du rapport des propos de PhG, et parut dans un entrefilet dans les éditions du 11, dans un ensemble consacré à l’anniversaire.) Nous citons cette phrase précisément dite (de PhG), qui inspira le titre de l’entrefilet et dont l’esprit se retrouve dans tous les textes de ‘dedefensa.org’ : ‘La seule chose dont je sois sûr [concernant 9/11], c’est que la version officielle est fausse…’”. »
Bien : dossier clos et hommage rendu à Meyssan, passons à l’interview… Finalement, l’interviewé nous fait un récit de sa vie depuis la parution de son livre ‘L’effroyable imposture’, et notamment de ses divers déplacements et engagements entre son départ de France, en 2006-2007 sous la pression de certains événements, jusqu’à son retour vers 2018-2019. Depuis, il vit donc en France, dans un milieu plus apaisé pour lui.
Ce qui m’intéresse, c’est ce court extrait du dialogue (1h 11’ 10“ sur la vidéo)::
Eric Verhaeghe : « La France que tu retrouves, est-ce la même que celle que tu avais quittée ?»
Thierry Meyssan : « Pas du tout ! C’est un autre pays… Alors, ça peut paraître bizarre mais euh, la première chose qui me frappe, c’est que, quand j’avais quitté la France, quand on entrait dans un café, tout le monde parlait de politique… Et quand je suis rentré en France, personne ne parle de politique dans un café… Or ça, cette chose-là, je ne l’avais vécu qu’en Union Soviétique… »
Il est rare d’introduire dans les propos de Meyssan un point d’exclamation pour exprimer le ton. Cette remarque sent le vrai… Il m’arrive d’indiquer quelquefois à des commerçants de mes habitudes un schéma des activités que j’exerce et à l’un d’entre eux j’avais donné les coordonnées de mon site. Six mois passent, relations toujours aussi cordiales. Il y a quelques jours, petit échange, tout et rien, puis soudain son intervention et ma réponse, deux phrases-bateaux auxquelles je suis habitué, qui permettent soit de poursuivre, soit de rompre selon l’humeur de l’interlocuteur..
« Ben dites donc, en ce moment vous ne devez pas chômer ! »
« Vous l’avez dit, j’ai soixante ans de journalisme et de travail dans ce domaine, jamais je n’aurais imaginé ce qui se passe… »
Là-dessus, mon interlocuteur me glisse, sur un semi-ton de demi-complotiste qui montre qu’il a au moins réalisé ce dont on parle et la façon dont j’en parle ; et ce qu’il dit ne s’adresse pas à moi, comme une mise en garde, mais elle parle plutôt pour lui et justifie ce qui a pu être pris pour une réserve :
« Mais vous savez, il faut faire attention avant d’en parler, en ce moment on ne peut pas raconter des choses pareilles à n’importe qui… »
Voilà donc Meyssan confirmé par la plus banale des sources, et moi-même intuitivement renforcé dans ma conviction que nous vivons effectivement dans ce monde-là, – c’est-à-dire dans deux mondes parallèles, l’un où l’on ne peut dire que ce qu’il est autorisé de dire, et celui où il est possible de dire ce que l’on pense en vérité. Mais l’interview se poursuit et devant la proposition selon laquelle nous nous trouvons quasiment privés de liberté de parole, Meyssan se récrie en énonçant : “Mais non, la preuve c’est que nous sommes en train de dire ce que nous disons”.
Il explique que nous sommes dans une phase intermédiaire, où l’on peut encore se parler “entre amis”, c’est-à-dire des pas-« n’importe qui », et que la bataille, la “résistance” peut pour l’instant se concevoir comme cette seule prise de parole. Mais bientôt, poursuit-il, nous en arriverons à l’extrême et alors, même entre amis, il ne sera plus possible de “parler” (de “résister”), et alors il faudra songer à la référence de la résistance sous l’occupation, « entrer dans la clandestinité ».
Malgré mon âge conséquent, l’idée de la résistance en clandestinité du type 1940-1945 ne me déplaît pas, et pourtant je ne crois pas du tout que les choses tourneront de cette façon. Ce n’est pas que nous capitulerons tous, c’est plutôt qu’ils ne parviendront pas à imposer leur régime complet de “terreur de l’esprit et de la parole” sans la terreur pure et simple, la vraie de vraie, de la Gestapo au NKVD. Malgré qu’ils soient extrêmement doués, malgré tous leurs efforts et leur bonne volonté, malgré leur goût presqu’enchanteur pour la corruption et la trahison barbouillées de milliards de milliards de neurones artificiels, même la CIA et le FBI ne parviennent pas à la cheville du NKVD ni à celle de la Gestapo.
Ce n’est pas que je tienne NKVD et Gestapo pour autant d’instruments diaboliques mais c’est parce qu’ils ont réussi, à cause de circonstances transformant des coups d’État, des guerres civiles, des batailles bureaucratiques, des complexes de camps de travail, des chambres de torture, des famines minutieusement organisées en autant d’outils absolument légaux d’un parti devenu la représentation incontestable et incontesté de la légalité. Ce qui compte le plus dans les dictatures nazie et bolchévique, c’est justement qu’elles transmuent la réalité, avec des partis devenant des États, donc fondements et justifications de toutes choses attribuées à une partie irrésistible du tout qu’est la Nation, ou l’Idée, ou le Cosmos-Reich. Cela ne peut se faire, l’irrésistible, que via une balle dans la tête du suspect tirée par l’officier du NKVD ou suspendu par la gorge au croc de boucher de la Gestapo. Il faut du sang, du gros qui tâche, des morts dont on est fier, et tout cela étalés partout, et que tout cela se sache, et que l’on défile devant les charniers, et que l’on en soit sous le charme. La terreur a quelque chose de la magie (noire ou pas, qu’importe). Même les pseudos ex-néo-nazis ukrainiens n’arrivent pas à la cheville, eux non plus, de leurs grands-papas bandéristes.
Nous (nos dirigeants, nos globalistes) ne sont pas assez costauds pour ça. Je dirais assez lestement qu’ils n’ont pas les couilles pour “faire le job” que leur demande le diable et que leurs folies bien réelles sont des petites folies de bourgeois, qui se manifestent par du pince-fesse de gamines, des gamineries autour de la braguette, quelques liasses de billets et un déguisement en loup-garou démoniaque. En fait, ils pensent qu’un article dans le New York ‘Times’ et un édito du ‘Financial Times’ suffisent à “faire le job”. Ils n’ont pas encore réalisé que le diable lui-même finit, découragé, par les mépriser, eux qui ont tous les leviers de la puissance depuis quasiment un siècle et qui sont en train de prendre une volée de première et de bois vert en Ukraine. Ils n’ont même pas vu, en 1989, en République Démocratique Allemande, qu’il fallait se saisir de ce commandant Poutine du KGB, et le mettre très vite au fond d’une boite, au fond du Dniepr, avec un chargeur de Kalachnikov tiré sur l’ensemble pour permettre au mort de respirer jusqu’à ce que mort s’ensuive, et qu’il dégoûte à jamais le Russe du désir de se relever. Non, ils manquent de flair.
Je vous le dis : leur chape de plomb est faite de plomb en toc, fabriqué au rabais, sans les terres rares que les Chinois gardent pour eux, privée des éléments fondamentaux qui font d’une dictature une entité sérieuse. Ce sont des dictateurs-bananiers, des Tapiocas, des Alcazars, des Plekszy-Gladzs en guindaille à Las Vegas ; il leur faudra toujours une belle cape aux couleurs démocratiques, un gentil chapeau avec une plume consacrée aux droits de l’homme, – toujours, toujours cette hypocrisie de marchand de soupe qui les rend impuissants à assumer ce rôle de “maîtres de l’histoire du monde” qu’ils voudraient porter, incapables de comprendre que tout se passe à l’étage du dessus, dans la métaphysique de l’histoire où se trouvent les maîtres du Temps et de l’Espace, et qu’ils ne feraient alors qu’y patauger dans le ridicule qu’ils y auraient amené.
Et pour clore le récit…
Pour terminer par une absence de transition qui mesure l’universalité du sujet, nous allons vous donner un autre exemple, complètement différent, de bien plus haute volée, mais qui met lui aussi ces personnages qui prétendent nous dompter à leur juste place. Cela se passe hier soir entre mes deux larrons en foire, qui deviennent “en folie” quand ils parlent de Macron, – Christoforou et Mercouris. Ils parlent tous deux d’une nouvelle Grande Alliance France-UK pour mettre la Russie KO, – vous voyez d’ici la scène ! Guillaume le Conquérant rules the waves…
Christoforou se débattant en pouffant de rire avec le nom du ministre français qu’il ne retrouve pas (moi non plus, et croyez-moi je n’en dors pas moins), total inconnu recruté dans les couloirs du métro par l’ami-Macron et spectacle réjouissant de notre commentateur gréco-chypriote… Alors, Mercouris intervient avec son tact habituel et son humour si british même pour l’ascendance grecque… Je traduits volontairement “inconsequential” qu’il emploie à deux reprises, qui signifie aussi “insignifiant”, par l’expression “sans conséquence”, – des “êtres sans conséquence” comme l’on dit ‘Un roi sans divertissement’, comme l’on dit d’une absence de toute trace, – des êtres au-delà du non-être car pour ne pas être un être il faut admettre la référence de ce qu’est un être. Rien de semblable dans le marigot où barbote la Macronie.
« Notez à ce propos… En d’autres temps, le ministre français des affaires étrangères était connu du monde entier, et voyez combien ces personnes sont aujourd’hui complètement ‘sans conséquence’… Tout le monde savait qui était le ministre français des affaires étrangères. La France a donné quelques-uns des plus grands diplomates qui aient jamais existé… Talleyrand ! il vous suffit de citer ce nom. La France a inventé le concept même de diplomatie. Aujourd’hui, ce sont des personnages ‘sans conséquence’… »
Et vous croyez qu’on va faire des dictateurs à faire trembler le monde de ces falots pissenlits qu’un peu de vent emporte tandis que leur nom s’emploie à justifier son origine du moyen-âgeux “pisser-en-lit” ?
Note de PhG-Bis : « Grande avait été ma satisfaction d’entendre le Britannique Mercouris citer en exemple au monde éberlué un modèle qui n’a plus cours, qui est parti dans un autre monde, qui nous regarde avec sa hautaine ironie ricanante, le Prince de Bénévent et “diable boiteux”, plus apprécié des Anglais que des Français qui ne connaissent plus rien du bonheur de leur histoire… »
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