À l’ONU, des États-Unis voyous s’opposent au reste du monde

À l’ONU, des États-Unis voyous s’opposent au reste du monde

Par Moon of Alabama − Le 28 mars 2024

Ted Snider s’interroge :

L’Amérique est-elle une superpuissance voyou ?

“Unipolaire” signifiait autrefois que les États-Unis étaient, du moins en théorie, seuls à diriger le monde. Aujourd’hui, “unipolaire” signifie que les États-Unis sont seuls et isolés dans leur opposition au monde.

Snider fait référence à la récente résolution 2728 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui “exige” un cessez-le-feu à Gaza, “exige” la libération des otages et “exige” la fourniture sans entrave de nourriture et d’autres produits à Gaza.

Les États-Unis prétendent, à tort, que cette résolution n’est pas contraignante.

Comme l’écrit Snider :

Le 25 mars, les États-Unis ont fait un pas de plus dans leur tendance à se comporter en État voyou en voulant supplanter le droit international et le remplacer par son ordre fondé sur des règles. Le droit international est fondé sur la Charte des Nations unies, et il est universellement applicable. L’ordre fondé sur des règles est composé de lois non écrites dont la source, le consentement et la légitimité sont inconnus. Pour la majorité mondiale, ces lois non écrites sont apparemment invoquées lorsqu’elles profitent aux États-Unis et à leurs partenaires et ne sont pas invoquées lorsqu’elles ne leur profitent pas.

Le 25 mars, le Conseil de sécurité a adopté une résolution exigeant “un cessez-le-feu immédiat pour le mois de Ramadan, respecté par toutes les parties et conduisant à un cessez-le-feu durable“. La résolution a pu être adoptée parce que les États-Unis se sont abstenus et ont laissé les quatorze autres membres du Conseil de sécurité l’adopter.

Mais dans son explication de l’abstention américaine après l’adoption de la résolution, l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a déclaréà la surprise générale” que “nous soutenons pleinement certains des objectifs essentiels de cette résolution non contraignante“.

Son affirmation selon laquelle la résolution du Conseil de sécurité n’était pas contraignante n’était pas un commentaire improvisé. C’est la stratégie d’un pays qui applique, non pas le droit international, mais l’ordre fondé sur des règles dirigé par les États-Unis.

Arnaud Bertrand a fait une réflexion similaire :

Depuis le début, il est évident que Gaza était à bien des égards un combat entre le droit international et l’”ordre fondé sur des règles” des États-Unis.

Tout cet épisode autour de la résolution de l’ONU en est une parfaite illustration. Les spécialistes du droit international s’accordent à dire que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui “exigent” certaines actions sont contraignantes (bonne explication d’un juriste ici). En fait, les résolutions du Conseil relèvent du droit international. L’article 25 de la Charte des Nations unies le stipule clairement : « Les membres des Nations unies conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. »

Pourtant, les États-Unis affirment aujourd’hui que la “règle” est en fait différente : “Il s’agit d’une résolution non contraignante, qui n’a donc aucun impact sur Israël“.

Où est écrite cette règle selon laquelle, lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies “exige un cessez-le-feu immédiat pour le mois de Ramadan, respecté par toutes les parties et conduisant à un cessez-le-feu durable“, la résolution n’est pas contraignante et “n’a aucun impact” sur la partie belligérante ?

Nulle part, c’est la beauté de l’ordre fondé sur des règles : les règles sont inventées sur le moment pour répondre aux intérêts des États-Unis et de leurs sbires, en fonction des circonstances.

Le grand problème ici est que le monde entier, littéralement, n’est pas d’accord avec les prétentions des États-Unis.

Snider à nouveau :

Toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sont juridiquement contraignantes et ont le statut de loi internationale. C’est pourquoi le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a déclaré : “Cette résolution doit être mise en œuvre. Un échec serait impardonnable“. Le porte-parole adjoint de l’ONU, Farhan Haq, a expliqué que « toutes les résolutions du Conseil de sécurité relèvent du droit international. Elles sont aussi contraignantes que les lois internationales ».

D’autres ont réagi de la même manière à l’affirmation des États-Unis. Au nom des dix membres élus du Conseil de sécurité qui ont rédigé la résolution, Pedro Comissario, l’envoyé du Mozambique aux Nations unies, a déclaré : “Toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sont contraignantes et obligatoires“. Il a ensuite ajouté : “Les dix pays espèrent que la résolution adoptée aujourd’hui sera mise en œuvre de bonne foi par toutes les parties.”

Le Royaume-Uni n’a pas non plus “partagé” l’affirmation américaine, ce qui a amené son envoyé à l’ONU à déclarer : “Nous nous attendons à ce que toutes les résolutions du Conseil soient mises en œuvre. Celle-ci n’est pas différente. Les exigences de la résolution sont absolument claires“. La Chine ne partage pas non plus l’évaluation des États-Unis. « L’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun, a déclaré que les résolutions du Conseil de sécurité étaient contraignantes ».

La France rejette également l’affirmation américaine et insiste sur le fait que la résolution 2728 du Conseil de sécurité des Nations unies est absolument contraignante et particulièrement contraignante pour Israël :

Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies est contraignante en vertu du droit international. Toutes les parties concernées DOIVENT la mettre en œuvre, en particulier Israël, à qui il incombe d’appliquer cette résolution.

La Russie a tenu des propos similaires :

Le ministère russe des affaires étrangères a déclaré mardi que la résolution 2728 du Conseil de sécurité des Nations unies sur Gaza, qui appelle à un cessez-le-feu immédiat et à l’accès de l’aide humanitaire, est contraignante pour toutes les parties, y compris Israël.

La Russie espère que la résolution 2728 du Conseil de sécurité de l’ONU contribuera à la désescalade de la violence à Gaza, notamment en empêchant l’opération israélienne à Rafah, en libérant les otages et en augmentant l’aide humanitaire aux civils dans le secteur“, a déclaré le ministère.

Quatre des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – dont deux grands alliés des États-Unis -, tous les membres non permanents et le secrétaire général des Nations unies ont explicitement déclaré que la résolution 2728 du Conseil de sécurité des Nations unies était contraignante.

Les États-Unis (et peut-être quelques-uns de leurs mandataires mineurs) sont le seul État à le contester publiquement.

Bertrand souligne que cela aura des conséquences énormes :

On ne saurait trop insister sur l’importance de cette décision pour l’intégrité des relations internationales. En agissant de la sorte, les États-Unis détruisent effectivement l’ordre mondial qu’ils ont en grande partie créé après la Seconde Guerre mondiale, car ils disent à tout le monde que l’ensemble des institutions, des règles et des normes qui le sous-tendent sont dénuées de sens. Nous nous trouvons maintenant dans un système mondial où tout le monde se rend compte que la police, le gouvernement, l’ensemble des croyances de base, ont été complètement corrompus. Cela change tout.

Que se passera-t-il ensuite ? Je pense que les États-Unis ne reviendront pas en arrière. Et je pense qu’ils le savent, peut-être inconsciemment, sinon ils feraient au moins semblant d’agir pour le bien de tous. Le fait qu’ils ne le fassent pas montre qu’ils ont effectivement renoncé à leurs ambitions de restaurer leur hégémonie : ils sont maintenant ouvertement là pour exploiter le système à leur profit, les prétentions universelles ont disparu.

Le Conseil de sécurité des Nations unies n’est pas la seule institution que les États-Unis tentent de détruire après l’avoir largement créée.

En 2019, l’Organisation mondiale du commerce a perdu sa cour d’appel :

L’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), considéré comme la cour suprême du commerce international, a perdu mardi à minuit sa capacité à statuer sur de nouveaux cas de litiges.

Cet organe, dont les décisions ont une incidence sur des milliards de dollars de commerce mondial, est censé compter sept juges. Mais leurs rangs ont diminué parce que les États-Unis – sous les trois derniers présidents – ont bloqué les remplacements pour protester contre la façon dont l’OMC fonctionne.

Un minimum de trois juges est nécessaire pour rendre des décisions et le mandat de deux des trois derniers juges a pris fin mardi à minuit.

Selon les critiques, cette situation portera un coup sérieux au système commercial mondial, car elle risque de créer un système de relations commerciales fondé sur le pouvoir plutôt que sur des règles internationales contraignantes.

Les États-Unis recourent désormais au protectionnisme, aux subventions et aux droits de douane, qui sont clairement illégaux au regard des règles de l’OMC qu’ils avaient précédemment acceptées. Mais comme ils ont réussi, sans aucun argument sérieux, à détruire le tribunal de l’OMC, il n’y a plus de moyen direct pour eux d’être pénalisés.

Mais le commerce n’est qu’un domaine des relations internationales et d’autres membres de l’OMC ont trouvé des moyens de résoudre leurs différends même en l’absence du tribunal de l’OMC.

Les enjeux sont bien plus importants lorsqu’il s’agit de questions de paix et de guerres menées dans un but de génocide.

Bertrand conclut :

La plupart des pays ne veulent cependant pas vivre dans un monde où “on mange ou on se fait manger“, où “la loi du plus fort fait la loi“, sans règles ni normes. Avec le temps, un nouveau système verra le jour.

Les plus grandes inconnues sont les suivantes : peut-il naître sans une guerre mondiale majeure, qui dirigera la construction de ses fondations et comment le mettre en place pour qu’il soit cette fois-ci équitable pour tous et respecté par tous ?

Je vous laisse réfléchir à ces questions.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

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Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone

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