Il y a plus de 50 ans, le chef du Nouveau Parti Démocratique, David Lewis, avait dénoncé les entreprises et leurs dirigeants qui, en allant chercher subventions et crédits d’impôt, vivaient aux crochets des gouvernements, tout en s’octroyant au passage des rémunérations stratosphériques.
On pense ici au PDG de la Banque Nationale, dont les émoluments s’élèvent à 9,5 millions $. Ou, pire encore, à l’ex-PDG de la Banque Laurentienne, dont les seuls faits d’armes auront été de faire mourir l’accréditation syndicale de l’établissement et ensuite de plonger des milliers de clients dans une tempête informatique qui les a coupés de l’accès à leur compte durant plusieurs jours, entraînant des conséquences parfois fort coûteuses et qui, après trois années seulement, veut une prime de départ de près de 5 millions $.
Faut croire que lorsqu’on a accès à ces plantureux râteliers, l’appétit vient en mangeant…
On en a beaucoup parlé, mais il est quand même nécessaire de revenir sur certains faits. Avant de passer aux mains de la multinationale anglo-suisse Glencore, la fonderie Horne de Rouyn-Noranda a été, durant des décennies, propriété de la Noranda Mining. Le chantage à la fermeture a depuis toujours été une arme efficace chaque fois que le gouvernement a, du bout des lèvres, tenté d’amener cette entreprise à respecter les normes environnementales. Déjà, en 1988, en agitant le spectre de la fermeture, la Noranda s’était vu allonger 170 millions $ par le gouvernement de Robert Bourassa.
Il faut comprendre que si, en principe, la politique est celle du pollueur/payeur, en pratique, c’est plutôt celle du pollueur/payé…
Il n’est donc pas étonnant que près de 40 ans plus tard, on assiste au même chantage de la part de Glencore, propriétaire de la fonderie Horne depuis 2013.
Un mot d’abord sur cette multinationale que la justice britannique a condamnée en 2022 à 428 millions $ US d’amende et à des confiscations de l’ordre de 272 millions $ US pour des fraudes et autres crimes commis au Brésil, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Venezuela, au Congo, en Guinée et au Nigeria. L’année dernière, c’est un tribunal étasunien qui condamnait Glencore à 1,5 milliard $ d’amende.
Il y a quelques semaines, Radio-Canada nous apprenait que Glencore « n’était plus certaine » d’investir à Rouyn-Noranda les 750 millions $ nécessaires à l’atteinte du respect des normes québécoises…
Il n’y a pas que le cuivre. Il y a aussi les batteries…
Le fédéral a annoncé des subventions de plus de 13 milliards $ pour une usine de Volkswagen en Ontario. Au Québec, la saga Northvolt est loin d’être terminée. Comme « toutte finit par se savoère… », on a finalement su que le gouvernement Legault avait finassé avec les règles environnementales pour accorder à l’entreprise suédoise un laissez-passer accompagné de subventions de 7 milliards $ de Québec et d’Ottawa.
L’Institut Fraser a établi à 352,1 milliards $ les transferts directs effectués de 2007 à 2019 à des entreprises canadiennes.
Encore heureux que nos chiffres soient arabes. On y perdrait assurément son latin!
Et pendant ce temps-là…
Cela a fait 70 ans le 1er février que l’abbé Pierre lançait son cri du cœur : « Il faut que, ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière, dans la nuit, à la porte des lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où on lise sous le titre : ‘‘Centre fraternel de dépannage’’, ces simples mots : ‘‘Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir. Ici, on t’aime.’’ Devant tant de misères, une seule ‘‘opinion’’ doit exister entre hommes : ‘‘La volonté de rendre impossible que cela dure’’.»
Une femme était morte gelée, boulevard de Sébastopol.
Dans Le Canard enchaîné, le journaliste Morvan Lebesque, croyant en « l’absolue sincérité » de l’abbé, avait prophétisé : « Cela veut dire que la France n’oubliera plus jamais ceux qui ont faim et froid? Et d’ajouter : Vous vous apercevrez que la famine et la misère continuent, coulent autour de vous, vous contournent comme l’eau de torrent contourne le rocher. Vous aurez cru éveiller les consciences. Vous les aurez rassurées. Vous deviendrez très vite une institution d’utilité publique pour effacer les remords. »
Combien sont aujourd’hui comme cet ami gaspésien rencontré récemment dans un centre commercial ? Il aura bientôt 80 ans et vit d’une maigre pension. Il m’apprend la gorge nouée qu’il a reçu, pour cause de rénoviction, un avis d’éviction de son 3 ½ qu’il occupe depuis plus de vingt ans. Il risque fort de rejoindre la triste cohorte qui se retrouve à la rue.
Mais il n’a qu’à s’acheter une maison, comme l’a galamment suggéré la ministre de l’Habitation de la CAQ, une dame Duranceau qui avait payé le sien 770 000 $ en argent comptant, en 2006…
Je vais lui en faire la suggestion. Ça va le rassurer.
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