Camille Laurin : la vision et la détermination

Camille Laurin : la vision et la détermination

L’auteur est un ex-député et ministre, président du Mouvement Québec Indépendant.
 

Le 11 mars 1991, Camille Laurin nous a quittés ! C’était hier, tant sa vision, ses valeurs, ses réalisations, son héritage ont marqué le paysage politique du Québec, et marquent encore ceux qui l’ont côtoyé à un moment ou l’autre de sa vie.

Son amour du Québec, sa foi dans l’indépendance de notre nation, sa soif de justice sociale, sa fidélité à ses engagements, son calme, sa détermination et son courage dans l’action politique nous ont inspirés, ceux qui comme moi, étaient de la génération qui suivait, mais tellement proches de sa vision et totalement engagés avec lui dans ce vaste projet de nous donner un pays.

Le soir du 15 novembre 1976, j’étais avec lui sur la scène du centre Paul-Sauvé, derrière René Lévesque, déterminés à faire naître ce pays. En novembre 1984, huit ans plus tard, nous étions, lui et moi dans un studio de Radio-Canada, annonçant notre démission d’un conseil des ministres qui s’engageait dans un soi-disant « beau risque » qui allait bloquer pour longtemps l’avenir du Québec.

Entre ces deux moments, j’ai eu l’honneur de participer à plusieurs des projets de Camille Laurin. Je veux ici raconter deux de ces moments de l’action politique de Camille Laurin qui auront marqué l’histoire du Québec, et aussi en dégager un certain nombre d’enseignements pour la suite du chemin qu’il nous reste à parcourir.
 

La charte du français

En élaborant la loi 101, Camille Laurin avait décidé de convier la nation québécoise, non seulement à la correction des iniquités faites aux francophones, mais à une véritable thérapie nationale, qui ne pouvait mener qu’à une prise en charge de notre avenir comme peuple.

Le débat fut long et difficile au conseil des ministres, bien avant celui dans la population. Certains ministres prétendaient que « le gouvernement allait trop vite, que la population ne pourra pas suivre ». Quant au premier ministre, il expliquait publiquement « qu’un peuple normal doté d’un vrai pays n’a pas besoin d’imposer sa langue ». Alors que René Lévesque croyait que le problème se règlerait de lui-même lorsque le Québec serait souverain, Laurin, au contraire, affirmait que l’affirmation du français était nécessaire à l’accession à la souveraineté.

Souple sur les modalités, mais inflexible sur les principes, Laurin a maintenu le cap à l’encontre d’une partie de ses collègues, accueillant par la suite avec fatalisme les réactions anglophones, qui parlaient de « génocide culturel » et de celles des francophones qualifiant la loi 101 de « politique discriminatoire ».

Malgré tout ce battage, mélange de craintes non fondées, de contre-vérités et de procès d’intention, Laurin demeurait inflexible. Lorsque le projet sera adopté, le 26 août 1997, les sondages révèleront un appui de près des deux tiers des francophones du Québec à la Charte de la langue française.
 

La nécessaire souveraineté

Plus tard, à l’approche de l’élection de 1985, il fallait clarifier la position du parti sur l’indépendance, mise en veilleuse par le gouvernement en 1981 au lendemain du référendum. L’exécutif du Parti québécois, avec l’accord de René Lévesque, avait adopté une résolution affirmant que les prochaines élections porteraient sur la souveraineté dans le but de la réaliser au cours du prochain mandat.

Lorsque la résolution arriva en plénière du congrès de juin 1984, neuf ministres allèrent au micro des « pour » dont Camille Laurin, Jacques Parizeau et le soussigné. Elle fut acceptée avec une très forte majorité. Mais dès la fin du congrès, les ministres qui souhaitaient au fond la mise en veilleuse de la souveraineté au cours de la prochaine élection se déchainèrent : « suicide collectif programmé », « antidémocratique ! ». De juin au début novembre, la scission s’accentua, le clan Johnson s’engouffrant dans la réforme constitutionnelle du fédéralisme offerte par Brian Mulroney. Camille Laurin, lui, entreprit d’utiliser sa crédibilité et sa force de persuasion pour rétablir les ponts et faire en sorte que la prochaine élection porte sur l’accession du Québec à sa souveraineté.

René Lévesque mit fin au débat le19 novembre : « La souveraineté n’a pas à être l’enjeu de la prochaine élection ni en totalité, ni en parties plus ou moins déguisées, ni directement, ni encore moins par une replongée dans la tentation de vouloir amorcer à la pièce quelque processus que ce soit. »  Cette position, Camille Laurin ne pouvait l’accepter. Elle impliquait son départ du conseil des ministres.

Jusqu’au congrès spécial de janvier 1985, convoqué pour appuyer le nouveau crédo fédéralisant, il allait combattre avec nous cette dérive dans les assemblées du parti. Appuyés par seulement le tiers des délégués, nous allions quitter le parquet pour fonder un mouvement, le Rassemblement démocratique pour l’indépendance, qui favoriserait le retour de Jacques Parizeau à la tête du parti en 1989. Camille Laurin allait à nouveau s’y engager.

Camille Laurin nous aura montré la voie de la détermination, de la fidélité et de la résistance aux pressions. Le combat de sa vie nous inspire devant le projet de faire du Québec un pays, une indépendance plus que jamais nécessaire pour consolider notre langue, nos valeurs et notre identité nationale.
 

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