Un conflit entièrement interne aux classes dirigeantes.
Puisque vous êtes marxiste, je commencerai par la critique. L’un des paradigmes interprétatifs qui s’affirme clairement, non seulement parmi les représentants de l’establishment (le directeur du Wall Street Journal, Gerard Baker, l’a déclaré il y a quelques semaines dans une interview au Corriere della Sera) mais aussi parmi de nombreux camarades, concernant la réaction qui monte en Occident contre ceux qui ont gouverné la mondialisation au cours des 20 dernières années, est celui selon lequel l’affrontement fondamental n’est plus entre la droite et la gauche, mais entre les populistes et les mondialistes. Ici, par rapport à cela, quelle est votre analyse ?
Je considère que cette approche, qui semble nouvelle mais qui, en réalité, est apparue sur la scène politique et culturelle à de nombreuses reprises, non seulement au XXe siècle mais déjà au XIXe siècle, est profondément erronée, pour ne pas dire qu’elle présente un grand danger. La véritable différence avec le passé est que, si ces thèses ont été réfutées dans la pratique comme dans la théorie, l’impuissance presque totale de la gauche laisse aujourd’hui le champ libre à la droite pour une opération hégémonique de grande envergure. Une opération qui modifie déjà le mode de pensée des jeunes générations et qui a également ouvert une brèche à gauche.
Comme vous le soulignez d’ailleurs vous-même, le potentiel « antagoniste « * fictif de cette approche, qui identifie la contradiction fondamentale non plus dans la contradiction capital-travail mais dans le couple antagoniste universel/particulier (global/national ; abstrait/concret ; artificielle/historique) et qui, pour cette raison, appelle au dépassement des catégories considérées comme obsolètes, est immédiatement contredite par le fait que la version la plus influente de cette thèse – que j’appelle le mythe transpolitique et qui a de nombreuses facettes et variantes – est précisément et principalement la version technocratique, c’est-à-dire néolibérale. Sur ce terrain, on peut dire que de Benoist et Douguine pensent exactement comme Matteo Renzi et Mario Draghi, parce qu’ils sont en fait deux visages différents d’une hégémonie qui est, cependant, entièrement de droite. Nous sommes malheureusement dans une situation où les idées des classes dominantes occupent sans résistance tout le spectre idéologique et satisfont ainsi tous les besoins symboliques sociaux. Bref, tout se réduit à un affrontement au sein de la droite. La gauche est littéralement absente, comme le dit un livre récent de Domenico Losurdo.
En réalité, la droite et la gauche restent des catégories politiques inaliénables, sans lesquelles il n’est pas possible de comprendre notre époque et notre monde. Elles sont redéfinies par l’histoire, comme tout ce qui est humain, mais il n’est pas possible de s’en écarter pour interpréter la réalité. Le malentendu fondamental, qui est présent avant tout chez un auteur dont j’étais très proche sur le plan culturel comme Costanzo Preve – un auteur qui, cependant, n’a pas été à la hauteur de ce qu’il avait produit dans les années 1990 et a fini par générer une « droite Previenne », ainsi qu’une « gauche Previenne » – est entièrement de nature nominaliste. C’est-à-dire qu’il y a une tendance à identifier la gauche à ce qu’elle se définit elle-même ou à ce qui est défini comme tel par le système médiatique. En conséquence, on dénonce l’existence d’une hégémonie culturelle de la gauche, qui accompagnerait de manière universaliste, droit-de-l’hommiste et libertaire l’avancée d’un capitalisme financier mondial en voie de désintégration.
En fait, précisément pour critiquer la gauche officielle – dans ses variantes idéalistes de la gauche impériale et de la gauche postmoderne – et pour montrer ses graves responsabilités, on est systématiquement obligé de se référer à ces catégories prétendument obsolètes et de dire qu’elle a fait sien le programme de la droite. En effet, dénoncer comment elle s’est droitisée en conservant le nom de gauche et en conservant ce positionnement conventionnel dans la représentation des systèmes politiques. Il reste à expliquer les raisons historiques profondes et compliquées de cette évolution, bien sûr. Mais on ne peut rien comprendre à ce qui s’est passé au cours des dernières décennies si l’on ne saisit pas le gigantesque glissement à droite qui a déplacé l’ensemble du cadre politique : ce glissement est en effet le résultat d’une gigantesque défaite des classes subalternes dans le conflit socio-politique à l’intérieur des nations comme à l’échelle mondiale. Affirmer que la gauche et la droite n’existent plus, c’est précisément supprimer à la fois la défaite et – avant même cela – l’existence même du conflit. Juger le conflit de classe insubstantiel me semble une manière vraiment super partes de démontrer l’obsolescence de la gauche et de la droite…
Il faut donc répéter que la droite et la gauche restent pleinement opérationnelles, mais que ces catégories doivent être profondément redéfinies. En effet, comme je l’ai déjà dit, la droite occupe aujourd’hui, sous ses différentes formes, la quasi-totalité du spectre politique, tandis que la gauche proprement dite, celle qui l’est non seulement dans la nomenclature mais aussi sur le plan programmatique et historique, est réduite à sa plus simple expression, en plus d’être très confuse.
Pour moi, depuis la phase jacobine de la Révolution française, la gauche devrait être le parti de l’émancipation intégrale et du progrès, qui vise un universalisme plein et accompli, capable de reconnaître les différences. En ce sens, la gauche est avant tout le parti de la médiation et de la totalité (ligne Hegel-Marx). La droite sous ses différentes formes – et c’est aussi ce qui explique son succès populaire facile – est au contraire le parti de l’immédiateté et de la partialité, c’est-à-dire le parti du particularisme. L’opposition entre populisme et mondialisme, si elle est abordée de ce point de vue, est tout à fait formelle et incapable d’expliquer la réalité. Mais même en l’abordant de manière superficielle, il est évident qu’aujourd’hui on revendique à la fois un « populisme » de gauche (Kirchnerisme, Podemos, Syriza) et un « populisme » de droite (Trump, Le Pen), tout comme on revendique à la fois un « mondialisme » de gauche (gauche libérale) et un « mondialisme » de droite (technocratie).
Personnellement, je fais donc la distinction entre un processus de « mondialisation » qui accompagne toute l’époque moderne et le développement du mode de production capitaliste et qui, à travers d’innombrables contradictions, s’est entremêlé avec le processus de construction de l’espèce humaine, et un processus de « mondialisation » qui constitue plutôt la version déformée du premier processus, une conséquence de l’établissement de l’impérialisme américain. La mondialisation de marque américaine, qui remonte au projet wilsonien puis à Bretton Woods, n’était en réalité pas un phénomène naturel ou endogène au développement technologique, mais rien d’autre que le projet de construction de l’hégémonie étasunienne au XXIe siècle. Ce processus a inévitablement généré des poussées et des contre-poussées, car jamais dans l’histoire celui qui a libéré d’immenses énergies n’a pu contrôler toute la chaîne des causes et des causes concomitantes. La crise économique, par exemple, est un écueil imprévu dans ce projet. Mais aussi le réveil de certaines zones géopolitiques, je pense d’abord à la Chine, qui ont su surfer sur les contradictions de la mondialisation américaine pour installer leur propre plan de modernisation autonome.
L’émergence du tiers-monde anciennement colonisé a inévitablement réduit le « gâteau » dont dispose l’Occident Mais ce gâteau n’a pas été réduit proportionnellement pour tout le monde. Les États-Unis en reçoivent toujours une part plus importante et même en Europe, comme on le sait, il existe des déséquilibres importants entre les États. Au sein de chaque nation, il est donc clair que les classes dirigeantes se déchargent autant que possible sur les classes subordonnées de la nécessité de faire de la place à la table pour d’autres pays qui étaient auparavant exclusivement dominés.
Celui qui rejette la « mondialisation » tout court par une négation indéfinie rejette donc non seulement ses effets négatifs tels que l’intensification de la concurrence et l’appauvrissement des masses, mais aussi ses effets positifs, même la « globalisation », même la construction du genre. Elle rejette, entre autres, le rôle des classes dirigeantes au sein des États-nations : au nom d’une communauté compacte et organique qui n’existe nulle part, elle rejette en fait un processus révolutionnaire grandiose qui concerne l’ancien monde colonial. Réciproquement, ceux qui exaltent la « mondialisation » sans faire de distinction, sans esprit critique, se placent en fait du côté de l’impérialisme américain et des divers sous-impérialismes régionaux. Il s’agit donc, comme dans tout processus, de développer une analyse concrète de la situation concrète. Et de comprendre, comme l’a très bien expliqué Xi Jinping récemment à Davos, que le processus de mondialisation n’est pas univoque mais qu’il s’agit d’un champ de forces. Un champ dans lequel nous devons, le cas échéant, aider les forces favorables au développement d’une forme de démocratie internationale et d’un commerce plus équitable à s’imposer. L’arrêt de la mondialisation n’éliminera pas l’exploitation de classe. Au contraire, l’affirmation d’idéologies organicistes, qui cachent derrière l’idée de peuple ce qui est une féroce guerre interne au sein des classes dirigeantes, qui sont en partie favorisées et en partie défavorisées par la mondialisation – tout comme dans les années 1920 et 1930 l’industrie légère était en faveur du libre-échange et l’industrie lourde en faveur du protectionnisme -, la rendra encore plus difficile à critiquer.
Ainsi, la victoire de Trump aux États-Unis n’est en aucun cas un camouflet pour les élites dirigeantes, au contraire, elle démontre – comme le dirait Christian Lavai – la capacité de ces dernières à récupérer l’opposition…. Il s’agit en fin de compte d’un affrontement interne au front néolibéral, n’est-ce pas ?
Je n’ai aucun doute sur ce point. La fascination de la gauche pour Trump est un symptôme de la compensation d’une impuissance insurmontable, ainsi qu’un symptôme d’une confusion à cause de laquelle nous avons oublié jusqu’à l’ABC de la politique. La crise économique appauvrit les classes moyennes qui, à un moment donné, ont révoqué le mandat qu’elles avaient donné à la grande bourgeoisie après la Seconde Guerre mondiale à la condition que celle-ci les protège aussi en partie. Ici, les élites dirigeantes dans les domaines économique, politique, mais aussi culturel et idéologique (banques, entreprises, « castes » politiques, grands journaux et télévisions, cliques universitaires) se sont trouvées soudain délégitimées par la dissolution d’un bloc social entier. La petite bourgeoisie prétend désormais faire cavalier seul, se sauver, et génère des mouvements populistes. Mais elle en est évidemment incapable, car elle est par définition dépourvue d’autonomie, de leadership et de classe intellectuelle. Elle devient donc la proie d’une furieuse contestation au sein des classes dirigeantes. Les anciens « établis » qui avaient profité de la mondialisation américaine doivent subir les assauts de nouveaux « outsiders » qui n’ont pas pu la suivre jusqu’au bout. Et qui se posent désormais en représentants improbables de la petite bourgeoisie offensée et des couches les plus pauvres (elles-mêmes totalement dépourvues d’autonomie et de conscience). Ils exploitent donc leurs énergies mobilisatrices. Il s’agit là d’un phénomène tout à fait normal de circulation des élites au sein des classes dirigeantes, avec pour corollaire évident la cooptation d’élites émergentes issues d’autres couches sociales.
Le fait que Trump soit – en paroles – plus attentif aux besoins sociaux et aux classes défavorisées n’est en rien une nouveauté à cet égard, mais s’inscrit dans la tradition du libéral-conservatisme compassionnel. Même l’attitude de la nouvelle administration américaine à l’égard de l’État – étant donné que de nombreux membres de la gauche s’enthousiasment à la simple évocation de ce mot, tandis que d’autres, de tendance anarchique, s’en distancient – n’est pas si bouleversante que cela. Le libéralisme sait moduler de manière pragmatique l’intervention de l’État en fonction des besoins de ses parties prenantes. Il n’est pas du tout vrai que le libéralisme a toujours été synonyme de laissez-faire et de non-intervention de l’État. Entre-temps, la non-intervention est aussi l’intervention à l’envers, lorsqu’elle est mise en relation avec les forces du marché. Deuxièmement, d’innombrables fois, les libéraux ont développé des politiques interventionnistes. L’intervention de l’État est certes importante, mais même cette catégorie est formaliste : il s’agit de voir quel type d’intervention et dans quelle direction elle s’oriente.
Même en termes de politique étrangère, il me semble que de nombreux membres de la gauche prennent des lucioles pour des lanternes. « L’Amérique d’abord », le principal slogan du discours d’investiture de Trump, est une formule différente pour réaffirmer la primauté et l’exceptionnalisme américains, la Destinée Manifeste. Qui peut être poursuivie à travers une stratégie hégémonique et le soft power, associés à une idéologie pseudo-universaliste exploitant la rhétorique de la démocratie supranationale, des droits de l’homme, etc. etc. Mais qui peut aussi être poursuivie par des stratégies différentes, dans lesquelles le renoncement à la rhétorique universaliste au nom d’une approche particulariste explicite ne présente pas moins de danger pour la paix mondiale et la justice internationale.
Par exemple, j’ai lu que beaucoup sont impressionnés par les « confessions » de Trump et y lisent le début d’un processus de révision de l’histoire des États-Unis, qui admettraient enfin leurs fautes impérialistes et tourneraient la page. Désolé pour ceux qui croient aux contes de fées, mais ce n’est pas du tout le cas. Dans l’idéologie dominante, le crime colonialiste est généralement enjolivé par des rivières de rhétorique afin de faire bonne figure en permanence (universalisme, Wilson, Fukuyama) ; mais dans certaines phases historiques, le même crime peut être justifié de manière cynique et méprisante (particularisme, Spengler, Huntington).
Il est certain que beaucoup de gens de gauche ont été impressionnés par la sympathie de Trump pour la Russie de Poutine, comme si la Russie de Poutine était l’URSS. Nous avons là une démonstration de la confusion et de la frustration ambiante : la politique se réduit à des acclamations et, faute d’un projet autonome et significatif, nous ne sommes plus capables de regarder la réalité de manière dialectique sans nous identifier à tel ou tel champion, sans distinguer ce qui est positif de ce qui est négatif. Personnellement, je pense que la Russie joue un rôle géopolitique positif et qu’elle est un pilier indispensable d’un futur ordre multipolaire et de la paix dans le monde. Cependant, bien que je me sois le plus souvent trouvé du côté de Poutine, je ne pense pas le moins du monde à m’identifier à lui et ne le soutiens que dans la mesure où ses choix vont dans le sens d’un agenda objectivement progressiste.
Mais le plus important est là. Trump ne remet pas en cause la mondialisation dans la mesure où elle coïncide avec le projet impérialiste américain pour le XXIe siècle. Il prend simplement acte de ses défaillances, de ses revers indésirables, et la redéfinit sur une base bilatérale afin de la renforcer d’un point de vue américain. Il entend notamment remédier à certaines conséquences fâcheuses de la généralisation des accords commerciaux, à savoir, comme on l’a vu plus haut, la montée en puissance de la Chine et de quelques autres pays. Conscient du risque d’étendre à l’excès son empire (Paul Kennedy), Trump veut faire la paix à l’Est pour faire la guerre à l’Ouest, ou vice versa selon le point de vue géographique. C’est-à-dire qu’il veut geler les conflits avec la Russie pour ouvrir le vrai front, celui contre la Chine, le véritable adversaire stratégique du XXIe siècle.
Je veux les voir, les populistes italiens « au-delà de la droite et de la gauche » qui sont convaincus qu’ils contrôlent maintenant le Kremlin comme la Maison Blanche, ce qu’ils feront quand les frictions avec la Chine deviendront plus chaudes. Il est facile de souhaiter un axe eurasien ou pan-populiste avec les Russes, qui sont blancs. J’ai vraiment envie de les voir garder le même équilibre et la même volonté de multipolarité quand les ennemis de l’Occident deviennent les Chinetoques, ces sous-fifres asiatiques déjà massacrés à l’époque du colonialisme européen en Chine, et qui, de surcroît, sont aujourd’hui partisans du libre-échange. Heureusement, comme en témoigne l’appel téléphonique à Xi sur le principe de la « Chine unique », Trump semble avoir trouvé des conseillers plus sages et plus réalistes que lui-même.
Bref, il ne faut pas grand-chose pour comprendre que Trump se débarrasse simplement de tout artifice moral et qu’il critique l’OTAN parce qu’il veut avoir les coudées encore plus franches et exige des alliés qu’ils mettent plus d’argent. Tout comme il ne faut pas grand-chose pour comprendre que Marine Le Pen s’en prend à l’UE pour des raisons très différentes de celles qui ont toujours été et devraient encore être les préoccupations de la gauche. Le problème n’est donc pas, comme on l’entend, que quelque chose reste valable même si c’est dit par quelqu’un de droite : le problème est que l’on peut vouloir des choses apparemment semblables pour des raisons très différentes et que les raisons pour lesquelles on veut quelque chose ne sont pas secondaires. Ce n’est pas que pour aller à l’encontre de la « gauche » néolibérale ou postmoderne on soit obligé de devenir de droite : il suffit de raisonner de manière dialectique et non binaire et de rester constamment de gauche.
Je tiens pour acquis que, dans ces conditions, toute hypothèse de « Front large », théoriquement praticable dans les phases de montée et de croissance du mouvement, revient à se livrer pieds et poings liés à ces droites largement hégémoniques. Et il faut le rejeter parce que c’est un suicide délibéré. Je le dis à ceux qui lancent des campagnes pour sortir de l’UE ou de l’OTAN en pensant faire campagne à l’assemblée nationale de la Lega Nord, ou pêcher dans le vivier des souverainistes.
La critique de la mondialisation capitaliste a toujours été une prérogative de la gauche, du moins jusqu’à la fin de l’expérience du Forum social. Aujourd’hui, nous en sommes au point où des personnalités influentes de la gauche historique commencent à applaudir Trump et à appeler un « homme fort » à prendre le pouvoir…
Je ne suis pas d’accord avec cette prémisse. Il n’est pas nécessaire de remonter à Marx et Engels et au Manifeste, avec son élégie de la mondialisation (qui contrastait avec l’attitude de nombreux socialistes petits-bourgeois ou nostalgiques du féodalisme). En fait, la critique de la mondialisation est un argument de la droite européenne depuis la première moitié du 20ème siècle, qui dans la tendance à la mondialisation décrite comme une poussée vers l’Etat mondial ou l’empire identifiait une remise en cause de la primauté européenne et de l’historicité différenciée et stratifiée de l’Europe, berceau de la civilisation par opposition à la barbarie des sous-hommes des colonies en révolte, mais aussi à l’ »artificiel » représenté par les Etats-Unis ou la Russie bolchévique. Je pense notamment à Heidegger et Schmitt. Après la Seconde Guerre mondiale, puis dans les années 1980 et 1990, la critique de l’extrême droite d’inspiration néo-nazie à l’égard du « mondialisme » est explicite. C’est dans cet environnement que l’on peut tracer les prodromes de l’actuelle révolte « populiste » d’inspiration eurasienne, par exemple.
Dans les Social Forums, j’ai vu quelque chose d’autre à l’époque. Je n’ai jamais vu de « No Global ». Au contraire, j’ai vu beaucoup de « Yes Global », c’est-à-dire beaucoup de partisans d’une mondialisation encore plus poussée. Ils réclamaient une libéralisation totale de la circulation des personnes et des idées, critiquant les restrictions dues à la direction capitaliste de la mondialisation elle-même par les entreprises. C’était une position qui avait du bon, parce qu’elle tenait fermement à la nécessité de la construction du genre et développait une critique de son administration capitaliste. Cependant, il s’agissait également d’une position naïve, car une telle mondialisation doit toujours avoir un rapport avec le commerce international et la libéralisation des échanges. Alors qu’au contraire – et c’est là qu’intervient la deuxième composante, la composante luddite – les Social Forums prétendaient la combiner avec la négation du développement des forces productives, avec la décroissance, avec la production locale et à petite échelle. Et à la négation du rôle de l’État national et des instances supranationales et régionales, imaginant un réseau de producteurs indépendants en coopération harmonieuse, selon un rêve d’exode anarcho-proudhonien. Cette naïveté a fait passer à côté de la question d’une véritable démocratisation des instances supranationales, qui n’aurait pu être posée que sur la base d’une reconnaissance du rôle encore persistant des États-nations. Tout cela a laissé un vide effrayant, que la critique de la mondialisation par la droite s’est empressée de combler. C’est un peu comme ce qui s’est passé dans l’Allemagne de Weimar. Lorsque la gauche a sous-estimé de manière flagrante la question nationale, pour laquelle elle était la plus habilitée à intervenir, laissant le champ libre à la droite.
À l’époque, Karl Radek était l’un des rares communistes des années 1920 à avoir compris la leçon léniniste sur le lien entre la question nationale et la question sociale. C’est précisément la mauvaise réception de sa ligne, dans un contexte politique et idéologique encore fortement influencé par le luxemburgisme, qui a ouvert la porte à l’hégémonie de l’extrême droite sur la petite bourgeoisie allemande. La situation aujourd’hui est complètement différente, bien sûr, car même si nous avions les meilleures positions subjectives, nous n’existerions même pas. Mais ses paroles peuvent encore être utiles. Mais lorsque Radek parle des Allemands comme d’un « peuple qui fait partie de la famille des peuples luttant pour leur propre libération » et qu’il exalte la « liberté de tous ceux qui travaillent et souffrent en Allemagne », nous trouvons des formules décisives pour distinguer l’internationalisme universaliste et le mondialisme anti-impérialiste du léninisme du simple souverainisme petit-bourgeois ainsi que du cosmopolitisme abstrait.
Ce sont les mots prononcés par Radek trois ans après avoir écrasé la fraction dite » nationale bolchevique » de Hambourg (exécrée par Lénine dans le “ Gauchisme ”), équivalents de ces grossiers rebouteux qui voudraient aujourd’hui faire du » front commun anticapitaliste au-delà de la droite et de la gauche « . Hier comme aujourd’hui, en contestant les processus de mondialisation, les droites tirent certes parti des contradictions et des malaises sociaux qu’ils provoquent, mais elles le font avec l’objectif très clair d’une contestation de la construction de l’espèce humaine et de la réaffirmation de la primauté blanche et euro-occidentale. Une revendication ouverte du droit de l’Europe à recoloniser le monde, à commencer par l’Afrique, commence déjà à émerger dans ces espaces politiques. Pour l’instant, il existe encore une certaine réticence à aborder ce tabou. Mais si le langage racial est impraticable, il est métaphorisé dans le sens des différences culturelles.
Face à cette résurgence des droites, la gauche est impuissante parce qu’elle est absente. La gauche ne s’est pas encore débarrassée de la défaite systémique de la fin de la guerre froide, même si, dans de nombreux cas, elle ne veut pas l’admettre. Elle perçoit vaguement les erreurs commises au cours de ces décennies, mais il est trop tard. Et lorsqu’elle est confrontée à certains sujets « sociaux », elle est exposée à l’hégémonie de la droite. Alors qu’il était complètement hégémonisé par le récit néolibéral dans les années passées, il succombe aujourd’hui à la revanche petite-bourgeoise. L’attirance pour Trump ou Poutine, le besoin d’un homme fort qui résoudra magiquement toutes les contradictions et montrera la bonne voie, est en ce sens la compensation projective d’une impuissance acquise, dont il semble qu’il n’y ait pas d’issue. En outre, cette attitude codiste est favorisée par des décennies de politique néo-bonapartiste qui, en Italie, a été vécue précisément à gauche. Je pense à l’utilisation nonchalante du majoritarisme ou au mythe des primaires et du leadership charismatique, qui mettent en cause des responsabilités précises de l’extrême gauche.
Quels devraient être les mots d’ordre d’une gauche autonome qui se donne pour objectif de retrouver le consensus populaire – celui de la Rust Belt, pour être clair – sans pour autant céder aux faiblesses nostalgiques d’un retour au protectionnisme ?
Le secret de la démocratie moderne réside dans l’unité réalisée par les classes subalternes au cours d’un siècle et demi d’histoire. Des classes sociales dispersées et faibles au XIXe siècle ont su, par le conflit, affirmer leur dignité, au point que le premier aspect de la lutte des classes est une lutte pour la reconnaissance d’une humanité commune. Mais les faibles ne peuvent se défendre contre les forts et les vaincre que s’ils unissent leurs faiblesses. La crise de la démocratie moderne, qui est la crise d’un rééquilibrage social qui s’est opéré précisément dans l’intérêt des plus faibles (les forts n’ont pas besoin de démocratie), est donc précisément la rupture de cette unité. Un éclatement qui s’est déroulé sur deux ou trois décennies.
La première chose à faire est donc de comprendre où nous en sommes, de comprendre que nous sortons d’une défaite historique et que la fin des années 80 a ouvert une phase de résistance et de repli stratégique qui durera des décennies. Il n’y a aucune raison de croire que la tâche qui nous attend – qui est une tâche obligatoire et qui consiste à réunir ce qui a été divisé, à poursuivre une nouvelle unité qui seule peut nous permettre de nous défendre – puisse prendre moins de temps qu’à l’époque de la construction du mouvement ouvrier. En ce sens, nous devons refaire aujourd’hui, dans des conditions différentes, ce qui a été fait par nos ancêtres politiques. Et pour ce faire, nous devons nous rendre compte que nous sommes confrontés à une tâche de longue haleine, dont le contenu est la réparation du monde du travail et l’alliance des classes sociales autour de lui.
C’est une tâche qui prendra 20 ou 30 ans, si nous commençons maintenant, et qui impliquera un travail culturel, syndical et politique massif qui restera longtemps obscur et inconnu. Mais si telle est la perspective qui s’offre à nous, la dernière chose à faire est de nous disperser dans ce qui est désormais le sport national de la gauche en Italie : la préparation des listes électorales. Tant que la mesure électoraliste de notre impuissance sera l’obsession quasi exclusive de la gauche – et donc tant que deux ou trois générations n’auront pas passé la main – il n’y aura pas assez de temps et d’énergie pour s’occuper de ce qui est au contraire la tâche principale mais qui est toujours reportée.
Pour le reste, il s’agit de faire le travail de la gauche en redécouvrant la centralité du travail et en redécouvrant que les classes sociales existent, qu’elles sont en conflit parce que certaines sont plus fortes et d’autres plus faibles – en dehors d’un « peuple » indifférencié où toutes les vaches sont noires – et qu’elles sont la dimension fondamentale des processus en cours. – et qu’elles constituent la dimension fondamentale des processus à l’œuvre. Tout le reste est important, bien sûr, et les élections aussi, mais rien n’a de sens si ce n’est à partir de cela, de ce travail de fond préalable.
Comment, par exemple, le fait de se ranger tous derrière Massimo D’Alema est-il censé changer progressivement les rapports de force dans la société et donner enfin un programme partagé et sensé à ceux qui, jusqu’à présent, n’ont même pas réussi à comprendre ce qu’ils attendaient de la vie, en conciliant des stratégies qui se sont toujours opposées au nom de l’intérêt commun de dépasser le quorum ? Nous l’avons déjà fait un nombre incalculable de fois et à chaque fois nous nous sommes séparés le lendemain : cela ne marche pas. De ce point de vue, les camarillades comme celles de D’Alema et de Nicchi Vendola sont plutôt ces dispositifs incompréhensibles qui poussent la gauche dispersée à exprimer sa frustration en votant pour [Franco Grillini-https://fr.wikipedia.org/wiki/Franco_Grillini] ou en s’abstenant.
Je m’interroge : Quel être raisonnable, après avoir vérifié à plusieurs reprises au cours de 20 ans de merde que dans le rapport de force actuel, une certaine voie politique, qui aurait pu avoir un sens en d’autres temps, n’offre pas d’autre issue que – de compromis à la baisse en compromis à la baisse – un nouveau glissement vers la droite, s’obstine à répéter la même erreur à chaque nouvelle lueur d’élection, bavant de cupidité à l’idée d’un siège et supprimant impitoyablement toute velléité d’autocritique formulée après le dernier échec, parce qu’ »il n’y a pas d’autre solution » ? C’est aussi dans ce contexte qu’il faut expliquer le succès du Mouvement 5 étoiles.
Les raccourcis n’existent donc pas, moustache ou pas moustache. Si nous ne nous confrontons pas à la réalité et à nous-mêmes – Europe, migration, capital et travail, fiscalité et protection sociale – même Togliatti redivivus ne pourra pas nous sauver, si ce n’est D’Alema. Nous ne sommes plus l’expression des besoins et des intérêts sociaux réels. Une époque est définitivement révolue. Jusqu’à ce que nous parvenions à l’être, restons à la maison, ce qui est mieux. La confiance et le consensus se regagnent par un travail de couture humble et de longue haleine, pas en jouant le risk à la table. Tout cela est bien dommage, car Dieu sait combien un processus de convergence à gauche serait nécessaire. Mais un processus sérieux, programmatique, ancré sur de vrais référents sociaux, et non sur ces artifices de classe politique qui s’autoreproduisent.
Le problème, à ce stade, est autre. Près de 30 ans de scrutin majoritaire ont dévasté les partis politiques, qui ne se portaient déjà pas très bien. Nous avons maintenant un soupçon de proportionnalité qui n’est pas seulement virtuelle (la poussée des coalitions augmentera en fonction de la hauteur des barres), mais qui est surtout dépourvue de ces formes fondamentales d’auto-organisation et de participation des classes sociales qui sont indispensables à son fonctionnement. En fait, toutes les forces politiques restent des sigles de franchise et des comités électoraux en perpétuelle compétition interne, sans programme ni autonomie. Aucune d’entre elles n’a de proposition partagée et sensée sur chacune des questions fondamentales, de l’Europe aux migrations, du rapport capital-travail à l’environnement. Mais il ne sera pas possible de reconstruire un programme politique qui aide à recomposer le monde du travail si nous ne reconstruisons pas aussi les formes de notre organisation, si nous ne reconstruisons pas au XXIème siècle ce tissu politique, syndical, associatif et coopératif qui a marqué la fortune et l’essor du socialisme depuis le 19ème siècle.
De même, comment sortir de l’opposition fanatique – également au sein de la gauche – entre ceux qui soutiennent la fonction a-priori progressiste de la monnaie unique et ceux qui, au contraire, la considèrent comme la source de tous les maux ?
Plus je lis, plus j’en suis convaincu : ni ceux qui sont absolument certains qu’il vaudrait mieux sortir de l’euro, ni ceux qui veulent y rester à tout prix – je parle des experts en la matière, pas des non-informés sur les réseaux sociaux – n’ont la moindre idée des conséquences de l’un ou l’autre choix, à court, moyen ou long terme. Le plus souvent, ils développent un argument politique et construisent un discours sur cette base, forts de la certitude que, de toute façon, cela ne dépend pas d’eux et que personne ne leur demandera jamais de rendre des comptes. Il est clair que le nœud du problème est éminemment politique, comme c’est le cas pour tous les raisonnements concernant l’économie. C’est précisément pour cette raison que ces questions devraient plutôt être abordées de manière lucide et non dogmatique, sans réduire la politique aux acclamations et à la propagande.
Je pense que la question du rapport à l’UE et à l’Euro est paradigmatique de l’état d’impuissance des classes subalternes et même du caractère » tragique » de leur condition. Dans le sens où elles sont littéralement dans une impasse. Elles sont en difficulté dans les deux cas, et il n’y a pas de scénario qui se présente comme immédiatement plus favorable, car dans les deux cas, ce qui compte, ce sont les rapports de force réels entre les classes, et ces rapports ne seraient en rien remis en cause par le choix de sortir ou de rester.
Il est maintenant clair pour tout le monde ce qui était déjà clair depuis le début, à savoir que l’architecture de Maastricht n’est pas neutre mais politiquement orientée. L’euro et l’UE actuelle ont été créés dans le but explicite de réduire les coûts de la main-d’œuvre et de réassujettir les classes laborieuses, permettant ainsi aux classes possédantes d’accumuler facilement des richesses. En cela, l’euro a été un grand succès et il est clair que le scénario d’une persistance des arrangements actuels est un scénario de l’extrême droite technocratique. Un scénario dans lequel nous serons confrontés à une humiliation supplémentaire du travail, forcé de se vendre à un coût toujours plus bas.
En ce sens, puisque ce qui compte dans le jugement historico-politique pour comprendre si un processus est progressif ou régressif, ce sont précisément les relations de pouvoir, l’analogie que font certains partisans de l’UE entre le processus de convergence européenne et celui qui a conduit aux États-nations est tout à fait déplacée, En effet, dans ces cas, le processus a abouti à une constellation progressiste, car il a remis en cause, au moins partiellement, l’Ancien Régime, a dû composer avec les vestiges du féodalisme présents dans ces pays, a favorisé la diffusion des principes libéraux et a facilité l’unification des classes subalternes et leur lutte pour l’augmentation des salaires. En revanche, la convergence européenne a eu l’effet programmatique exactement inverse. Alors que le dépassement de l’anarchie et du particularisme au profit de l’État-nation était un processus progressif, c’est l’inverse qui s’est produit et l’UE, comme l’a montré Vladimiro Giacché, est en contradiction avec l’équilibre relatif des relations de pouvoir défini par la constitution italienne, qui est elle-même un monument de la lutte des classes subalternes en Italie. L’État-nation a été historiquement le lieu où les classes populaires ont accumulé la plus grande part de richesse et de pouvoir ; il a été le lieu de la démocratie moderne. Ceux qui dénoncent les positions des défenseurs de l’État-nation comme rétrogrades, anti-progressistes, etc. etc. racontent n’importe quoi parce qu’ils n’ont même pas conscience de l’existence d’un équilibre des pouvoirs. Je souhaite que cette situation soit rétablie ! Les raisons pour lesquelles les positions eurosceptiques laissent perplexe n’ont donc rien à voir avec la peur ridicule du « nationalisme », qui plus est dans un pays qui est une semi-colonie et qui aurait tout à gagner d’un nationalisme sain, c’est-à-dire d’un internationalisme. Les raisons sont autres. Tout d’abord, en effet, déjà dans le cadre national, les rapports de force « constitutionnels » avaient été déséquilibrés en faveur des classes dirigeantes bien avant l’adhésion à l’euro. C’est à partir du milieu des années 1970 que la restauration bourgeoise a commencé. Mais surtout, dans les conditions actuelles, la situation tragique dans laquelle nous nous trouvons ne fait aucun doute : si rester signifie s’ancrer à droite, la sortie se fera aussi à droite.
En ce sens, nous pouvons mesurer dans toute son ampleur la véritable catastrophe politique provoquée par Tsipras et ses partisans, qui sont une véritable guigne, une hypothèque et un boulet pour tous ceux qui veulent s’engager dans la reconstruction du camp progressiste. Si le travail international nécessaire et préalable avait été fait, il y aurait eu la possibilité d’une sortie de gauche de l’euro, qui aurait constitué un modèle et jeté les bases d’une rediscussion du processus d’intégration européenne à travers un emboîtement, au nom des classes subalternes, entre le conflit organisé d’en bas et une constellation d’États-nations, qui aurait pu chercher ses propres rivages. Au lieu de cela, la gauche, dont la culture politique n’est pas internationaliste mais cosmopolite et qui a succombé à l’européanisme idéologique instrumental, a été terrifiée et a reculé. Une occasion historique a ainsi été perdue. Le seul véritable cas de sortie a en fait été le Brexit, une sortie qui, dès le départ, a été largement hégémonisée par la droite.
Ainsi, dans le premier cas, Remain, nous avons l’hégémonie d’une droite technocratique intéressée à gérer le libre-échange dans son propre intérêt. Mais dans le second, Exit, nous avons l’hégémonie d’une droite populiste protectionniste petite-bourgeoise, qui déchargerait inévitablement sur les coûts du travail les marges de dévaluation de l’éventuelle Lire 2.0 par rapport à l’Euro, d’une manière similaire à ce qui se passe aujourd’hui pour des raisons différentes. Dans les deux cas, ce sont les segments inférieurs du marché du travail qui seraient perdants.
Certains croient même qu’il est possible d’avoir un front large qui voit d’un bon œil ce monde de la petite bourgeoisie en ébullition. Mais même parmi ceux qui croient simplement qu’avec une Exit de toute façon, des conditions plus favorables seraient créées et que la gauche pourrait mieux jouer ses cartes, ils se trompent à mon avis : la gauche serait complètement engloutie et il faudrait de toute façon des décennies pour la reconstruire.
Voilà donc le point décisif : dans le premier scénario comme dans le second, rien n’empêche la gauche de faire ce qu’elle devrait de toute façon faire pour se remettre en phase avec ses propres classes de référence ? Dans un cas comme dans l’autre, le travail de recollage que j’évoquais plus haut devrait de toute façon être fait. Sans ce travail, en effet, que nous restions ou que nous partions, nous ne ferons que subir des coups douloureux. Par rapport à la priorité de ce travail, la décision de rester ou de partir, qui ne dépend d’ailleurs pas de nous, est donc tout à fait secondaire. Elle pourrait d’ailleurs être prise plus facilement et en toute conscience. Car nous aurions de toute façon fait nos devoirs et nous nous serions mis en position de résister et de lutter plus efficacement, dans le premier comme dans le second scénario. Une fois de plus, au lieu de cela, nous sommes confrontés à la pensée magique. À l’idée qu’un lapin sorti d’un chapeau – rester ou partir – peut miraculeusement résoudre tous nos problèmes. Et peut surtout nous épargner la corvée de ce travail de longue haleine sans lequel il vaut mieux rentrer chez soi tout de suite.
Mai 2017
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir