Reagan, Thatcher, Charest, Legault et al.

Reagan, Thatcher, Charest, Legault et al.

Élevée au rang de dogme depuis les tout débuts par les thuriféraires  du système capitaliste, l’idée que les dépenses doivent être absorbées par le public et les profits privés encaissés par le secteur privé est en effet loin d’être nouvelle.

Mais le fait est que cette idée, qu’on voit renaître régulièrement mais qu’on présente constamment sous de nouveaux habits, telle une hydre qu’Hercule lui-même n’arriverait pas à terrasser, se porte toujours bien sous nos cieux caquistes, après avoir largement fleuri sous les libéraux de John James  Charest.

L’Angleterre de madame Thatcher et les USA de Ronald Reagan avaient tracé une voie que le PLQ a allègrement empruntée, sans même se soucier des catastrophes provoquées dans ces pays par les théories de l’anti-interventionnisme mises en avant par Milton Friedman et les Chicago Boys. Ce même Reagan dont la phrase la plus célèbre a été : « L’État n’est pas la solution mais le problème ! »

C’est ainsi qu’en 2009, à Londres où ont vu le jour les projets réalisés en partenariat public-privé, après que plusieurs constructions eurent viré au cauchemar et exigé des interventions vigoureuses de l’État pour opérer des sauvetages in extremis, un nouvel hôpital a été construit en mode conventionnel, à savoir que c’est l’État qui en fut le maître d’œuvre. On le comprend d’autant mieux que cette même année, le gouvernement anglais avait dû verser près de 20 milliards $ pour se porter au secours d’entreprises privées en train de couler, risquant d’emporter dans leur chute hôpitaux, écoles, autoroutes et autres infrastructures.

La Dame de fer avait tout privatisé, à la vitesse de l’éclair : les mines de charbon, le gaz, l’électricité, le transport aérien, les télécommunications, même les prisons, imitant en cela les USA de son mentor Reagan.

Mais le réveil, on l’a vu, avait été brutal.

Et ici, sous le soleil québécois, que s’est-il passé durant ces mêmes années ?

C’est madame Jérôme-Forget elle-même, ministre des Finances et présidente du Conseil du trésor, la dame à la sacoche qui pourfendait les pépines, qui portait fièrement le flambeau des PPP en invitant galamment le secteur privé à s’accrocher aux mamelles de l’État. En novembre 2004, elle affirmait sans rire que « les PPP, ce n’est pas un raccourci vers la privatisation. C’est un rempart contre la privatisation… »

En mai 2004, la ministre avait nommé Claude Castonguay à la tête d’un Groupe de travail sur le financement du système de santé. Recyclé dans les assurances, terrain de jeu de prédilection pour les affaires (!) en santé, l’ancien ministre avait à son crédit des centaines d’interventions publiques en faveur du développement du privé. « Dites-nous, mon bon monsieur à qui on donnerait le bon dieu sans confession, comment faire plus de place au secteur privé… », lui a-t-elle susurré. Elle n’était pas sans connaître les positions du monsieur sur la mise en place d’un ticket modérateur, l’ouverture de cliniques privées et la possibilité pour les citoyens de contracter des assurances privées, ce qui correspondait aux visées à peine voilées du gouvernement Charest.

Deux ans plus tard, en mai 2006, en Commission parlementaire, Castonguay et sa fille Joanne, actuaire elle aussi, avaient été invités à témoigner de l’état des urgences. Voici le verbatim du témoignage de celle qui a été nommée Commissaire à la santé et au bien-être par le gouvernement Legault : « C’est vrai que les personnes les moins bien nanties sont les personnes qui vont être les plus vulnérables et qui ont un état de santé, là, qui est souvent moindre, moins bien, là, que l’état de santé des mieux nantis. Mais c’est aussi des personnes qui ont plus de temps à octroyer pour aller dans les urgences. Donc, il y a un coût marginal, là, qui est associé et qui est moindre pour ces personnes-là à aller attendre dans les urgences… » Traduction libre : Les pauvres ont ben du temps libre, c’est pas grave de les faire poireauter dans les urgences.

Se surprendra-t-on qu’il y a quelques semaines, cette même dame préconisait un ticket modérateur pour le maintien à domicile ?

Dans un éditorial du Devoir en septembre dernier, Louise-Maude Rioux-Soucy rappelait que dans la foulée du jugement Chaoulli rendu en 2005 par la Cour suprême, « le privé a étendu ses tentacules ». Cette dernière citait une compilation de Radio-Canada indiquant que les Centres médicaux spécialisés (CMS) mis en place par Philippe Couillard allaient connaître sous la CAQ une expansion phénoménale. Dans la grande région de Montréal, on s’apprêterait à octroyer à une douzaine de CMS des contrats d’un demi milliard pour des interventions d’un jour.

Qu’arrivera-t-il de ces mini-hôpitaux de la CAQ ? On pense à l’Angleterre…

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