Les retraités du secteur public québécois s’appauvrissent plus que jamais en cette période d’inflation élevée, puisque leur rente de retraite n’est pas pleinement indexée. L’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic (AQRP) déplore le manque d’écoute du gouvernement à l’égard de leur détresse.
Jacques Sideleau a pris sa retraite en 2015 après avoir travaillé une vingtaine d’années au Bureau de normalisation du Québec. Depuis six ans, la rente qu’il reçoit mensuellement du Régime de retraite du personnel employé du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) a augmenté de 9,1 % en tout. Pendant ce temps, le coût de la vie au Québec et au Canada a subi une hausse d’environ 20 %. En peu de temps, il a donc subi une baisse de son pouvoir d’achat avoisinant les 10 %.
Déception, frustration, indignation et même révolte : voilà les sentiments qui assaillent ce résident de l’est de Montréal. Il ne comprend pas pourquoi la rente de son régime de retraite, qui regroupe les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux, de l’éducation et de la fonction publique, n’est que partiellement indexée au coût de la vie.
« Je trouve ça totalement indécent. Surtout qu’en 2022, les six dirigeants de la Caisse de dépôt et placement ont augmenté leurs salaires de 30 %, pour un total de 20 millions de dollars », a commenté M. Sideleau.
Même s’il constate l’effet des hausses de prix de l’épicerie et de l’essence sur son budget, M. Sideleau estime qu’il n’est pas nécessairement à plaindre. Il a la chance de vivre avec une conjointe qui reçoit une rente de la fonction publique fédérale, pleinement indexée au coût de la vie. Il se préoccupe toutefois des gens qui sont dans une précarité pire que la sienne.
Depuis deux ans, les retraités sont particulièrement inquiets en raison de leur situation financière, selon l’AQRP. « Les membres nous en parlent », rapporte le président, Paul-René Roy.
« Il y a un préjugé selon lequel les employés de la fonction publique sont gras dur, mais la moyenne de la rente annuelle que les gens reçoivent est de 25 000 $ par année. Ce n’est pas un pactole », juge-t-il.
Moins généreux que dans les autres province
Dans un rapport publié mardi, l’Observatoire de la retraite a documenté les origines et les effets de la désindexation sur la situation financière des retraités. « En 1982, le gouvernement de René Lévesque faisait face à une détérioration des finances publiques. Il y avait une crise économique avec beaucoup de chômage et il devait faire des paiements sur la dette. L’une des solutions préconisées, en plus de réduire les salaires, a été de diminuer la générosité du RREGOP », raconte le chargé de projet Riel Michaud-Beaudry, auteur de l’étude.
Aujourd’hui, l’indexation de la rente de chaque retraité fait l’objet d’un calcul complexe. La proportion de la rente correspondant aux années de services accomplis avant 1982 est pleinement indexée, alors qu’une indexation nulle ou partielle s’applique pour les cotisations effectuées entre 1982 et aujourd’hui.
M. Michaud-Beaudry a calculé que la diminution du pouvoir d’achat d’une personne qui prend sa retraite en 2022 pourrait atteindre 35 % en 30 ans, selon la formule actuelle. Cela veut dire que cette personne ne serait en mesure d’acheter avec sa rente que les deux tiers des biens et services qu’elle pouvait se permettre au lendemain de sa retraite.
Par ailleurs, en comparant l’évolution sur 20 ans des rentes du RREGOP avec celle des régimes du secteur public des autres provinces, l’analyste a constaté que le Québec « offre la protection contre l’inflation la moins généreuse », à l’exception d’un régime de la Saskatchewan.
La mobilisation des retraités
L’AQRP réclame depuis plusieurs années que les montants des pensions suivent entièrement le coût de la vie. Une pétition a aussi été déposée en janvier à l’Assemblée nationale à ce sujet, soulignant que « la bonne santé financière du RREGOP […] permet d’améliorer l’indexation ».
« Avec d’autres associations, on a mis de l’avant un certain nombre de solutions pour corriger cette iniquité au sein de ce qui s’appelle la Tribune des retraités. Et il n’y a pas véritablement d’écoute de la part du gouvernement », déplore M. Roy, qui estime que les régimes de retraite gouvernementaux ne sont pas à l’abri de reculs supplémentaires.
Par ailleurs, les retraités du RREGOP ayant cotisé entre 1982 et 1999 auront droit à une petite bonification occasionnelle cet été en raison du bon rendement du fonds. Le montant additionnel proviendra toutefois des surplus de la caisse des participants. L’AQRP revendique que le gouvernement verse aussi sa part de l’indexation additionnelle.
« Le gouvernement du Québec analyse la question de l’indexation du RREGOP tout en s’assurant d’une saine gestion des régimes de retraite des employés de l’État, a de son côté commenté par courriel le cabinet de Sonia LeBel, ministre responsable de l’Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor. Pour ce faire, les réflexions se poursuivront au cours des prochains mois et le ministère des Finances sera consulté. »
En attendant, M. Roy estime que les retraités sont confrontés à des choix difficiles pour boucler leur budget.
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