Chaque année, le mois de février est l’occasion pour l’Oncle Sam de célébrer les contributions majeures de la communauté noire à la société américaine. À l’instar du mois de juin pour la minorité LGBTQ+∞, le Black History Month est désormais un moment essentiel de la vie sur le Nouveau Continent et une occasion pour chacun, anonyme ou célébrité, de montrer son soutien.
Le Black History Month naît officiellement le 28 février 1970 sur le campus de Kent, dans l’Ohio. À l’origine du mouvement, on trouve des étudiants sensibles à la cause noire et désireux de voir perpétuer l’œuvre originelle de l’auteur Carter G. Woodson, père de la Negro History Week (1926). L’idée est alors simple : mettre en avant l’impact positif des populations noires sur la société et œuvrer à leur avancement, dans une Amérique tout juste libérée de la ségrégation. La démarche reçoit rapidement l’écho enthousiaste des élites afro-américaines de l’époque et obtient même l’adoubement suprême du Président en exercice, qui engage ses concitoyens dès 1976 à « honorer les réalisations trop souvent négligées des Noirs américains dans tous les domaines d’activité tout au long de l’histoire ». Le souhait de Gerald Ford a depuis été largement entendu et le Système dans son entier sort désormais le grand jeu, dès le mois de janvier terminé, pour révérer ses rejetons pigmentés.
- * Le Mois de l’histoire noire commence*
Les grosses entreprises :
Qu’elles soient politiques, médiatiques, culturelles ou sportives, toutes les institutions chanteront encore en chœur cette année les louanges méritées d’un peuple précurseur. Pour 2024, le thème central des célébrations sera le rapport privilégié des Afro-Américains aux arts. Après l’édition « Black Resistance » centrée sur la lutte contre les inégalités et l’oppression institutionnelles, le nouveau millésime promet de revenir en détail sur « l’influence-clé des Afro-Américains dans les domaines de la musique, du cinéma, de la mode, des arts visuels, du spectacle, du folklore, de la littérature, de la langue, de la gastronomie et d’autres formes d’expression culturelle ». La renaissance de Harlem, le tendance New Negro, la genèse du hip-hop, l’essor de KFC… autant de sujets qui s’offrent au non-racisé pour mieux connaître et comprendre son homologue à peau foncée. En tout cas, un moment privilégié que ne manqueront pas d’apprécier les alliés de la cause, au premier rang desquels les vedettes.
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Jimmy Kimmel est un incontournable du paysage audiovisuel américain. Tel un pixel chaud, il occupe le petit écran US depuis deux décennies, jadis comme comédien sur Comedy Central et aujourd’hui comme animateur de talkshow pour ABC. À l’occasion, il se mue en maître de cérémonie et officie lors des traditionnelles grand-messes d’autocongratulation du milieu (Oscars, Emmys), si chères à Hollywood. À l’exception de quelques humiliations humoristiques (sur son propre plateau face au grandiose Norm Macdonald) et sportives (match de basket perdu contre le sénateur Ted Cruz), la carrière de Jimmy confine au sans-faute. Glanant succès officiels et d’estime, il a été de tous les combats essentiels – hormis celui de rester drôle – sans jamais déroger à son code de conduite. Endossant peu à peu le rôle de moralisateur qu’on apprécie tant chez nos amis les stars, il a courageusement dénoncé les antivax pro-Trump et affiché son soutien à Black Lives Matter [1].
Jimmy Kimmel dans The Man Show, sur la chaîne câblée Comedy Central (2000) [2] :
Sarah Silverman est un joyau de comédie que l’Amérique ne partage pas. Rarement femme si belle fut dotée de pareil don pour le rire. Hélas pour elle, le public est longtemps resté hermétique à son humour précurseur, à base de gros mots prononcés par une jolie bouche. Sarah dut ainsi supporter des débuts indignes de son talent et encaisser son renvoi du Saturday Night Live – déjà loin d’être hilarant – dès sa première année dans l’équipe. Ne se laissant pas démonter, la brunette ashkénaze a redoublé d’inventivité pour relancer sa carrière et surenchéri dans la provocation, moquant notamment la figure du Christ en croix et son martyre aux mains des siens. À l’instar de son ancien amant Jimmy Kimmel, elle aussi s’est sentie investie d’une mission d’éducation des masses aux enjeux politiques ; au point de dispenser des consignes de vote (Sanders puis Clinton puis Biden) et de prôner l’apaisement inter-ethnies pendant les émeutes BLM avec une pancarte « Le silence des Blancs est coupable » [3].
Sarah Silverman dans The Sarah Silverman Program, sur la chaîne câblée Comedy Central (2007) [4] :
Howard Stern est synonyme de radio aux États-Unis. Rien de moins. De son université à Boston aux ondes de Sirius XM, Stern a systématiquement affolé les compteurs derrière le micro. Son parcours est jalonné de récompenses, toutes plus glorieuses les unes que les autres, et son titre auto-décerné de « roi des médias » est quasiment incontesté. Flanqué de l’indéboulonnable Robin Quivers, caution de couleur pour toutes les vannes tendancieuses, Howard a su habilement jongler entre la grivoiserie scabreuse et la promotion de cas sociaux pour faire sortir le meilleur – monétairement parlant – de la nature humaine. Certes au cours de sa longue carrière, il a commis quelques impairs notables. Mais qui en 48 ans de règne n’aurait pas fini par ridiculiser les victimes de la fusillade de Columbine ou presser une invitée toxicomane à retester le poison la veille de son overdose ? Heureusement, depuis, Howard a fait un coming out woke des plus respectables : pro-vax, pro-black et anti-Trump [5].
Howard Stern dans New Year’s Rotten Eve Pageant, sur la radio WXRK (1993) [6] :
Drake est lui aussi l’un des tous meilleurs dans son domaine. Le rappeur-chanteur canadien survole le Billboard et les streams à chaque nouvel album et son impact sur la culture (concept vague et en vogue désignant autant la communauté afro-américaine que ses attitudes et influences) ne s’est jamais démentie. Un père noir et catho, une mère blanche et juive, Drake a goûté la diversité dès son plus jeune âge. Cet environnement œcuménique a pu développer chez lui un côté soft qui, couplé à ses épanchements narcissiques, son obsession pour la légitimité et sa peau claire, lui ont valu quelques bassesses de concurrents jaloux. Certains l’ont notamment accusé de singer les codes de la communauté noire à des fins mercantiles sans vraiment y appartenir pleinement. Mais aucune critique ne semble l’atteindre, lui ou sa carrière ; aussi Drake n’a-t-il pas de rancœur envers les siens. Il a même soutenu leur colère après l’affaire George Floyd, via un poème à la mémoire du héros parti trop tôt [7].
Drake pour la collection « Jim Crow Couture » de la marque Too Black Guys (2008) [8] :
Justin Trudeau est probablement, devant Emmanuel Macron et Joe Biden, l’homme politique le plus en phase avec son temps. Ayant mûri ses idées sous le tutorat attentif du Word Economic Forum, Justin a su convaincre les électeurs canadiens de lui confier le flambeau de son illustre paternel sur la scène politique nationale. Au charisme de Pierre-Elliott, il a ajouté un curieux charme de séducteur latin que l’on jurerait issu des terres de la Havane. Mieux encore, il fait montre depuis le début de sa carrière d’une sensibilité extrême pour ses concitoyens les plus minoritaires et aime à embrasser leurs coutumes pour mieux cerner leurs problèmes. Ainsi emploie-t-il une novlangue inclusive dans ses discours pour ne pas léser le beau sexe. De même qu’il s’excuse auprès des tribus natives de Colombie-Britannique pour des massacres d’enfants couverts par l’Église (même s’ils n’ont pas eu lieu). Car Justin est ainsi : il ne refuse aucun combat progressiste et ne met genou à terre que quand il le faut [9].
Justin Trudeau dans l’annuaire de la West Point Grey Academy de Vancouver (2001) [10] :
De toute évidence, le devenir de la cause afro-américaine en Occident est assuré, choyé qu’il est par les mains expertes d’institutions de qualité. Avec le Black History Month, la focale est portée sur la cause 28 ou 29 jours durant mais en définitive, c’est une attention quotidienne qu’elle réclame de chacun. Et les gens qui fabriquent les activistes l’ont bien compris. Afin de correctement véhiculer un message, il est vital de pouvoir compter sur une base forte et fiable, dont le parcours regorge de prises de position courageuses et d’actions concrètes. Des alliés, comme les cinq présentés aujourd’hui, sont donc précieux pour le mouvement noir car ils n’ont d’autre idée en tête que celles animant votre site de réinformation favori : l’égalité entre les peuples et la réconciliation de leur histoire. Avec une ambition si vertueuse en guise de cap, le rêve américain est promis à reprendre forme dans les temps prochains. On a hâte.
Léon Lacroix
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation