Quatre jours après sa disparition et les louanges médiatiques qui l’ont accompagnée, il est utile de rappeler que Robert Badinter ne fût pas « que » l’infatigable abolitionniste de la peine de mort. Comme le décline l’analyste Abdalouahad Bouchal qui – à rebours des médias français – n’a pas la mémoire courte… en plein génocide perpétré contre les Palestiniens par l’État colonial d’Israël, co-financé par la France et les États-Unis (I'A).
On peut s’être battu pour l’abolition de la peine de mort, en France, et être favorable à la mise à mort de tout un peuple, en Palestine. C’est ce que n’a cessé de nous démontrer Robert Badinter en venant, sans discontinuer, au secours d’Israël.
Un soutien à un régime d’apartheid au demeurant moins étonnant que les arguments de cet éminent avocat s’articulant en faveur de Tel-Aviv, de façon aussi odieuse que stupide.
Tout d’abord, fin décembre 2019, devant la Cour Pénale Internationale (CPI), Badinter s’est évertué à défendre l’État d’Israël pointé par une « enquête sur les éventuels crimes de guerre commis depuis juin 2014 en Israël-Palestine ».
A l’époque, selon Badinter, Israël et ses dirigeants ne pouvaient être traduits devant la CPI au prétexte que la partie requérante ne serait pas… un pays. A savoir, la Palestine. Or, bien que l’État de Palestine ne dispose que d’un statut d’observateur à l’assemblée des Nations-Unies, l’État palestinien est reconnu comme un État à part entière par les autres États signataires du statut de Rome et membres de la CPI.
En effet, de 1988 à 2015, la Palestine a été reconnue par 138 États dont deux membres permanents du Conseil de sécurité (Russie et Chine). On pouvait donc, en 2019, être pour le moins perplexe à l’écoute des « arguments » de l’ancien garde des sceaux.
Quels étaient les arguments de ce technicien du droit sur la recevabilité de la requête déposée jadis par l’Autorité palestinienne de Ramallah ? En voici le résumé, in extenso, dans un billet du chirurgien français Christophe Oberlin :
« La Cour Pénale Internationale n’a pas juridiction sur les crimes prétendus avoir été commis en Cisjordanie, incluant Jérusalem Est et la bande de Gaza. Le terme « État » selon l’article 12(2) (a) du Statut de la Cour signifie que l’État est souverain, or la Palestine ne l’est pas. La Palestine n’est pas un « État » au regard de l’article 12 (2) (a) du Statut par sa simple adhésion au Statut de Rome. Ce n’est pas à la CPI de déterminer si la Palestine est un État souverain selon le droit international, ou si l’enquête en question s’applique « sur le territoire de » la Palestine alors que les parties sont engagées à trouver une solution négociée sur le statut d’état et les frontières. La Palestine ne remplit pas les critères d’un État selon le droit international. Et la seule façon d’enquêter sur des crimes commis dans ce cadre est constituée par la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité. Les accords d’Oslo s’imposent à la juridiction de la Cour. »
Pour les sceptiques, Oberlin enfonce le clou : « Le résumé de l’argumentaire de Robert Badinter, présenté en tête de son texte, est identique mot pour mot aux déclarations récentes du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Et la suite du document ne fait qu’insister à la fois sur l’illégalité des plaintes palestiniennes, et de la Cour Pénale Internationale à les prendre en compte. Le professeur Badinter commet ainsi de remarquables erreurs de droit et d’éthique. »
Bref, en 2020, Robert Badinter conduisait une armée de tabellions rémunérés par le gouvernement de l’époque de Benjamin Netanyahou, futur génocidaire en 2023-2024. Il y a 4 ans, Israël a finalement été débouté par la présidente ougandaise de la CPI et l’affaire a fait « pschiiiiit ! »
La France, patrie des lumières blafardes et des droits de l’homme blanc, brille quelques fois d’un bien mauvais éclat. Qu’à cela ne tienne, les lumières, même les plus amoindries, attireront toujours les insectes…
Protéger certains collabos français
Plus loin dans le temps, on peut aussi rappeler qu’en 1975, Robert Badinter s’était violemment opposé à la fameuse Résolution 242 des Nations-Unies. Celle-ci ordonnait, en son article premier : 1) le « Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » ; 2) la « Cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues ».
Aux plus distraits, cette opposition résolue de Badinter indique que ce n’est pas d’hier que « Bob » s’est positionné en ennemi de la cause palestinienne.
Ensuite, pour les cacahuètes du pousse-café, on rajoutera que l’avocat et ex-ministre de la Justice avait vertement engueulé les français juifs venus huer le président François Mitterrand lors d’une cérémonie de commémoration du Vélodrome d’Hiver (1992). La cause de cette hostilité citoyenne ? Le refus persistant du monarque Mitterrand à reconnaître la responsabilité de la France dans la période de Vichy (1940-1944).
Voilà donc un bien curieux personnage que ce Badinter. S’il s’est incontestablement investi dans l’abolition de la peine de mort, en France et à travers le monde, il a aussi, par fidélité (ou intérêt ?), su se mettre en colère pour protéger « le père François » ; collaborateur du régime de Vichy dans la France occupée de la Seconde Guerre mondiale.
Par ailleurs, le premier des abolitionnistes français protégera encore René Bousquet, antisémite et collabo de l’occupant nazi et… « ami » proche de Mitterrand. Cela, jusqu’à ce que – le 8 Juin 1993 – un illuminé vienne tirer 5 balles dans le buffet de l’ex-directeur général de la police de Vichy et aussi superviseur de « la rafle du Vel d’Hiv’ » [Vélodrome d’Hiver]. Le bilan du haut fonctionnaire Bousquet d’avril 1942 à décembre 1943 ? Plus de 60 000 juifs arrêtés par ou avec le concours de la police française pour être déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz.
L’assassinat de Bousquet évitera à Mitterrand et son clan « socialiste », la tenue d’un Procès Bousquet qui aurait été – comme chacun le sait – très encombrant.
Enfin, dans la famille Badinter, on n’est pas à une contradiction près.
La veuve de Robert, par exemple, qui, en bonne féministe, porte toujours le patronyme de feu son époux, Élisabeth Badinter, a été et demeure une pasionaria du féminisme islamophobe. Sans que cela interroge ou énerve quiconque durant sa carrière de présidente au sein du groupe Publicis, dont l’un des très gros clients n’était autre que l’Arabie Saoudite, pays longtemps soutien inconditionnel de l’État d’Israël.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir