Valérie Babin est chargée d’éducation au Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Dans le cadre de la Semaine du développement international, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) a réalisé un balado solidaire avec la collaboration du Centre international de solidarité ouvrière (CISO), Solidarité Laurentides Amérique centrale (SLAM) ainsi que Développement et Paix.
Condensé sensible et dynamique du panel Luttes paysannes d’ici et d’ailleurs : la souveraineté alimentaire menacée par les transnationales, le balado explore les luttes des organisations paysannes du Honduras, du Mexique, du Guatemala, d’Haïti et du Québec pour conserver leur droit de cultiver leurs terres selon leurs propres besoins et réalités. Parmi les nombreux constats et les solutions communiquées dans ce balado, trois nous semblent particulièrement pertinents en regard de la mission du CISO sur la solidarité internationale et intersyndicale dans les luttes ouvrières.
Dans un premier temps, les panélistes montrent que la résistance des paysannes et des paysans vise l’organisation collective de travailleuses et de travailleurs dans le but d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Ainsi, Cirio Ruiz González, membre du Conseil régional du café à Coatepec au Mexique, met de l’accent sur l’expertise des producteurs de café et leurs luttes ouvrières.
Il explique que les plus grands acteurs de la chaîne de production du café forment un oligopole au Mexique, causant une baisse des prix sans égard aux techniques de fabrication et à la qualité. Face au dénigrement de leur expertise et à la répression de l’État, le lien social est un facteur de résilience : « la seule façon de faire face à ce problème est de s’unir directement avec cette armée de 550 000 producteurs et d’établir une relation directe avec les consommateurs ». En tant que mouvement intersyndical, le soutien à ces paysannes et paysans qui nourrissent la planète et luttent pour le respect de leurs droits est primordial, car nos droits sont interconnectés.
Dans un deuxième temps, la souveraineté alimentaire implique également de s’intéresser à l’accaparement des terres dans un contexte où le mouvement syndical milite pour une transition juste. Si l’objectif de la transition juste est de ne laisser personne derrière, Neydi Juracan, femme maya Kakchiquel et coordonnatrice générale du Comité Campesino del Altiplano au Guatemala, nous raconte l’autre côté de la médaille.
Dans son pays, on fait valoir des projets de barrages hydroélectriques comme étant des alternatives aux changements climatiques. Pourtant, ces projets ont plutôt été « synonymes de dépouillement et de dépossession » pour les populations locales et autochtones qui perdent les terres qui servent à la production alimentaire de base.
Même son de cloche pour Elvin Hernandez, coordonnateur de la Fondation ERIC – Radio progreso. Au Honduras, les concessions minières affectent la santé des cours d’eau dans les montagnes, et donc, la production d’une agriculture locale. Pour lui, « il est fondamental de redistribuer ces terres fertiles, qui ont la capacité de produire des denrées alimentaires non seulement pour le Honduras, mais aussi pour l’Amérique centrale ».
Dans un troisième temps, la solidarité internationale et intersyndicale exige d’effectuer des actions de plaidoyer pour que le Canada ne soit pas complice du non-respect des droits humains en diminuant les capacités des peuples de décider eux-mêmes comment ils organisent leurs systèmes alimentaires.
Thibault Rehn, cofondateur de Vigilance OGM, nous rappelle ainsi que le Canada s’est joint aux États-Unis pour poursuivre le Mexique dans le cadre de l’Accord Canada–États-Unis-Mexique lorsque ce dernier a choisi de ne plus importer de maïs génétiquement modifié sur son territoire. C’est avec beaucoup d’indignation que le militant écologiste nous dit : « C’est inconcevable qu’un pays attaque la souveraineté alimentaire d’un autre pays ! »
De son côté, Marie-Fausta Jean-Maurice, ancienne coordonnatrice des programmes de Caritas Haïti et de l’Institut de Technologie et d’Animation, souligne que ce sont les « importations alimentaires qui, justement, déstructurent les circuits de production, de commercialisation et ont tendance à déstabiliser les modèles de consommation locaux ». Le manque de politiques publiques favorables à la production locale en Haïti est un des facteurs de la hausse du taux d’insécurité alimentaire du pays. L’analyse d’Elvin Hernandez est donc partagée par plusieurs intervenant∙e∙s d’autres pays : les traités de libre-échange favorisent fortement les grandes industries au détriment d’une agriculture de proximité.
Thibault Rehn nous rappelle qu’au Canada nous, citoyennes et citoyennes, avons la possibilité de mener des actions de mobilisation pour faire entendre l’importance de la souveraineté alimentaire de chaque pays, et ce, sans subir de représailles. La solidarité internationale et intersyndicale doit donc accompagner les luttes des paysannes et paysans du monde entier qui militent pour des systèmes alimentaires organisés de manière démocratique par et pour les peuples.
Le balado Luttes paysannes d’ici et d’ailleurs : la souveraineté alimentaire menacée par les transnationales est disponible sur SoundCloud et sur Spotify. Rappelons que la Semaine du développement international est portée par Affaires mondiales Canada et facilité au Québec par l’Association québécoise des organisations de coopération internationale.
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal